Il est prêt à monter au front. Alors qu'il débarquera à la rentrée prochaine sur la très controversée chaîne financée et contrôlée par le pouvoir russe, RT France, pour y animer un talk-show culturel, Frédéric Taddeï a réservé sa première prise de parole au "Parisien". Conscient de l'étonnement suscité par son arrivée, le journaliste estime que "les gens qui (lui) reprochent d'aller animer des débats sur RT sont ceux qui aimeraient bien qu'il n'y ait plus de débats du tout". Le ton de l'interview est donné.
"C'est la seule chaîne qui m'ait donné carte blanche pour faire ce que je préfère à la télévision : une vraie émission culturelle avec de vrais débats", affirme-t-il. Il revendique une "totale liberté" sur sa nouvelle chaîne et en profite pour donner une petite leçon à ses confrères en affirmant que "le jour où il y aura un débat sur la Russie, (il) invitera des pro-Poutine, ce qu'(il a) toujours fait et que (ses) confrères ne font pas et, bien entendu, des anti-Poutine". Un peu plus loin, il compare même le refus de l'Elysée d'accréditer les journalistes de sa chaîne à celui du Rassemblement national (ex-Front national), "qui faisait la même chose avec 'Le Petit journal' de Yann Barthès".
Le fait de travailler pour un média financé par le pouvoir russe ne l'effraie pas outre-mesure. "J'ai animé 'Ce soir (ou jamais)' pendant dix ans sur une chaîne d'Etat. Je n'ai pas fait la propagande du gouvernement pour autant", ironise-t-il. Frédéric Taddeï rappelle d'ailleurs qu'il n'est pas le premier à franchir le rubicon. "Larry King, l'ex-intervieweur vedette de CNN, est sur RT America depuis cinq ans. De célèbres journalistes américains de gauche y animent des talk-shows", souligne-t-il. Le journaliste assure même avoir la confiance d'Europe 1, radio sur laquelle il animera une émission hebdomadaire chaque dimanche à la rentrée prochaine. "Je suis l'un des plus anciens sur Europe 1. Ils m'ont toujours soutenu", déclare-t-il.
Le mois dernier, RT France avait été mise en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel suite à un sujet sur la Syrie diffusé dans le journal du 13 avril, un sujet que les Sages ont jugé mensonger, ce qui a valu à la chaîne russe d'être épinglée pour manquements à l'honnêteté, à la rigueur de l'information et à la diversité des points de vue. Les responsables de la chaîne avaient plaidé l'erreur technique et nié toute volonté de diffuser de fausses informations, tout en déposant un recours devant le Conseil d'état. La mise en garde du CSA n'effraie pas pour autant Frédéric Taddeï. "Toutes les chaînes françaises ont été un jour ou l'autre mises en demeure par le CSA, constate-t-il. On en parle davantage parce que RT France est très 'observée'".
La nouvelle émission de l'ancien animateur du service public ne manquera pas d'être observée à son tour. Son titre n'est pas encore connu, mais elle sera programmée du lundi au jeudi à 19h sur RT France et durera une heure. En référence à son ancienne émission sur le service public, "Ce soir (ou jamais)", Frédéric Taddeï rappelle que cela lui a valu "beaucoup d'éloges, mais aussi pas mal d'injures". Et de prédire : "Ce sera pareil sur RT".