L'heure de vérité approche pour le nouvel Europe 1 imaginé par Laurent Guimier. Ce jeudi, Médiamétrie publiera les audiences radio pour la période septembre/octobre. Comme chaque rentrée, celles d'Europe 1, dont la grille a une fois encore été revue de fond en comble, seront scrutées à la loupe. La performance la plus attendue est évidemment celle de Nikos Aliagas, à la tête de la matinale, "prime time" de la radio et carrefour stratégique qui pèse pour près de 60% de l'audience globale d'une station.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que, ces dernières années, la matinale d'Europe 1 a été la plus instable des grandes généralistes. En l'espace de dix ans, pas moins de cinq matinaliers se sont succédé à Europe 1, soit un changement tous les deux ans en moyenne. La station du groupe Lagardère détient évidemment le record dans sa catégorie alors que, dans le même temps, ils n'ont été que deux à se partager le fauteuil sur France Inter et trois sur RTL. En poste depuis 2001 sur RMC, Jean-Jacques Bourdin est, lui, le matinalier installé depuis le plus longtemps. À l'aube de la publication des audiences pour la période septembre/octobre 2018, puremedias.com vous propose de revenir sur le lancement des précédentes matinales d'Europe 1.
2008 ou la révolution Bompard. Cette année-là, alors que les audiences d'Europe 1, déjà largement distancée par RTL, pataugent et que la station peine à trouver un ton, Arnaud Lagardère et Didier Quillot, alors patron de Lagardère Active, décident de faire confiance à Alexandre Bompard, qui succède ainsi à Jean-Pierre Elkabbach, déjà septuagénaire. Âgé d'à peine 35 ans, cet énarque devenu inspecteur des finances s'est fait connaître dans le milieu des médias pour avoir dirigé le pôle sport de Canal+. Dès son arrivée, Alexandre Bompard imprime sa marque. Un certain Laurent Guimier est nommé patron de la rédaction tandis que les recrutements se multiplient : Michel Drucker, Marie Drucker ou encore Patrick Cohen, chipé (déjà !) à France Inter. Nicolas Canteloup, Laurent Ruquier et Jean-Marc Morandini sont, eux, pérennisés.
Pour reprendre le flambeau de Jacques Pradel, qui a jeté l'éponge quelques mois plus tôt, à la tête de la matinale de la station du groupe Lagardère, Alexandre Bompard tente un pari. Le dirigeant débauche - c'est même là son tout premier recrutement - Marc-Olivier Fogiel qui officiait sur RTL ("On ne pouvait pas le rater") et M6 ("T'empêches tout le monde de dormir"). Le pari est osé car "Marco", que les observateurs attendaient à l'époque à la tête de la matinale de RTL, pâtit encore d'une image clivante, héritée des années "On ne peut pas plaire à tout le monde". Les résultats vont pourtant être immédiats et maintenir la station à flot pendant un peu plus de deux ans.
En septembre/octobre 2008, pour sa toute première vague à la tête de la matinale, Marc-Olivier Fogiel parvient à gagner des auditeurs. Sur un an, l'auditoire du 7h/9h de la station progresse de 4%, pour s'établir, au quart d'heure moyen, à 1,31 million de paires d'oreilles. Comparé à la vague septembre/octobre 2007, Europe 1 progresse fortement, passant de 4,60 millions d'auditeurs, en audience cumulée, à 4,88 millions. Dès lors, devenant le mur porteur de toute la grille, la matinale ne cessera plus de progresser jusqu'en 2010. Le pic sera atteint lors de la vague novembre/décembre 2009 avec une moyenne de 1,53 million d'auditeurs au quart d'heure moyen et une durée d'écoute au sommet, traduite par une part d'audience historique de 12,1% sur cette vague. Durant cette heure de gloire pour la station, qui prendra fin en 2010 avec le départ d'Alexandre Bompard, suivi de près par celui-ci de Marc-Olivier Fogiel, Europe 1 ira même jusqu'à chahuter France Inter, sans jamais toutefois inquiéter RTL.
Fort de sa réputation de redresseur d'entreprise, acquise à Europe 1, Alexandre Bompard est appelé à la rescousse de la Fnac. Après des semaines de rumeurs, son départ d'Europe 1 est officialisé en novembre 2010. Il prend ses fonctions quelques mois plus tard, début 2011. À l'époque président du directoire du "Nouvel Obs" et ancien patron de... la Fnac, Denis Olivennes est nommé à la tête d'Europe 1. Il devient également responsable de "Paris Match", du "JDD" et du pôle web de Lagardère. Alors que les audiences baissaient franchement depuis qu'il s'absentait de plus en plus régulièrement de la matinale, Marc-Olivier Fogiel quitte la station en février 2011. Son départ s'ajoute à celui de Nicolas Demorand, autre voix de la station, qui délaisse la tranche d'info du soir. S'ouvre alors une période d'interim à la tête des matinées de la troisième généraliste de France, assurée par Guillaume Cahour, qui était le joker de Marc-Olivier Fogiel depuis quelques mois.
Désireux d'imprimer sa marque et alors que les audiences d'Europe 1 sont en baisse, Denis Olivennes procède à de nouveaux recrutements. Le nouvel homme fort du groupe Lagardère recrute un certain Nikos Aliagas et Bruce Toussaint, débauché de Canal+ où il était l'animateur de la quotidienne "L'édition spéciale", à qui il confie les clés de la matinale. Denis Olivennes fixe alors comme objectif à Europe 1 de revenir "au-delà des 10 points d'audience cumulée", que la station n'a plus atteint depuis la vague janvier/mars 2010. À ce titre, la rentrée 2011 est une déception. En septembre/octobre 2011, Europe 1 affiche 8,9 points d'audience cumulée, en nette baisse sur un an (-0,8 point) et loin de l'objectif affiché.
Pour ses débuts, la matinale de Bruce Toussaint ne brille pas et perd 7% de son auditoire sur un an avec une moyenne au quart d'heure moyen de 1,30 million d'auditeurs. La durée d'écoute est en nette baisse, chutant de 11,2% de PDA en septembre/octobre 2010 à 10,3% un an plus tard. Malgré une très bonne vague en novembre/décembre 2012 - la meilleure depuis la rentrée 2010 avec 1,4 million d'auditeurs au compteur -, Bruce Toussaint ne parviendra pas à redresser la matinale de la station, talonnée par France Bleu. Au printemps 2013, alors qu'Europe 1 tombe à 8,5% de part d'audience cumulée (vague janvier/mars, ndlr), le journaliste est remercié de la matinale. Après sa parenthèse Europe 1, Bruce Toussaint réintègre le groupe Canal+.
Le printemps 2013 marque un nouveau tournant pour Europe 1. Directeur de la rédaction d'Europe 1 depuis quelques mois, Fabien Namias est promu directeur général de la station, toujours sous la houlette de Denis Olivennes. La grille est, une nouvelle fois, remaniée. Wendy Bouchard décroche la case du midi tandis que Cyril Hanouna succède à Michel Drucker en matinée. Pour la matinale, un nouveau pari est tenté avec le recrutement de Thomas Sotto. Figure de BFMTV puis de M6, où il est alors l'animateur et le rédacteur en chef de "Capital", le journaliste a une lointaine expérience de la radio - il a débuté sur RMC en 1995 - et est peu familier de l'exercice de la matinale. Autour de lui, les piliers Nicolas Canteloup et Jean-Pierre Elkabbach sont confirmés, tout comme Natacha Polony, incarnante de la revue de presse depuis un an. Recruté pour un édito, Daniel Cohn-Bendit complète la bande.
Ce nouvel attelage va devoir faire rapidement ses preuves, la station étant passée sous la barre des 4,5 millions d'auditeurs cumulés en début d'année, même si Fabien Namias lui donne "deux saisons". Les débuts sont encourageants pour Thomas Sotto. En septembre/octobre 2013, la matinale se stabilise, avec 1,24 million d'auditeurs au quart d'heure moyen entre 7h et 9h, et accroît son avance sur France Bleu. Sur un an, la station regagne 220.000 paires d'oreilles, avec 4,88 millions d'auditeurs cumulés. La durée d'écoute remonte également avec une part d'audience cumulée de 9,2% (+0,3 point sur un an). La presse accueille favorablement ses résultats encourageants, "Libération" titrant "Europe 1 revient".
À la rentrée suivante, Thomas Sotto progresse à nouveau, avec 1,39 million d'auditeurs au quart d'heure moyen en septembre/octobre 2014, mais une hémorragie l'après-midi, provoquée par le départ de Laurent Ruquier pour RTL, déstabilise la station. À lui seul, Thomas Sotto ne pourra plus masquer les résultats d'une station qui va s'enliser dans la crise. Si la matinale baisse mais ne s'effondre pas, le reste de la grille prend l'eau. La fin de saison 2015-2016 est très compliquée. Europe 1 ne touche plus que 4,2 millions d'auditeurs en avril-juin 2016. La part d'audience cumulée tombe à 7,8%. Pour ne rien arranger, à l'été 2016, l'affaire Jean-Marc Morandini provoque la perte de l'animateur, qui était un incontournable des matinées de la station.
La saison 2016-2017 sera mortifère pour la station. En décembre 2016, après une très mauvaise rentrée, Fabien Namias perd sa casquette de directeur général. Il succède par ailleurs à Jean-Pierre Elkabbach à la tête de l'interview politique de la matinale. Une ambiance de fin de règne plane dans les locaux de la station qui tombe, pour la première fois de son histoire, sous la barre des 4 millions d'auditeurs cumulés au printemps 2017 (vague avril/juin). Face à l'urgence de la situation, Arnaud Lagardère prend la présidence de la station. Un aggiornamento se profile. Dans les semaines suivantes, Frédéric Schlesinger, numéro 2 de Radio France, et Emmanuel Perreau, architecte du succès de France Inter aux côtés de Laurence Bloch, sont débauchés du groupe public par Lagardère. La fin de l'ère Olivennes s'accompagnera des départs de Thomas Sotto et Fabien Namias.
À leur arrivée, Frédéric Schlesinger et Emmanuel Perreau font sauter quasiment toute la grille de la station au marteau-piqueur. Après quatre saisons d'antenne, Thomas Sotto n'est pas reconduit à la tête de la matinale. Arnaud Lagardère a sorti son chéquier pour s'offrir les services de Patrick Cohen, qui était le roi des matinales, à la tête du 7/9 de France Inter depuis 2010. Autour de Patrick Cohen, une nouvelle matinale est constituée, avec les recrutement de Marion Lagardère, Hélène Jouan ou encore Vincent Hervouët. Daniel Cohn-Bendit, Raphaël Enthoven et l'indéboulonnable Nicolas Canteloup conservent en revanche leur place. Pour ajouter de l'humeur, Matthieu Noël retrouve Patrick Cohen, son ancien partenaire de jeu dans "C à vous", pour une nouvelle chronique humoristique.
Plongeant, à l'instar de tout le reste de la grille, la nouvelle matinale de Patrick Cohen est confrontée à des débuts très compliqués. Sur la vague septembre/octobre, le 7h/9h lâche 180.000 auditeurs sur un an, et se retrouve plus proche que jamais de celui de France Bleu. Vivant à nouveau sa pire rentrée historique, Europe 1 n'est plus écoutée que par 3,90 millions d'auditeurs cumulés. La part d'audience cumulée tombe à 7,2%. Le sort de la nouvelle grille est vite scellé par Arnaud Lagardère d'autant plus que la vague suivante est catastrophique. En novembre/décembre, la matinale de Patrick Cohen passe sous la barre du million d'auditeurs. Du jamais vu. Lâchant 280.000 auditeurs sur un an, la matinale d'Europe 1 se retrouve, pour la première - et pour l'instant unique - fois de son histoire, derrière France Bleu. La station tombe à 3,54 millions d'auditeurs cumulés et 6,6% de part d'audience cumulée, ses plus faibles niveaux historiques sur ces indicateurs.
Aujourd'hui, c'est désormais à Laurent Guimier, nouveau patron d'Europe 1, et à Nikos Aliagas, successeur de Patrick Cohen à la tête de la matinale, de se confronter à la redoutable sentence des audiences de rentrée. Au regard de ces dix dernières années, s'ils ne constituent pas une fin en soi, ces premiers résultats n'ont jamais été démentis par les tendances lourdes qui ont suivi. La matinale de Marc-Olivier Fogiel a continué à progresser après une première rentrée en hausse. Bruce Toussaint a démarré en baisse et n'est pas parvenu à remonter la pente ensuite. Débutant à un niveau équivalent, Thomas Sotto, a globalement stabilisé la matinale malgré une grille en perdition. Enfin, Patrick Cohen a démarré en chute libre sans que celle-ci ne soit amortie dans les mois suivants. À ce titre, qu'ils soient en hausse, stable ou en baisse, les premiers résultats d'audience de Nikos ne manqueront donc pas de constituer un indicateur sérieux de la potentielle tendance à venir pour Europe 1.