L'ancien président nous a quittés. Politique souvent impopulaire, Jacques Chirac aura toujours été un personnage apprécié de la culture populaire française. Cette place singulière dans le milieu politique, l'ancien chef de l'Etat la doit en bonne partie à la télévision satirique dont il a toujours été l'un des meilleurs "clients". Jamais en effet, ce média n'aura autant aimé caricaturer un responsable politique. Jacques Chirac est ainsi devenu au fil des années et à l'insu de son plein gré l'incarnation du responsable politique ripailleur, pas forcément efficace ni tout à fait honnête, mais tellement sympathique et humain, tellement "comme nous".
Cette place à part a été en grande partie forgée par les émissions satiriques lancées à partir des années 1980. Celle du "Bébête show" tout d'abord. Diffusé de 1982 à 1995 sur TF1, chaîne publique devenue ensuite privée, ce programme créé par Jean Amadou, Stéphane Collaro et Jean Roucas proposait un spectacle de marionnettes, d'imitation et de parodie de l'actualité politique française. Jacques Chirac y était caricaturé sous la forme d'un aigle à plumes bleu ciel baptisé "Black Jack" et inspiré du personnage de l'aigle Sam du Muppet Show. Le personnage était présenté comme agité et commençait toujours ses phrases par "écoutez".
Mais la figure médiatique sympathique de Jacques Chirac a surtout été façonnée par "Les Guignols de l'info" de Canal+. Apparaissant peu au début de l'émission, sa marionnette, dont la voix est imitée par Yves Lecoq, est rapidement devenu l'une des têtes de gondole de l'émission. Dans cette dernière, Jacques Chirac apparaît comme un Français moyen, adepte de têtes de veau et de Corona et formant un couple de raison avec Bernadette surnommée "maman". Feignant intégral, son personnage passe le plus clair de son temps en survêtement et en pantoufles à regarder la télévision au lieu de diriger la France. Souvent grossier, sa marionnette n'hésite pas à surnommer Edouard Balladur "couille molle" ou Nicolas Sarkozy "petite crotte".
A partir de 2001 et l'explosion des affaires "abracadabrantesque" qui font "pschitt", Jacques Chirac se dédouble dans "Les Guignols" et devient "supermenteur", un superhéros convoqué dès qu'il est mis face à ses ennuis judiciaires ou ses promesses non-tenues. Représenté par la suite en roi, la seule qualité de Jacques Chirac mise en avant dans les "Guignols" est qu'il soit "sympa".
Le rôle que les "Guignols" ont pu jouer dans la construction d'une image positive de Jacques Chirac sera d'ailleurs longuement débattu par les observateurs du monde politique, notamment concernant la campagne de 1995. "J'espère que c'est aussi pour d'autres raisons que j'ai été élu !", avait d'ailleurs confié le chef de l'Etat à l'AFP en 2009 lorsqu'on l'interrogeait sur l'influence positive qu'avait pu jouer "Les Guignols" dans sa première élection à la magistrature suprême. Une phrase résonnant comme une certaine forme de reconnaissance.