puremedias.com : Vous comprenez que la Une de Libé sur le mariage gay puisse choquer une partie de la communauté ?
Gilles Wullus : Oui, je comprends. Il y a deux éléments choquants dans cette Une. Le moins grave, celui qui saute aux yeux, c'est le dessin. On peut considérer que c'est encore une caricature du gay qui fait référence au cuir, au porno, à toutes les imageries habituelles qu'on voit dans les médias généralistes sur les homosexuels. Après cela reste une caricature, c'est la liberté du dessinateur et de Libération, ça reste drôle. Ce qui me choque le plus, c'est ce qu'on ne voit pas en lisant la Une. Libé titre sur le "mariage gay" alors qu'il ne s'agit pas de ça mais de l'union civile ! La Une est accrocheuse mais l'Elysée ne pense qu'à l'union civile et non au mariage. Soit exactement la même promesse faite en 2007 par l'UMP. Ils présentent ça comme une idée révolutionnaire au sein de la droite mais le débat était le même cinq ans plus tôt ! Je rappelle par ailleurs que la revendication du mariage pour les gays tient beaucoup à la volonté d'avoir tous les droits liés à la parentalité, notamment l'adoption. Les homos réclament le mariage pour l'égalité de traitement sans forcément être pro-mariage.
Les clichés ont encore la vie dure en 2012, même à Libération ?
Les clichés ont encore la vie dure, c'est clair ! Je connais très bien Libération, j'y ai travaillé douze ans ! Libé n'est pas un journal homophobe bien sûr. Mais malheureusement, et je l'ai regretté quand j'y étais, Libé n'a jamais été en pointe sur ces sujets. Les clichés sur les gays existent à droite comme à gauche.
Nicolas Demorand a rappelé qu'une Une similaire en juin dernier n'avait dérangé personne. A 100 jours de la présidentielle, le contexte est particulier donc ?
Evidemment que le contexte compte ! Ce n'est pas forcément une bonne défense de sa part. Juin, la gay pride, c'est le mois des caricatures et des idées préconçues sur les gays. La gay pride, seul moment de l'année où on parle des homosexuels, est traitée sous un angle festif. On ne montre que les drag queens, les créatures et peu l'immense majorité des homos qui défilent. Nous sommes en plein contexte électoral, électoraliste. Donc ça compte, dans l'image et la manchette de Libé, il y a un manque de discernement.