Deux licenciements et trois mises à pied avec suspension de salaire. Après une enquête interne déclenchée par la diffusion sur Canal + du documentaire de Marie Portolano, "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste", Radio France a annoncé, ce vendredi, la nature des sanctions qui ont été prises à l'encontre des "sept journalistes mis en cause". Dans ce documentaire, la journaliste, désormais à la tête du "Meilleur pâtissier" sur M6, dénonçait les violences sexistes et sexuelles que les journalistes sportives subissent dans l'exercice de leur métier.
"Sur les 11 procédures disciplinaires engagées, 9 sanctions sont prises allant du blâme au licenciement, un dossier donne lieu à un abandon des poursuites et un autre dossier est toujours en cours de traitement, a déclaré Radio France dans une déclaration transmise à l'AFP. De manière précise, 4 blâmes, 3 mises à pied avec suspension de salaire et 2 licenciements sont engagés", a-t-elle ajouté.
Les conclusions de cette enquête, menée par Sophie Latraverse, s'appuient sur 80 entretiens témoignant d'une "ambiance de travail très dure justifiant le stress, la violence et le sexisme", par des blagues, gestes et autres attitudes dénigrantes, d'une tolérance "au quotidien" de "situations et comportements graves" dans divers services et de la primauté donnée aux besoins de l'antenne plutôt qu'à la protection des victimes.
Dans le documentaire de Marie Portolano, Amaia Cazenave, à l'époque journaliste spécialiste du rugby à Radio France - elle est désormais chef adjointe du pôle sports au "Parisien" - rapportait plusieurs comportements sexistes dont elle a été la victime au cours de sa carrière, comme lorsqu'un collègue s'était permis de crier très fort et plusieurs fois dans l'open-space : "J'ai envie de baiser !", alors qu'il se trouvait seul avec elle. "Il y a d'autres fois où je suis arrivée à la rédaction avec du rouge à lèvres et on m'a dit que j'avais une bouche à pipes", témoignait aussi la journaliste, qui avait alerté à deux reprises, expliquait-elle en mars dans "Le Monde", la cellule de lutte contre les discriminations.
Si aucune précision n'a été donnée sur l'identité des personnes concernées, les rédactions en question sont notamment celles de France Bleu Pays basque et la rédaction nationale des sports à Paris, deux rédactions au sein desquelles Amaia Cazenave a évolué. "Ces actions s'inscrivent dans la continuité du travail engagé en 2019 et qui va se poursuivre pour mettre en oeuvre une tolérance zéro à l'encontre de toute situation de harcèlement sexuel, d'agissement sexiste, de discrimination dans l'entreprise", a commenté la radio publique.
"L'enquête confiée à l'experte indépendante Sophie Latraverse sur l'existence de phénomènes de sexisme au sein de Radio France marquera un tournant car elle a permis d'initier réellement une libération de la parole", a réagi, aujourd'hui par communiqué, le Syndicat national des journalistes (SNJ). Celui-ci "continue d'affirmer que la lutte contre le sexisme à Radio France est essentielle et le SNJ sera toujours du côté des victimes, tout en exigeant un traitement juste et équitable pour des affaires parfois complexes".
Canal+, où officiait à l'époque Marie Portolano, et RMC Sport avaient également lancé des enquêtes internes en mars à la suite de la diffusion du documentaire. Pierre Ménès a quitté le groupe Canal+ en juillet dernier, quelques mois après le lancement de cette enquête interne. Celle-ci aurait permis à plusieurs victimes présumées de l'ancien sniper du "Canal Football Club" de se manifester. Les investigations auraient permis d'identifier sept victimes présumées de Pierre Ménès et douze témoins de ses agissements. L'inspectrice du travail, Anne-Véronique Penserau, aurait, selon "Les jours", procédé à un signalement auprès de sa hiérarchie qui devrait saisir le procureur de la République.