Musique
Chimène Badi : "Oui, j'ai pris la grosse tête"
Publié le 13 mai 2010 à 11:41
Par Charles Decant
Entretien avec la chanteuse, à l'occasion de la sortie de l'album "Laisse-les dire".
Chimène Badi Chimène Badi
Chimène Badi
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Trois albums en trois ans, et puis plus rien. Découverte en 2002, Chimène Badi sort son premier album [musique:11458 "Entre Nous"] début 2003. Porté par le single du même nom, l'album s'écoule à 600..000 exemplaires chez nous. Ce n'est que le début, puisque le suivant, emmené par la reprise de Michel Sardou, [musique:11450 "Je viens du Sud"], frôle le million de ventes. Rien ne semble pouvoir arrêter Chimène Badi, jusqu'à son troisième opus, [musique:11424 "Le Miroir"], qui totalise rapidement 300..000 ventes, mais qui s'effondre presque aussi vite dans les charts. Puis, c'est le silence radio.

Quatre ans plus tard, Chimène Badi est de retour, avec un image plus simple, un son sensiblement différent de ses premiers albums, et surtout, après avoir pris le recul dont elle avait besoin. A l'occasion de la sortie de son quatrième album, [musique:371714 "Laisse-les dire"], disponible depuis dix jours dans les bacs, la chanteuse a reçu Ozap. Elle nous parle du passage à vide qui a suivi la sortie de l'album [musique:11424 "Le Miroir"], de sa volonté de faire un album dont elle est fière, et non un album de reprises ou une copie conforme de ses précédents opus, ou encore des attaques dont elle a fait l'objet au début de sa carrière, et qui l'ont en partie poussée à quitter la capitale. Entretien.



Comment s'est fait cet album ? Tu as mis longtemps à l'enregistrer, ou tu as pris de longues vacances avant de t'y mettre ?
Il y a beaucoup de critères qui sont rentrés en considération. Si ça a mis du temps, c'est d'abord parce que j'ai cherché, j'ai essayé plusieurs choses, enregistré plusieurs maquettes avec des styles différents. Et puis voilà, on a fait deux projets qui finalement pour moi n'étaient pas ce que je voulais à la fin...

Deux albums complets ?
On avait des titres maquettés oui, dans deux styles différents. Le premier était un peu proche de ce qu'avaient fait Amy Winehouse ou Duffy, mais finalement, je ne m'y retrouvais pas. Ensuite on a essayé un autre truc, on a fait des reprises, et c'était encore moins ce que j'avais envie de faire. Et puis finalement, j'ai discuté avec mon directeur artistique, et je lui ai dit « je veux faire des titres inédits, mais je veux qu'à un moment donné, une rencontre musicale se fasse ». Je voulais allier ce que j'avais fait auparavant, avec un son avec lequel j'ai toujours grandi - puisque mon père a toujours écouté du blues, de la soul, du gospel. Je voulais ces sonorités-là, et on est parti là-dessus. Et après ça a été très vite, puisqu'on a mis un an et demi pour faire l'album.

Et la rencontre musicale, c'est avec qui ?
Mon directeur artistique m'a proposé de rencontrer Scott Jacoby, le réalisateur de l'album. Il est venu chez moi dans le Sud, là où j'habite, et déjà, quand il est entré, il y a quelque chose de très positif que j'ai senti. Je me suis dit « c'est quelqu'un qui m'amène un lot de bonnes choses ». Et on a commencé à discuter, je lui ai fait écouter les albums d'artistes que j'appréciais, il m'a fait chanter dans les graves, il prenait des notes, il me posait plein de questions... Je trouvais ça assez sympa, parce que la plupart du temps, les réalisateurs ont plutôt tendance à s'adresser à la maison de disques. Là, j'ai eu un véritable échange avec lui, il prenait vraiment en compte mes envies, mes choix, et j'ai décidé de travailler avec lui.



Tu habites dans le Sud... Tu as donc quitté Paris ?
Oui, il y a deux ans et demi.

Pour une raison particulière ?
Tu sais, je crois quand je suis arrivée à Paris, bon bah voilà c'était chouette, j'étais à Paris, mais je ne me suis jamais projetée, je ne me suis jamais dit que je resterais sur Paris. J'avais besoin de me rapprocher de la vie dans laquelle j'avais grandi, et j'ai toujours grandi près de la nature et ça me manquait beaucoup. Mes amis me manquaient, mes proches me manquaient, et finalement, à Paris, je n'avais qu'un semblant de vie : tout tournait autour de la musique, mais je n'avais que ça. Le reste, je ne l'avais plus. Et c'est difficile, à un moment donné, de ne vivre que comme ça. Et donc j'avais besoin de prendre le recul nécessaire dans un endroit où j'allais vraiment me sentir retirée.

C'est une décision qui est en rapport avec le message de l'album, et du premier single "Laisse-les dire" ? Il y avait trop de négativité à Paris, et à un moment tu as préféré partir ?
Oui, il y a ça. C'est un tout en fait. Quand je suis arrivée dans le monde de la musique, je ne faisais pas du tout partie du moule du moment, et certains médias n'ont pas hésité à me dire des choses très douloureuses, à me juger sur mon physique, sur ce que je pouvais véhiculer, représenter... et à un moment donné, même des anonymes ont été très durs, dans leurs paroles. Et finalement, c'est juste un petit pied de nez, pour dire que tout ça est derrière moi. Ce sont des choses qui, auparavant, m'empêchaient parfois d'apprécier certains moments de ma carrière, et je n'ai juste pas envie que ça se reproduise. Tout ça, j'ai pu m'en rendre compte avec ce recul-là, avec ce break-là. Je n'aurais jamais pu analyser tout ça si je ne m'étais pas arrêtée.



Tu donnais pourtant l'image de quelqu'un d'assez fort à l'époque... C'était nécessaire d'avoir cette carapace ? Et elle n'a donc pas suffi finalement ?
La carapace, elle a suffi pour me protéger aux yeux des gens. Mais elle ne m'a pas protégée moi. Tout ça, ça me touchait énormément. C'est vrai que je véhiculais cette espèce de force, peut-être due aussi à la manière dont je chantais. Tout ça, et ma carrure aussi, faisait que je paraissais très forte et insensible presque, alors que ce n'est pas du tout le cas. Ca a été très dur pour moi en fait. Je n'étais déjà pas quelqu'un qui est très bien dans ses pompes, et le fait d'assumer mes complexes en plein jour, sous les projecteurs, et avec un manque de maturité - je pense, parce que si j'avais été assez mure ça n'aurait pas pu m'atteindre - ça m'a fait beaucoup de mal. Ca a été dur d'accepter ces réflexions qui finalement sont un peu au ras des pâquerettes.

Et selon toi, qu'est-ce qui a motivé ces attaques à ton égard ?
Je ne sais pas. Je me suis toujours posé la question « pourquoi moi ? », pourquoi...

Je pense qu'il n'y a pas que toi non plus...
Non, j'espère, mais pourquoi on s'en est pris à moi... Parce que je pense que, sincèrement, je n'étais pas comme les autres. Je ne ressemblais pas à ce qu'on pouvait voir d'habitude, et je faisais un peu intrus. Donc forcément, un intrus, on a toujours un peu tendance à parler de lui. Et puis la méchanceté, évidemment.



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Le troisième album est sorti il y a quelques années déjà, et après un très bon démarrage, il a eu beaucoup plus de mal par la suite, et les singles suivants n'ont pas du tout marché... Aujourd'hui, tu sais pourquoi ?
Je pense que, d'abord, j'ai été victime comme beaucoup d'autres de la crise du disque. Internet, ça ne m'a pas aidé. Mais à mon avis, le positionnement de cet album, de ma personnalité, a un peu faussé mon rapport avec le public. On m'a peut-être pas reconnue, mais je parle vraiment en termes d'image...

Oui, on te voyait un peu diva, aussi bien dans le clip de "Tellement beau" que même dans le packaging de l'album...
Exactement. Et malheureusement, ce n'était pas du tout l'état d'esprit dans lequel j'étais. Je n'ai jamais été dans cet état d'esprit-là. Après, forcément, il faut l'expliquer pour qu'on puisse le comprendre, mais je n'ai pas pu l'expliquer à qui que ce soit. Donc c'est pour ça que j'ai décidé aussi de prendre le large. A un moment donné, je me suis sentie devenir quelqu'un d'autre, et perdre un peu ma personnalité - et ça m'a fait flipper en fait. Ca m'a fait tellement peur que je me suis rendue compte que j'étais en train de devenir quelqu'un qui était à l'opposé de qui je suis. Je me suis dit « je suis en train de devenir un robot, je fais les choses par automatisme... faut que je m'arrête ! ». J'étais lasse et j'avais besoin de m'arrêter, de prendre le large et d'analyser tout ça. Finalement, je ne m'étais pas du tout rendu compte de ce qui m'était arrivé.

Quand tu parles de devenir quelqu'un d'autre, tu veux dire que tu étais en train de prendre la grosse tête ?
Oui, c'est ce que je suis en train de dire. C'est sincèrement ça. A un moment donné, je ne me reconnaissais pas. Même par rapport à ce que je dégageais physiquement : j'avais vachement maigri, je commençais à ressembler à quelqu'un d'autre, et c'était quelque chose dans quoi je ne voulais absolument pas tomber. Mais après, c'est normal pour une jeune femme, quand elle a été très mal dans sa peau et qu'elle commence à se sentir mieux, de vouloir le montrer, mais sans s'en rendre compte. Donc je suis passée par ces deux états d'esprit-là, et je me suis rendue compte qu'aucun des deux ne m'allaient, parce que je ne suis ni quelqu'un de timide et d'agressif, ni quelqu'un de prétentieux et qui se sent au dessus des autres. C'est juste qu'à un moment donné, je me suis perdue dans tout ça. Et je pense sincèrement que ces deux années de break et de recul vis-à-vis de la musique m'ont permis de me recentrer sur les choses réelles et importantes de ma vie, et pourquoi j'avais envie de faire de la musique. Aujourd'hui, je suis juste moi-même, et je suis ravie que cet album permette à mon public de comprendre qui je suis, parce que je pense qu'à un moment donné, certaines personnes ne m'ont pas comprise.



Tu parlais tout à l'heure d'un projet d'album de reprises. Je pense qu'il y a vraisemblablement une partie de ton public qui attendrait ce genre de choses, et que le succès serait probablement plus "facile" que l'album que tu sors... Ca n'est pas rentré en ligne de compte pour toi ?
Il y a un moment donné où je n'ai pas envie de rester sur mes acquis, et je n'ai pas envie de faire une photocopie de mes albums précédents. Et j'ai certainement, à mes yeux, beaucoup trop de respect pour mon public et de respect pour moi, pour choisir la facilité. C'est facile de faire un album de reprises. Mais je ne me voyais certainement pas, au bout de trois ans d'absence, après avoir travaillé très dur, revenir les mains dans les poches avec un album de reprises. Je ne dis pas que je ne le ferais jamais, je le ferais peut-être un jour. Mais je pense que ce n'était pas le moment, et ce n'était pas ce que j'avais envie de faire. Je voulais un album qui soit la moitié de moi-même. Je voulais être là tout au long de la création de l'album. Je voulais écrire, grandir, dire les choses, raconter des choses, parce que j'avais des choses à dire.

Depuis le début de ta carrière, tu as un statut de « chanteuse populaire », une étiquette à la fois positive et négative... Comment tu perçois ce statut ?
Très bien. C'est quelque chose qui ne m'a jamais déstabilisée. Je pense qu'être qualifiée de chanteuse populaire, je ne l'ai jamais vu de manière péjorative. Pour moi, un chanteur ou une chanteuse populaire, c'est quelqu'un que les gens apprécient, tout simplement. Et je préfère le voir comme ça, c'est beaucoup moins chiant, et ça me permet de ne pas me prendre la tête - et je n'ai pas envie de me prendre la tête sur ce genre de trucs.



Tu dis que le plus important, c'est que les gens écoutent ta musique... C'est mieux, je suppose, s'ils paient pour l'écouter ?
Forcément, oui. Après, je suis quelqu'un qui trouve toujours des circonstances atténuantes à tout le monde... Je pense comprendre qu'aujourd'hui, un album soit cher. Vraiment, sincèrement, je peux le comprendre. Donc je suis partagée. Je pense que si beaucoup d'artistes m'entendaient, ils me taperaient dessus, limite, parce que dans le même temps, je peux comprendre que les artistes soient un peu paumés, un peu déstabilisés, parce que c'est difficile aussi pour nous. C'est comme si on allait dans un magasin, qu'on se servait, et qu'on ressortait sans passer par la caisse. Après, ce que j'ai envie de dire aux gens qui téléchargent illégalement, c'est que s'ils n'ont pas assez d'argent pour acheter, ils peuvent écouter la musique à la radio, à la télé, sur internet en streaming... Après, je ne peux pas être plus dure que ça. Je côtoie des gens qui n'ont pas les moyens, j'ai des amis qui ne peuvent pas se permettre d'acheter un DVD ou un album parce que 20 ou 30 euros, pour eux, c'est important. Donc je ne peux pas juger ces gens-là. Je jugerai ceux qui ont les moyens mais qui ne paient pas, parce qu'ils n'ont pas envie de se prendre la tête et de lâcher un centime. Pas les autres. Après, je me pose beaucoup de questions sur l'avenir.

Oui, économiquement, pour les artistes, c'est un problème...
Oui, et ça va devenir aussi difficile pour moi que pour d'autres. Mais j'ai vu mes parents galérer, je sais ce que c'est que d'avoir des difficultés financières... donc je ne juge pas ces gens-là.

Toujours sur le plan économique, les alternatives pour continuer à gagner sa vie en tant qu'artiste, c'est la scène ? C'est la pub ?
Je pense qu'il y a plusieurs alternatives... Après, je n'ai pas envie de me disperser non plus...

Est-ce qu'on va te voir dans une pub pour Hygéna comme Valérie Damidot ?
(Rires) Non, ce n'est pas prévu à l'ordre du jour ! Après, je suis quelqu'un qui est assez fourmi, donc j'ai essayé de faire en sorte de toujours mettre un peu d'argent de coté depuis le début de ma carrière. Bon, forcément, les deux années où je me suis arrêtée, j'ai vécu sur mes économies. Donc je fais attention, et puis si je fais de la scène, ça va me permettre de gagner aussi un peu ma vie - de toute façon c'est ce qui va nous permettre de mieux gagner notre vie aujourd'hui que la vente de disques. Après, j'essaie de ne pas trop stresser là-dessus. Je travaille sérieusement, je fais attention, je me protège, et voilà.



En tant que téléspectatrice, que regardes-tu à la télé ?
C'est assez bizarre, mais je regarde beaucoup moins la télé qu'avant. Quand j'étais ado, je regardais tout le temps la télé, mon père me demandait toujours ce qu'il y avait parce que je connaissais le programme par coeur. Mais au fil des années, je regarde beaucoup moins. Mais quand j'ai le temps, que je suis pas trop crevée - parce que j'essaie de gagner des heures de sommeil, d'avoir une meilleure hygiène de vie - j'aime bien regarder des magazines, comme Zone Interdite, Capital, Le Grand Journal, des trucs comme ça...

Et les télé-crochets, tu n'es pas cliente ?
Si, de temps en temps...

X-Factor en particulier, sur W9, vu que tu es amie avec Julie Zenatti ?
Je n'ai pas eu vraiment le temps de regarder, j'ai dû la voir deux-trois fois, je lui ai dit d'ailleurs. Je n'ai pas regardé beaucoup l'émission, parce qu'en même temps, je n'étais pas super emballée, honnêtement. Mais celle que je regarde, que j'apprécie, c'est Nouvelle Star. Je trouve qu'il y a des vrais personnages là-dedans, et ça me rappelle énormément mon époque Popstars. Ca me renvoie quelques souvenirs d'il y a quelques années.

Et si on te proposait un jour de co-animer une émission... ?
Non... Non, je ne me vois pas le faire. Pour un délire, un soir, le faire sur une émission, why not, il n'y a aucun problème parce que j'adore m'amuser. Mais le faire définitivement ou pour un long terme, sincèrement non. Par contre, si un jour je devais faire un truc, ce serait de la radio.

Tu y ferais quoi ?
Oh, je ne sais pas. J'animerais une chronique, peut-être. C'est un truc que j'aimerais bien faire. Mais animatrice télé, non. C'est un métier ! Etre une Virginie Guilhaume, moi, je ne pourrais pas. Je ne serais pas à l'aise.

Donc tu restes à ta place et tu y es contente...
Oui ! Et puis de toute façon, c'est ma réelle passion. C'est ce que j'aime du plus profond de mon coeur. Je ne peux pas faire autre chose. Je ne sais même pas cuisiner ! (Rires)

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