Grève en vue à France Télévisions. Les journalistes de la rédaction sport de franceinfo.fr ont déposé mercredi 9 mars un préavis de grève pour le samedi 19 mars, jour de diffusion sur France 2 du match du Tournoi des VI Nations, France-Angleterre. Un mouvement motivé selon eux par la précarité des contrats de travail accordés à de nombreux membres de cette rédaction par France Télévisions. Ce serait même "la rédaction où le taux de précarité est le plus important", selon Antoine Chuzeville, délégué syndical du SNJ pour France Télévisions, joint par puremedias.com.
La dernière titularisation n'est certes pas si ancienne - elle remonte à 2020 - mais il s'agissait, a vérifié le délégué syndical, de "la première embauche d'un pigiste depuis 2005". "Cette rédaction s'est construite sur cette logique de précarité, c'est son mode de fonctionnement", critique-t-il. Aujourd'hui, seuls deux rédacteurs en CDI signent les centaines d'articles publiés chaque mois. Avec le jeu des promotions, les quatre à cinq journalistes historiques sont maintenant rédacteurs en chef ou chefs de service. Pour le reste, le site internet tourne grâce à une trentaine de pigistes réguliers.
"Plus de 80% des articles publiés par la rédaction numérique de franceinfo: sport sont écrits par des journalistes précaires (en CDD ou en piges), des apprentis ou des stagiaires", déplore d'ailleurs le SNJ dans le préavis. Au total, cette masse de piges et de CDD "représente plus de dix postes à temps plein", a calculé Antoine Chuzeville, qui réclame au nom de la rédaction le recrutement de 10 journalistes, dont 5 dès ce premier semestre. "La direction a bien reconnu, lors d'un Comité social et économique au siège, un taux de précarité très élevé mais n'a pas voulu s'engager sur des embauches en CDI. C'est insupportable pour les pigistes".
Des pigistes dont la condition s'est d'autant plus précarisée depuis que la direction a imposé, restrictions budgétaires obligent, "un plafond artificiel et arbitraire" du nombre de piges qu'il est possible de réaliser pour eux chaque année, regrette encore le délégué syndical. "C'est ainsi que certains ont appris en septembre dernier que c'était fini, qu'ils ne pourraient plus bosser pour France Télévisions jusqu'à la fin de l'année parce qu'ils avaient atteint ce plafond."
Les pigistes et les CDD, à l'initiative de ce mouvement, demandent donc à travailler dans "une rédaction normale socialement", assure encore Antoine Chuzeville. "Vous vous rendez compte, c'est comme si le '13 Heures' et le '20 Heures' étaient réalisés par des pigistes et des CDD depuis vingt ans. On n'accepterait jamais qu'une rédaction télé soit précarisée à ce point. La loi impose que cette activité soit réalisée par des personnels en CDI. On a épuisé tous les leviers internes normaux mais les recours aux tribunaux ne sont pas exclus, France Télévisions est en dehors des clous".
Pour l'heure, le préavis de grève vaut pour une mobilisation d'une seule journée, le 19 mars. Celle-ci sera confirmée ou non en début de semaine prochaine, après d'ultimes discussions entre les représentants syndicaux et les directions des ressources humaines et des sports de France Télévisions. Contactée par puremedias.com, cette dernière a précisé qu'elle ne ferait pas de commentaires.
Cette potentielle mobilisation est la deuxième en quelques mois à la rédaction numérique de franceinfo:. Une première grève, suivie par 93% des journalistes, avait, en effet, été organisée le 30 novembre dernier par les journalistes web afin de "dénoncer un manque de moyens humains" au regard de la charge de travail accrue qui lui incombait depuis plusieurs mois. Deux postes étaient sur la sellette à court terme. "Ils ne le sont plus", a-t-on appris par une source en interne.
"L'un - un poste de journaliste économie - a été remplacé en CDD immédiatement et doit être pourvu le mois prochain en CDI. L'autre - le poste de journaliste vidéo - a donné lieu à une prolongation de CDD de six mois, sans savoir si le poste sera ou non pérennisé".
Un CDD supplémentaire est également venu gonfler les rangs pour sept semaines "durant la campagne présidentielle". La création de quatre postes en CDI pour venir renforcer durablement la rédaction de franceinfo.fr n'a en revanche pas été entendue. "Un bilan en demi-teinte", selon notre source, qui n'exclut pas une nouvelle mobilisation après la présidentielle.