A 79 ans, Gérard Hernandez s'offre une deuxième jeunesse. Après cinquante ans de carrière à cotoyer les plus grands acteurs de sa génération, il est enfin en haut de l'affiche. Dans "Scènes de ménages", il interprète avec Marion Game un coupe d'attachants septuagénaires qui aiment se chamailler. Alors que M6 diffuse ce soir, en prime time, "Scènes de ménages, ce soir ils reçoivent", nous sommes allés à la rencontre de l'acteur qui s'est amusé a donné la réplique à Amel Bent, Jean-Paul Gaultier ou Michel Galabru.
Propos receuillis par Benoit Daragon et Julien Lalande
Puremedias.com : La spécificité de ce prime time, c'est la présence de guest stars. Avec qui avez-vous joué ?
Gérard Hernandez : Il y a quelques-uns de mes copains : un petit jeune qui s'appelle Michel Galabru que j'ai retrouvé avec plaisir. Claude Gensac, aussi, le temps d'un sketch avec Maman. Ou encore Enrico Macias qui joue un curé. C'est bien d'avoir des personnalités qui viennent pour jouer de vrais personnages. Le prime time m'a rappelé le "Muppet Show". Au début, personne n'acceptait leurs invitations. Et puis, avec le succès, toutes les stars d'Hollywood sont venues jouer avec eux. Pour nous c'est pareil, le prime time c'est le début d'une nouvelle façon d'envisager "Scènes de ménages". Au lieu d'avoir un facteur lambda, on peut rêver d'un facteur joué par Jean Dujardin !
Vous avez rencontré Amel Bent aussi. Sous le charme ?
Oui, elle est charmante ! Mais je ne savais pas ce qu'elle faisait : je croyais qu'elle était comédienne au départ. Mais bon à part quelques comédiennes, toutes les femmes sont des actrices. Ce n'est pas de moi, c'est de Guitry. Plus sérieusement, je ne suis pas très au fait des choses de la chanson moderne, voyez-vous ! Moi, après Mozart, je suis perdu... Et comme mon contrat ne m'oblige pas à regarder M6, je ne l'avais pas vue dans "Nouvelle Star".
Ces célébrités qui viennent en guest sur ce prime, c'est une récréation pour vous ?
Je travaille tous les jours avec une célébrité (rires) ! Mais ça a mis un peu de piment dans notre couple, comme si on avait changé d'appartement.
Quand on a travaillé avec les plus grands, est-ce que jouer dans une série à sketchs, c'est grisant ?
Je ne connaissais pas du tout ce genre de formats. Au début la façon de tourner m'a effrayé et puis finalement, le rythme me botte totalement. Il n'y a pas de temps morts, on n'attend pas. Les textes je les lis deux fois, je les sais. Je les dis deux fois et je les oublie. Mais du coup on ne voit presque jamais les autres comédiens de la série. Heureusement il y a quelques personnages récurrents qui viennent jouer avec nous pour apporter un peu d'oxygène.
Il vous arrive de faire des propositions de sketchs ?
Oui oui ! En général, on en arrange pas mal au moment où on tourne. J'aime bien faire une fin ; mettre un petit truc, en guise de point final. Depuis le temps que je fréquente mon personnage, je sais aussi bien que les scénaristes ce que je peux faire et ce que je ne peux pas lui faire dire.
Après 50 années de métier cette nouvelle notoriété vos amuse ?
J'ai tellement de recul que ça me laisse très calme. Quand les gens me disent qu'ils aiment la série, ça me fait plaisir, évidemment. Mais ça ne change pas ma vie ! L'autre jour y'a un monsieur qui vient me voir. Je pensais qu'il allait me parler de "Scènes de ménages". Et non il me dit : "Je vous ai vu au théâtre dans Le Chant du cygne de Tchekhov, c'était extraordinaire !". Ca, ça m'a fait plaisir. Mais bon, vous faites plus de spectateurs chaque soir sur M6 qu'au théâtre pendant trois ans. Donc forcément les gens me parlent surtout de "Scènes de ménages".
Et cela a des conséquences dans votre vie de tous les jours ?
J'évite les endroits où il y a du monde. Je ne fais pas la sortie des écoles et je vais à la plage à midi ou à 19 heures, quand il n'y a plus personne !(rires) Dimanche, il y avait le Grand Prix de l'Arc de triomphe. J'aurais adoré y aller mais je ne l'ai pas fait car il y a trop de monde. Les gens vont me demander de faire des photos. Avant, le public demandait des autographes et on pouvait esquiver en disant qu'on n'avait ni papier ni de stylo. Mais là avec les iPhones, on ne peut pas y échapper ! Et puis je ne peux pas refuser ou alors il faut changer de métier. Soyons honnêtes : ce qui est emmerdant dans ce métier, c'est qu'on ne vous reconnaisse pas. C'est aberrant pour un comédien de ne pas être connu. A mes débuts, quand j'allais dans des diners et qu'on me demandait mon métier, je disais "herboriste".
Au cinéma vous avez tourné avec Gérard Oury, Bertrand Tavernier, Louis de Funès, Jean-Jacques Annaud, Sidney Pollack, Jacques et Jean Becker, etc. Comment vous êtes-vous retrouvé à devenir un acteur de comédies ?
J'ai commencé dans le théâtre lettriste. C'est-à-dire que je jouais des pièces expérimentales auxquelles personne ne comprenait rien. Il y avait plus de gens sur scène que dans la salle. Et puis un jour Jean-Michel Rouzière (grande figure du théâtre de boulevard, ndlr) est venu me voir et m'a dit : "C'est très gentil ce que vous faites mais vous voulez pas gagner votre vie ?" Il m'a proposé une pièce au théâtre des variétés qui s'appelait "La Présidente". J'y ai pris tellement de plaisir ! Et tout s'est enchaîné. Mais on m'a parlé d'une adaptation de "Roméo et Juliette" qui se joue actuellement à Londres où les jeunes échangent leur texte avec les vieux. Ce sont les grands-parents qui ont le rôle des amoureux et les enfants qui sont opposés au mariage. J'adorerais faire ca !
Vous avez travaillé avec Pierre Mondy, qui vous a mis plusieurs fois en scène au théâtre...
C'était un être exceptionnel. Il avait une vision du théâtre et un sens du casting incroyables. Il laissait les comédiens proposer des choses. Il faisait le tri en anticipant les réactions du public. C'est, avec Jean Poiret, une des montres du boulevard. Il aurait pu monter du Shakespeare mais effectivement il a choisi la comédie. Il y a un côté tellement péjoratif alors qu'il y a du très bon boulevard et du mauvais théâtre expérimental. Mais Molière faisait du boulevard aussi ! La nécrologie de Pierre Mondy dans Le Monde était tellement condescendante...
Qu'est-ce qui vous fait marrer aujourd'hui ?
J'aime beaucoup Jean-Jacques Vanier et Gustave Parking, que je trouve très drôles. J'ai vu Gad Elmaleh sur scène, c'est exceptionnel et pourtant je ne suis pas fan des one man shows !
Et à la télévision ?
A la télévision, je suis l'actualité et la politique avec des émissions comme "C dans l'air". J'avais beaucoup aimé "Hard" même si je ne regarde pas trop de séries. En fait je regarde surtout des films. Je préfèrerais les voir en salles, mais à cause du bruit des pop corn, je préfère les regarder chez moi.
Vous regardez "Plus belle la vie" ?
Je ne sais pas ce que c'est ! (rires) Sérieusement, je n'ai jamais regardé. Je sais que Marion a joué là-bas mais c'est tout.
Certains comédiens rechignent encore à faire des fictions télé. Vous leur dites quoi ?
Ah mais s'ils peuvent se le permettre, tant mieux pour eux ! Moi j'ai appris beaucoup de choses en jouant dans cette série. Au début, les gens du théâtre méprisaient les acteurs de cinéma. Puis ce sont les acteurs de doublage qui ont été mal vus. C'est ridicule. Le luxe dans ce métier, c'est de pouvoir choisir. Finalement c'est ça que j'aurais voulu : j'aurais aimé pouvoir davantage choisir mes projets. J'ai toujours pu dire non mais pas choisir. A part deux ou trois grosses stars, personne n'a vraiment le choix.