Interview
Grégoire Margotton : "J'ai pleuré juste avant France-Angleterre"
Publié le 17 juin 2017 à 14:21
Par Pierre Dezeraud
puremedias.com a rencontré le commentateur sportif de TF1 et TMC.
Bixente Lizarazu et Grégoire Margotton en 2016 Bixente Lizarazu et Grégoire Margotton en 2016© Alain Mounic / Pressesport / TF1
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Grégoire Margotton, l'autre greffe réussie du groupe TF1. Arrivé quelques semaines avant Yann Barthès dans les rangs du groupe privé, le commentateur sportif s'est rapidement fait une place auprès du grand public. Après s'être initié au handball masculin cet hiver sur TMC, il prendra dès demain les commandes des commentaires des matchs de la Coupe des Confédérations sur TMC. Huit rencontres à suivre sur l'antenne de la Dix pour lesquelles il est évidemment associé à son compère Bixente Lizarazu. Alors qu'il vient d'être réélu, à une écrasante majorité, commentateur préféré des internautes de "France Football", puremedias.com a rencontré le journaliste sportif.

l A LIRE : Coupe des Confédérations : Le calendrier des retransmissions

Propos recueillis par Pierre Dezeraud.

"Certains rencontres demandent plus de boulot"

Un an après votre premier Euro sur TF1 et TMC, on vous retrouve aux commandes de la Coupe des Confédérations. Comment vous-y êtes vous préparé ?
C'est à peu près le même travail de préparation que pour les matchs que je commente d'habitude. La seule différence, c'est que certaines rencontres de la Coupe des Confédérations demandent un peu plus de boulot. Demain, je commente Russie-Nouvelle Zélande. Je suis naturellement beaucoup moins à l'aise que sur un Suède-France. Mais c'est stimulant, j'aime les défis. Je partais de zéro quand j'ai fait le handball sur TMC, là je pars de zéro pour certaines nations.

Avec laquelle êtes-vous le plus naturellement à l'aise ? La sélection portugaise ?
Oui. Mais même si je connais bien les joueurs de cette équipe, je ne peux pas me limiter à cela. Je ne connais pas tout ! Donc, avant le match, je passerai quelques coups de fils à des amis qui connaissent très bien le football portugais pour engranger des informations sur son histoire, celle de la sélection mais aussi les attentes de la population un an après la victoire de leur équipe à Paris.

Dans le métier d'un commentateur, c'est primordial ce travail journalistique ?
En tant que téléspectateur, je n'attends pas d'être abreuvé de statistiques. Ce serait indigeste. J'aime aussi qu'on me laisse tranquille. Naturellement, je fais du "Bidule passe à Machin" mais je ne peux pas m'en contenter. J'aime connaitre les histoires des uns et des autres pour les transmettre si nécessaire. Par exemple, il faut savoir que Timo Werner, le joueur du RB Leipzig, qui sera bientôt à la tête de l'équipe allemande, se fait siffler par ses compatriotes. Si pendant la compétition, on entend des Allemands le siffler, je dois être capable d'expliquer aux téléspectateurs pourquoi.

Par rapport à ce que l'on attendait des commentateurs de foot il y a une trentaine d'années, vous sentez une exigence supplémentaire de la part des téléspectateurs ?Oui mais n'oublions pas qu'à cette époque-là, on voyait un match de foot à la télévision tous les deux mois. C'était une denrée rare. Les vrais fans avaient éventuellement un album Panini où il y avait les caractéristiques des joueurs. Aujourd'hui, les informations sont partout, il y a des tas de sites spécialisés qui grouillent d'informations sur les joueurs. Je ne vais pas toutes les sortir à l'antenne mais je me dois de les connaître.

Le public très initié au football est réputé pour être impitoyable avec les commentateurs des matchs de l'Equipe de France. Vous avez le sentiment d'être jugé par ceux-là ?
Vous savez, je pense que les initiés ne consomment pas les matchs de football de la même manière que le grand public. Beaucoup d'entre eux se passent des commentaires et se contentent de l'image. Après, j'ai conscience qu'on ne peut pas plaire à tout le monde. Une remarque, une absence de commentaire ou une erreur sur l'identité d'un joueur sont autant d'éléments qui peuvent énerver très rapidement les gens. Et après ? En ce qui me concerne, je ne travaille pas uniquement pour faire plaisir à un public de connaisseurs mais aussi et surtout pour des gens qui ne sont pas des spécialistes.

"Je suis sur un fil entre les spécialistes et le grand public"

En fait, vous êtes la synthèse entre ce dont le grand public a besoin et ce que les spécialistes attendent...
Je suis sur un fil entre les deux, c'est vrai. Je ne veux pas me donner plus d'importance que je n'en ai. Ce qui compte, c'est ce qui se passe sur le terrain.

Vous venez à nouveau - et de loin - d'être élu commentateur de football préféré des Français par les internautes de "France Football". La synthèse est plutôt réussie, non ?
Si vous le dites (rires). Je suis très heureux de ce classement, ça fait du bien, on ne va pas se mentir, mais je ne fais pas ce métier pour ça. Après, je suis ravi de constater que mon transfert à TF1 n'a rien changé. Je suis surtout content pour la chaîne.

Il faut dire que vous êtes rentré très rapidement dans vos souliers à TF1...
Vous trouvez ? Je ne sais pas si une paire m'attendait au bas de l'escalier (rires). Non, c'est mon métier de commenter du sport, c'est là où je suis heureux. Il n'y avait absolument aucune raison que ça se passe mal, d'autant que je m'entends très bien avec Bixente. J'ai aussi et surtout la chance d'être arrivé en même temps qu'une équipe qui a brillé à l'Euro. Ça aide ! Qui aurait cherché à savoir si j'avais "réussi" ou "raté" ma couverture de la compétition si la France avait été éliminée de son groupe ?

"'Club 26' sur LCI, c'était vraiment expérimental"

Depuis votre arrivée, vous avez testé plein de choses dans ce groupe. Les commentaires du Mondial de handball sur TMC, un magazine sportif sur LCI...
"Club 26" sur LCI, c'était vraiment expérimental. Ça n'a pas marché, ce sont des choses qui arrivent. Plus sérieusement, le handball, c'est ma grande fierté. Les retours étaient positifs et, là encore, je le dois beaucoup au parcours des Bleus. C'est quand même plus facile d'accompagner un vainqueur qu'un quart de finaliste défait par la Norvège. Vraiment, j'ai de la chance !

Vous préparez un documentaire événement sur l'équipe de France 1998 pour TF1. Où en êtes-vous avec ce projet ?
Je touche du bois ! C'est encore loin d'être fait. L'idée, c'est de le terminer cet hiver pour une diffusion fin mai-début juin, juste avant le Mondial de Russie.

J'imagine que vous espérez avoir tous les joueurs.
En effet, et je suis assez optimiste. Je crois beaucoup à l'effet boule de neige. Pour l'instant, j'ai l'accord de trois ou quatre d'entre eux dont le plus important...

Cet exercice, très différent de celui du commentaire de match, ça vous stimule ?
C'est plus que ça ! J'ai hâte de me retrouver face à ces garçons et les entendre me raconter à nouveau leur épopée pendant trois ou quatre heures. Et ensuite de me retrouver au montage. Je travaille sur ce projet avec Nicolas Glimois, qui a réalisé de nombreux documentaires pour le service public. C'est d'ailleurs la première fois qu'il travaille avec TF1. Nous sommes tous les deux excités comme des gosses ! Je sens que l'on va bien se compléter et que le produit fini sera de qualité.

Si on récapitule, la saison prochaine, vous serez accaparé par la préparation de ce film documentaire, par quelques matchs amicaux et par le Mondial 2018 ?
Vous oubliez le championnat du monde de handball féminin que je commenterais sur TMC si l'Equipe de France se qualifie en phases finales. Encore une fois, c'est un beau challenge. Pour moi et pour la chaîne.

"Commenter de l'athlétisme sur TF1 ? J'en rêve !"

Que répondrez-vous à TF1 si la chaîne vous propose de commenter la Coupe du monde de rugby au Japon en 2019 - si elle en obtient les droits de diffusion ?
Non ! Je vous le dis de but en blanc, je ne le ferai jamais. Ce serait un manque de respect pour le rugby de mettre aux commentaires quelqu'un qui ne se sent pas légitime à le faire. J'adore ce sport mais ce n'est pas ma place. Et TF1 a déjà un très bon professionnel pour le faire avec Christian Jeanpierre.

C'est aussi incongru que de vous imaginer aux commentaires de Roland Garros ?
Exactement ! Quoique j'ai déjà commenté des matchs de tennis sur Canal+. Non, le rugby, c'est vraiment le seul sport que je ne commenterai jamais. Par goût et par limite personnelle. Par contre, commenter à nouveau du basket - le sport qui me passionne - et de l'athlétisme, je ne dis pas non. Si un jour, TF1 décide d'acheter les droits des championnats du monde d'athlétisme, j'y vais les yeux fermés. J'en rêve et pour le coup je me sentirais bien plus légitime puisque j'ai déjà commenté cette discipline pendant dix ans sur Canal+.

Vous en avez discuté avec François Péllissier, le patron des sports du groupe TF1 ?
Je le lui ai dit mais il m'a expliqué qu'il y avait des limites financières. Pour l'instant, cette compétition est très bien sur les antennes de France Télévisions où il y a de très bons commentateurs.

"Personne d'autre n'aura la carrière de Thierry Roland"

Vous ne regrettez pas la polyvalence que vous aviez sur Canal+ ?
À Canal, j'étais dans le meilleur centre de formation au monde. Aujourd'hui, je suis sur un autre rythme de travail mais ça ne m'empêche pas de faire autre chose que du football. Voyez le handball !

Le 16 juin 2012, il y a exactement cinq ans, nous apprenions la mort de Thierry Roland. Vous avez un profil très différent de lui mais vous considérez-vous malgré tout comme l'un de ses successeurs naturels ?
Thierry, c'était le commentateur de mon enfance. Il m'a influencé, sans doute tout autant que Thierry Gilardi avec lequel j'ai travaillé à Canal+. Mais je ne serai jamais Thierry Roland parce que personne d'autre n'aura la carrière qu'il a eue, personne ne sera le commentateur des Bleus pendant quarante ans comme Thierry l'a été. Il était Dieu. TF1 faisait 40% de part d'audience, il n'y avait que trois chaînes... Moi, je ne serai jamais Dieu, et je ne veux pas l'être.

Est-ce que, comme Thierry Roland, vous pourriez un jour aller commenter des matchs sur M6 ?
Très honnêtement, il y a cinq ans, on m'aurait posé la même question avec TF1, j'aurais répondu : "Jamais !". J'étais un peu jeune et con. Je me voyais toute ma vie à Canal. Donc vous comprendrez que je ne peux plus dire "Jamais !" (sourire).

"Je ferai de la radio un jour"

Dans votre carrière, il y a un match ou des moments très spécifiques qui sont restés gravés en vous au delà du plan professionnel ?
Professionnelement, j'ai eu un immense bonheur à travailler sur l'athlétisme aux Jeux Olympiques d'été en 2008, avec Jean Galfione et une équipe formidable autour de nous. On déroulait, c'était magique ! D'un point de vue moins journalistique, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai pleuré juste avant France-Angleterre lors du "God Save The Queen". J'étais sous le coup de l'émotion, j'ai failli ne pas pouvoir reprendre. Ça ne m'était jamais arrivé sur un match de foot.

Est-ce qu'il y a encore un désir professionnel que vous n'avez pas assouvi ?
Oui, la radio.

Vous le ferez un jour ?
Si j'en ai l'opportunité, oui. On me l'a déjà plus ou moins proposé. Il faudra en tout cas que ce soit compatible avec ce que je fais sur TF1 et que la chaîne me donne son accord.

Vous avez des références en radio ?
Quand j'étais gosse, j'écoutais Europe 1. Aujourd'hui, j'écoute beaucoup les antennes de Radio France. Je ne partirais pas n'importe où, je n'irais pas faire n'importe quoi ou être la star. J'aimerais bien participer à une émission de bande où on ne parle pas forcément de sport. Mais à l'heure actuelle, c'est un simple souhait, rien n'est fait.

"Je suis triste pour mes collègues de Canal"

SFR Sport vient de rafler les droits de la Ligue des Champions au détriment de Canal+. En tant qu'ancien de la chaîne cryptée, que pensez-vous du big bang des droits sportifs ?
J'en pense que c'est compliqué d'être téléspectateur aujourd'hui. C'est une sale période et je crains que le football en sorte perdant. À titre personnel, d'un point de vue extérieur, je trouve cela très dur pour mes collègues de Canal, je suis triste pour eux. J'ai aussi une pensée pour la rédaction de beIN Sports et je souhaite aux équipes de SFR que tout se passe bien. En tant que téléspectateur, je me dis que même moi, je ne paierai pas pour toutes ces offres. Je regrette un peu l'époque bénie où il y avait des matchs de Ligue des Champions et de l'Equipe de France sur TF1 et tout le reste sur Canal+.

On ne peut pas conclure cette interview sans vous demander un petit pronostic. Selon vous, quelle équipe va remporter la Coupe des Confédérations ?
Le Portugal est clairement favori. Les Allemands sont en challenger mais avec une équipe très renouvelée. Le Chili pourrait aussi créer la surprise...

Et vous pensez que l'Equipe de France parviendra à se qualifier pour le Mondial 2018 ?
Je pense que oui mais je crois aussi que rien n'est impossible. Les Bleus ont grillé un beau petit joker face à la Suède. Attention !

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