Edito. Qu'iTELE soit à vendre ou pas, là n'est pas la question. Comment cette chaîne d'information, lancée bien avant BFMTV dans l'univers du payant, en est-elle arrivée là ? C'est l'histoire de plusieurs relances ratées et d'un désintérêt constant de son actionnaire, qui ne l'a jamais considérée comme un actif stratégique. Beaucoup ont savonné sa planche à son lancement en 1999, moquant son modèle, avec ses célèbres véhicules satellite sillonnant la France et capables de retransmettre un événement en direct. C'était la belle époque : malgré la fusion des rédactions avec Canal+ ayant entraîné un plan social, iTELE n'avait qu'une seule concurrente, LCI. Le PAF historique ne comptait que six chaînes, son audience était confidentielle. Le "sat", à l'agonie aujourd'hui, avait le vent en poupe.
Tout va évidemment changer en 2005, quand iTELE bascule de CanalSat vers la TNT gratuite. Elle n'est plus seule sur le marché de l'info gratuite avec l'arrivée d'une petite nouvelle, BFMTV. La chaîne ne prend pas le train du breaking news en marche, persuadée que ses magazines de décryptage feront la différence. On en compte dix-huit différents à l'époque ! Un modèle défendu aujourd'hui par LCI. "Le recentrage sur l'information" sera annoncé par la plupart de ses patrons. A chaque fois, iTELE donne l'impression de courir après sa jeune concurrente qui s'inspire, sans se cacher, des modèles américains du tout info.
iTELE est estampillée Canal+, l'emballage doit briller. Tour à tour, les différents directions auront donc à coeur de recruter quelques stars des grandes chaînes pour incarner l'antenne. En 2013, elle sort l'artillerie lourde et le chéquier : Toussaint le matin, Ferrari en fin d'après-midi, Galzi et Pulvar ce soir. Des têtes connues pour une chaîne qui aimerait le devenir un peu plus. Les soubresauts sur la courbe d'audience ne seront jamais suffisants pour rattraper BFMTGV, lancée à grande vitesse et désormais irrattrapable. La chaîne de NextRadioTV fait le plein de téléspectateurs, voit ses audiences s'envoler, ses recettes pub s'accroître et ses moyens sur le terrain se démultiplier. Derrière la caméra, BFMTV forme une jeune génération de journalistes qui a la gnaque, quand iTELE voit ses effectifs vieillir, rincés par les nombreuses relances.
iTELE aura connu depuis sa création six présidents et directeurs généraux et sept patrons de la rédaction. Tous les grands groupes médias ont un jour voulu racheter iTELE, signe de sa grande fragilité. On ne compte plus le nombre de nouvelles formules, nouveaux plateaux, nouveaux habillages depuis sa création ! Les errements de son identité visuelle - six logos - ont été symptomatiques d'un modèle qui se cherche quand, depuis dix ans, BFMTV fait du marketing éditorial l'un des piliers de sa stratégie. Le web est délaissé, BFMTV s'y fait une place et devient très vite l'un des premiers acteurs de la vidéo en France. Encore un virage raté.
Comme Canal à la grande époque, iTELE a quand même créé quelques pépites dont beaucoup de médias se sont inspirés depuis : "N'ayons pas peur des mots", l'actualité scientifique avec "i comme I>CARE", "Ca se dispute" avec Zemmour et Domenach, "i>MEDIAS", sur les coulisses du PAF. iTELE a aussi été un formidable incubateur de talents : Marie Drucker, Léa Salamé, Maya Lauqué, Samuel Etienne, Thomas Thouroude, Julian Bugier, Patricia Loison ou encore Jean-Baptiste Boursier. Tous doivent beaucoup à cette chaîne.
L'information, Vincent Bolloré s'en est toujours moqué. Trop coûteuse. Source d'ennuis politiques. La précédente direction n'y croyait pas beaucoup plus mais pensait, à juste titre, qu'un grand groupe média devait avoir sa chaîne d'information pour exister et compter. D'autres partagent encore cet avis, comme le trio Bergé/Niel/Pigasse, qui n'a jamais caché son envie de se lancer sur ce marché saturé. Si sa mise en vente se confirme, iTELE aura là une formidable occasion de ressusciter, loin de ceux qui n'ont jamais cru en elle.