Inamovible C8. Portée par le vote des inconditionnels fanzouzes, la chaîne gratuite du groupe Canal+ décroche sa sixième victoire d'affilée aux TV Notes, organisés par puremedias.com en partenariat avec "20 Minutes et RTL, dans la catégorie "chaîne TNT de la saison". puremedias.com s'est entretenu avec Franck Appietto, directeur général de C8, et Vincent Pujol, directeur des programmes de la chaîne, pour recueillir leur réaction, faire un bilan de la saison écoulée et dresser les perspectives pour la rentrée.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
puremedias.com : C'est la sixième fois consécutive que C8 est consacrée comme chaîne TNT de la saison aux TV Notes. J'imagine que ce n'est même plus une surprise...
Franck Appietto : Ça reste une grande source de joie. C8 est une chaîne à part dans le PAF. C'est une chaîne à fans qui bénéficie de forts liens d'attachement avec notamment la base des fans de Cyril Hanouna, les "fanzouzes", et des programmes tels que "C'est que de la télé !", "Salut les Terriens !", "Les Terriens du dimanche !" et les magazines historiques "Les animaux de la 8" et "Direct auto". C8 est une chaîne jeune, dynamique, inventive, une chaîne de divertissement accessible à tous, où l'humour a toute sa place. Nous sommes parvenus à créer un lien très fort avec nos téléspectateurs, ce qui est assez rare en télévision. Je pense que le fait d'être une chaîne avec cinq heures de direct par jour joue beaucoup dans l'établissement de ce lien affectif. D'une obligation, nous sommes parvenus à faire une force. C8 n'est pas une chaîne froide, "en boîte", et c'est le sens de cette récompense.
Quels succès retenez-vous de cette saison ?
Franck Appietto : Bien évidement, le succès de Cyril en access est une vraie satisfaction. Il y a également le succès des "Terriens du dimanche !" et de "C'est que de la télé !", qui sont deux nouveautés de la saison. Le retour de Vincent Lagaf', les scores de notre programmation sportive et les performances des captations de spectacle vivant en direct sont aussi des motifs de satisfaction. Il y a aussi quelques grands succès de notre offre cinéma, dont la franchise "Hunger Games". Nos documentaires, notamment les soirées animées et produites par Victor Robert, ont aussi rencontré leur public.
Vincent Pujol : Si on prend l'exemple du mois de mai, on a diffusé la série "Safe", une co-production internationale avec Netflix et StudioCanal, qui fait le record d'une série sur la TNT avec 1,6 million de téléspectateurs et le record d'audience de catch-up de C8 sur MyCanal, et un spectacle des Chevaliers du Fiel, "L'assassin est dans la salle", conçu spécialement pour nous, qui a rassemblé 1,1 million de personnes. Nous avons aussi rencontré un succès phénoménal avec le lancement de "Strike", leader TNT avec 1,4 million de téléspectateurs. La finale de la Ligue des Champions a conforté notre position statutaire avec 3,8 millions de téléspectateurs. On a également proposé à nos téléspectateurs des programmes d'une exceptionnelle qualité comme le documentaire "Human Bomb".
Ce mois de mai reflète bien notre année et le fait que la plus belle des victoires pour C8, c'est sa richesse éditoriale.
"Le paysage concurrentiel s'est considérablement renforcé"
Malgré une baisse d'audience, C8 est restée leader sur les quatre ans et plus cette saison. Cependant, C8 est distancée sur les principales cibles commerciales par TMC et W9. Elle accuse même un repli. N'est-ce pas gênant pour la rentabilité de la chaîne ?
Franck Appietto : "Distancée" est un grand mot. Il y a un paysage concurrentiel qui s'est considérablement renforcé. C'est bien, ça veut dire que le marché est dynamique. Oui, il nous arrive d'être battus sur certaines cibles mais cela n'impacte pas la puissance globale de la chaîne et ses recettes publicitaires. Encore une fois, c'est une chaîne qui séduit et rend captif.
Vincent Pujol : De par sa position, TF1 est vendue sur le marché comme "over-leader". Nous, le fait d'être leader TNT sur les quatre ans et plus nous permet de nous vendre très bien. Il y a ce combat sur les cibles qui existe. Mais il y a une telle offre éditoriale en face. Quand on regarde quels sont les gros succès de l'année, on s'aperçoit que la plupart sont sur la TNT...
À l'inverse de TMC et W9, C8 est réputée largement déficitaire. Un article de presse a récemment évoqué des pertes évaluées à 75 millions d'euros l'année dernière.
Franck Appietto : Nous ne commentons pas les chiffres évoqués. Nous avons une vraie stratégie d'investissement. Il faut rappeler que, contrairement à TMC ou W9, C8 ne s'adosse pas à une chaîne gratuite historique et ne nourrit pas sa grille de programmes majoritairement issus de la chaîne premium. Nous ne pouvons donc pas alléger nos coûts de grille de cette manière. Pour le cinéma par exemple, beaucoup s'imaginent que l'on peut piocher à volonté dans le catalogue des films StudioCanal. C'est complètement faux. Il faut aussi rappeler que notre convention nous impose sept heures de programmes inédits par jour.
"Le pré-access et l'access sont rentables pour la chaîne"
Pourquoi avoir renégocié le contrat qui lie C8 et H2O Productions ? Plombe-t-il vos comptes comme cela a également été récemment évoqué ?
Franck Appietto : Le pré-access et l'access sont rentables pour la chaîne. Dans les faits, il y a des années ou l'on dépense plus parce qu'il y a davantage de développements et il y a des années où on réduit la voilure. Il y a des concepts sur les bureaux d'H2O qui vont voir le jour à la rentrée et qui sont en développement depuis le printemps dernier. Avec H2O, on a une base de 400 émissions, ce qui représente l'access et le pré-access, à laquelle s'ajoute un certain nombre de primes.
Aujourd'hui, il y a un vrai objectif de rendre la chaîne plus rentable ?
Franck Appietto : Arriver à un point d'équilibre serait très vertueux.
"Nous retravaillons 'William à midi' pour la rentrée"
Alors pourquoi maintenir une émission déficitaire comme "William à midi" ?
Franck Appietto : Nous avons accueilli William Leymergie dans la famille. Il est arrivé avec ses propres codes. Nous lui avons laissé le temps. Nous l'avons aussi conseillé et on a vu la progression à partir du mois de janvier. Là, nous retravaillons le programme pour la rentrée. Nous avons envie que William se fasse sa place sur C8.
Vincent Pujol : La case est très compliquée avec une mainmise extrêmement importante des JT des principales chaînes historiques. Mais on se rend compte qu'en l'absence de "William à midi", on fait moins d'audience.
Après la saison extrêmement houleuse de "TPMP" la saison dernière, vous avez été soulagé de vivre une saison sans polémiques et surtout sans sanctions du CSA ?
Franck Appietto : Oui, évidemment. Nous avons, dès la rentrée, construit une émission très différente avec des experts comme Christine Kelly ou Rachid Arhab. Nous sommes aussi revenus aux fondamentaux - une émission qui traite de l'actualité des médias dans un esprit de bande - après avoir été trop dans le divertissement l'année dernière. "TPMP" reste notre navire amiral. D'un point de vue éditorial, nous étions très heureux du démarrage en début de saison. En audiences, nous étions en dessous de ce que nous avions l'habitude de faire. Mais nous nous sommes laissés le temps. Même si Cyril est resté leader quasiment toute l'année, il a vraiment pris son envol à partir de janvier.
"Nous avons réussi à prouver que la marque 'TPMP' n'était pas morte"
L'émission était-elle en danger de mort l'été dernier ?
Franck Appietto : Non. Certains nous disaient que la marque était morte et qu'il fallait arrêter. Avec Cyril, nous nous nous étions parlé tout l'été et nous voulions prouver que ce n'était pas le cas. Nous avons réussi. Au-delà des audiences, il a pris la mesure du phénomène de société qu'est devenue l'émission. Il a rectifié le tir tout en ne renonçant pas au direct. C'est tout à son honneur.
Cyril Hanouna a annoncé le renouvellement de "Strike" pour la saison prochaine. Vincent Lagaf' aura-t-il d'autres émissions sur C8 la saison prochaine ?
Franck Appietto : La question ne s'est pas encore posée. Vincent a une vie ailleurs. Nous sommes ravis de poursuivre "Strike" avec lui. S'il a d'autres envies, nous en discuterons.
"Nous avons la capacité d'installer des marques nouvelles"
"Strike" a réalisé un très gros démarrage. Vous vous attendiez à un tel score ?
Franck Appietto : Nous nous attendions à un gros score. Après, c'était assez osé de le mettre face à "Burger Quiz". La vraie surprise, ça a d'ailleurs été de passer devant.
Vincent Pujol : On avait quand même un signal. On sentait qu'il y avait une vraie attente autour du retour de Lagaf'. Nous sommes parvenus à proposer une émission très créative, typique de C8. C'est très salutaire de se dire que nous avons la capacité d'installer des marques complètement neuves, tout comme nous l'avions fait avec "Guess My Age" ou "Couple ou pas couple", qui sont aujourd'hui des créations vendues à l'international. C'est un joli tour de force de réussir à imposer des créations à une époque plutôt frileuse en la matière.
William Leymergie, Vincent Lagaf' et bientôt Patrick Sabatier... Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de recycler les vieilles gloires du PAF ?
Franck Appietto : Ce sont des animateurs qui ont un vrai savoir-faire. Pour tenir un prime avec un bowling géant, il faut quelqu'un de bouillonnant d'énergie comme Vincent Lagaf'. Patrick Sabatier va animer un prime à la rentrée sur C8. Patrick a été un concepteur d'émissions cultes. On va refaire "Avis de recherche" avec lui et ça nous fait plaisir de le faire pour une spéciale autour de Cyril. Après, ça manque de relève. On ne peut pas dire qu'il n'y ait que des gens très jeunes sur les autres antennes.
"Le départ de Camille Combal et Julien Courbet ? C'est tout simplement la vie d'une chaîne"
Julien Courbet et Camille Combal quittent C8. Ils étaient tous deux très identifiés par votre public jeune. C'était peut-être eux, la relève ?
Vincent Pujol : La vocation de C8, c'est d'être leader auprès du plus grand nombre. Donc, nous devons avoir des incarnations qui répondent à ce besoin. C'est en phase avec la mission de C8 d'avoir des grands bateleurs de la télé sur son antenne. Pour revenir sur le départ de Julien et Camille, c'est tout simplement la vie d'une chaîne. Ils ont passé respectivement quatre et six ans sur C8. Ils partent en très bons termes. Ils s'en vont de manière naturelle, avec des larmes d'une sincérité absolue, parce qu'ils ont des opportunités ailleurs.
Pourquoi renouveler "Au Tableau" qui, malgré un très bon lancement lors de la présidentielle, a réalisé des scores décevants cette saison ?
Franck Appietto : Nous sommes très fiers de ce format, que nous avons d'ailleurs vendu à l'international. C'est vrai que le premier numéro, pendant la campagne présidentielle, était très événementiel. Cette émission est faite avec beaucoup de tendresse et avec toute l'âme de C8. C'est une émission familiale, qui fédère. Elle rentrera dans les archives de la télévision parce qu'il s'y dit des choses pas entendues ailleurs et cela permet de rompre avec la langue de bois.
Vincent Pujol : C'est une pépite, cette émission. Nous sommes satisfaits de la dernière qui a fait plus de 500.000 téléspectateurs et près de 4% sur cibles, avec François Hollande, Kev Adams et Kylian Mbappé en prime.
"On réfléchit à laisser de la place à de nouveaux visages dans la grille"
Quelles nouveautés préparez-vous pour la rentrée ? Il y aura de nouvelles incarnations ?
Franck Appietto : C'est encore un peu tôt pour en parler. Les grandes nouveautés de la rentrée, dans notre stratégie globale, c'est de continuer à proposer de nouveaux formats. Il y en a au moins deux qui sont en développement, dont "La Scoumoune" avec Cyril Hanouna. On va aussi poursuivre notre stratégie d'investissement dans la fiction. Il y aura notamment le lancement d'"Access", la série en 20x26 minutes avec Ahmed Sylla et la grande saga familiale "Les ombres rouges". Concernant de nouvelles incarnations, on réfléchit à bousculer un peu la structure de la grille actuelle pour laisser de la place à de nouveaux visages dans une économie maîtrisée.
Vincent Pujol : Le modèle qui a très bien marché cette année, c'est celui du documentaire lié à l'actualité immédiate. Ce que l'on a notamment fait sur Johnny Hallyday ou Nordahl Lelandais. On va tenter de pérenniser ce modèle-là la saison prochaine.
Est-il vrai que vous avez demandé à Thierry Ardisson de réduire ses coûts sur "Salut les Terriens" ?
Franck Appietto : Thierry a les moyens de faire l'émission qu'il souhaite faire. Comme il aime le dire avec humour : "On a les moyens de se payer Ardisson ou pas". À la rentrée, nous travaillons sur un changement de formule et de plateau. C'est une pure volonté artistique de Thierry qui veut re-dynamiser son émission pour prendre encore plus de plaisir à l'animer.
"Les transferts de talents entre CNews et C8 ne sont pas prévus"
Étiez-vous favorable au maintien de Jeremstar dans "Les Terriens du dimanche" ?
Franck Appietto : Nous étions très heureux de l'accueillir sur C8. Malheureusement, il y a eu le "Jeremstargate". Nous en avons été, comme lui, victime. Aujourd'hui, on attend de voir comment les choses vont évoluer sans céder à la pression médiatique. Après, nous n'avons jamais promis à Jeremstar qu'il reviendrait. Pour l'instant, il ne s'inscrit pas dans la liste des visages que nous envisageons à la rentrée.
"Samedi soir à Pigalle" reviendra ?
Vincent Pujol : C'est une émission avec une forte promesse artistique. Elle ressemble à Thierry et à la chaîne. Les scores ont été convenables. Aujourd'hui, c'est en réflexion et l'émission reviendra si un événement artistique le justifie.
Jean-Marc Morandini est une figure du groupe Canal. Pourrait-il avoir sa place sur C8 ?
Franck Appietto : Il est sur CNews et cette chaîne a sa propre identité. Il fait une émission médias et nous en avons déjà une tous les soirs. Pour l'instant, les transferts de talents entre CNews et C8 ne sont pas prévus, à l'exception de Gilles Verdez.