RT France scrutée comme jamais en ce début d'invasion de l'Ukraine par la Russie. Alors que la chaîne d'information internationale financée par le Kremlin a été récemment interdite en Allemagne, sa version française est elle-aussi dans le collimateur des autorités françaises.
Ce matin via un courrier adressé au président de l'ARCOM*, Roch-Olivier Maistre, et à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, le président de la commission Culture du Sénat, Laurent Lafon, a réclamé la suspension "sans délai" de l'autorisation d'émettre de RT France, disponible dans l'Hexagone principalement via les box. "Cette chaîne a signé une convention avec l'ARCOM prévoyant un certain nombre de dispositions comme le respect du pluralisme et des courants de pensée. Nous sommes dans une situation internationale d'extrême tension provoquée par la Russie. Nous ne pouvons pas être naïfs. Cette chaîne est un outil de propagande officiel et nous n'y trouvons pas l'expression d'opposants au régime russe", a-t-il justifié auprès de Public Sénat.
Jointe aujourd'hui par puremedias.com, l'ARCOM tient de son côté à faire savoir qu'elle veille "avec une particulière vigilance au respect par la chaîne RT France de ses obligations légales et conventionnelles". Le gendarme de l'audiovisuel met aussi en garde la direction de la chaîne d'information : "S'il l'estime justifié, le régulateur n'hésitera pas à faire usage, sans délai des outils juridiques dont il dispose et qui peuvent aller jusqu'à demander la suspension de sa diffusion".
Parmi les armes à sa disposition, l'article 42-10 de la loi sur l'audiovisuel de 1986. Ce dernier prévoit que le président de l'ARCOM peut saisir le Conseil d'Etat afin qu'il ordonne en urgence la cessation de diffusion d'une chaîne de télévision. Cette disposition législative vise notamment les médias "contrôlés par un Etat étranger" qui porteraient "atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, dont le fonctionnement régulier de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses informations".
Contactée par puremedias.com cet après-midi, la direction de RT France condamne de son côté "la pression politique effectuée sur l'ARCOM". Elle estime s'être "toujours conformée à l'ensemble des obligations imposées par la loi ou sa convention". La chaîne assure par ailleurs couvrir "depuis le début" la crise en Ukraine "en exposant tous les points de vue". "Les journalistes français composant sa rédaction ont effectué leur travail avec indépendance et professionnalisme", conclut-elle.
La crise en Ukraine n'est cependant pas sans créer des remous en interne, comme la mise en retrait soudaine de Frédéric Taddeï en début de semaine l'a bruyamment illustré. Dans un mail envoyé mardi à ses équipes - que puremedias.com a pu consulter - Xenia Fedorova, la patronne de RT France, écrit d'ailleurs comprendre que "la situation géopolitique actuelle puisse susciter des interrogations de l'anxiété" au sein de sa rédaction. Elle estime néanmoins que le devoir de sa chaîne est de "continuer à donner une image complète de l'actualité, même lorsqu'elle suscite la désapprobation des médias mainstream ou de militants habituellement critiques à l'égard de RT France".
Pour évoquer la situation, les représentants du personnel et la direction ont selon nos informations décidé conjointement de réunir les salariés en assemblée générale mercredi 2 mars prochain. Ordre du jour : les "turbulences auxquelles pourrait être confrontée" RT France dans les semaines à venir.
*Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, fruit de la fusion entre le CSA et la Hadopi