Cela s’est passé ce mardi 8 octobre aux alentours de 16h50. En duplex sur BFMTV depuis le Parlement européen, la député européenne La France Insoumise Rima Hassan était invitée pour réagir à un fait survenu la veille, au soir. Alors que le Premier ministre Michel Barnier faisait un discours au CRIF lors du rassemblement en hommage aux victimes du Hamas le 7 octobre 2023, Emmanuel Macron a été sifflé à l’évocation de son nom. Mais avant de répondre à la question, la juriste franco-palestinienne, visage de la lutte pour les droits du peuple palestinien depuis un an, a tenu à porter une critique contre la ligne éditoriale de la chaîne, avant de se faire couper la parole.
“Vous comprenez les sifflets contre le président de la République ou vous les condamnez ?” l’interrogent alors depuis les studios de la chaîne d’info le duo de journalistes Olivier Truchot et Alain Marschall, présentateurs de “BFM Story”. “Je vous remercie d'abord de votre invitation, je me permets juste une toute petite parenthèse. Et puis je vais répondre à votre question”, répond-t-elle. “Je veux simplement dénoncer le fait que vous avez été félicité par Olivier Rafowicz, qui est un porte-parole de l'armée israélienne, une armée génocidaire, de votre ligne éditoriale”, commence-t-elle.
“C’est très très important pour moi de dénoncer ça à l'occasion de cette interview parce que ça dit beaucoup de la ligne éditoriale qu'est la vôtre sur le sujet. Et j'espère que vous vous rendez compte quand même que vous aurez tôt ou tard des comptes à rendre en tant que média” poursuit-elle. La veille, lors d’une émission spéciale présentée par Benjamin Duhamel en direct depuis Tel-Aviv, le porte-parole a en effet félicité BFM pour son “travail excellent par rapport à la présentation du conflit des deux côtés”. “Je réponds maintenant à votre question” ajoute Rima Hassan.
“Non non, attendez ! Vous ne pouvez pas commencer par nous attaquer, on vous invite poliment à répondre à des questions, vous mettez en doute la ligne éditoriale de BFMTV” réplique Olivier Truchot en interrompant l’interview. “Je vous réponds poliment, je suis libre de mes propos”, répond l’eurodéputée. “Je suis aussi libre de dire que ce que vous venez de dire est inacceptable”. “Vous êtes félicité par un porte-parole d'une armée. C'est inédit. Il n’y a pas de médias qui sont félicités par un porte-parole d'une armée, qui est par ailleurs pointée du doigt par tout le comité international. Admettez que c'est inédit”, tente-t-elle d’expliquer. “Vous mettez en cause le travail d'une rédaction. C'est inacceptable” , renchérit le journaliste.
La militante palestinienne veut ensuite “fermer la parenthèse” pour répondre à la question, mais les présentateurs refusent de poursuivre la séquence. Alain Marschall reprend alors la main : “C’est trop facile (...) Ça veut dire quoi des comptes à rendre ? Devant qui, devant quoi ?” s’agace-t-il. “Les médias sont censés informer de façon neutre. Vous avez une partie au conflit qui vous félicite... C’est comme si demain le Hamas vous félicitait, c’est très problématique, admettez-le”, insiste-t-elle. “On ne vous a pas invitée pour que vous attaquiez BFMTV. Écoutez stop, on va arrêter. On vous félicite pour ça et on vous remercie”, concluent-ils ironiquement, avant de mettre fin au duplex. Puremedias.com vous propose de visionner la séquence dans la vidéo ci-dessus.
“Les journalistes coupent immédiatement l'interview et je suis censurée dans la critique légitime que je formule”, a ensuite écrit la député LFI sur X, “Je n’ai donc pas pu m’exprimer sur le reste” ajoute-t-elle. “Quand on ment et nous menace, oui on coupe”, a réagi Alain Marschall sur le même réseau social. “Peu importe la vérité, l'objectif était d'obtenir votre petit moment de buzz” écrit de son côté Olivier Truchot.
Mardi soir, la Société des journalistes (SDJ) de BFMTV est revenue sur cette séquence dans un communiqué. Elle “déplore la mise en cause du travail de la rédaction par la députée européenne sur sa couverture du conflit”. “La chaîne a envoyé de nombreux envoyés spéciaux ou correspondants dans la région, qui font entendre la voix de toutes les parties, civiles ou militaires”, rappelle le texte. La SDJ "regrette qu’une phrase prononcée par Olivier Rafowicz ait été sortie de son contexte et instrumentalisée pour prendre à partie BFMTV.”
De son côté, la rédaction de la chaîne a publié sur son site un communiqué sous forme de “mise au point”, invitant simplement les téléspectateurs à se faire leur propre avis. “BFMTV tient à rappeler le travail rigoureux, impartial et équilibré de sa rédaction, dont témoigne le déploiement sur le terrain de 7 équipes en Israël et au Liban, et la diffusion vendredi et dimanche soir d’un document exceptionnel réalisé par BFMTV grâce à des journalistes palestiniens à Gaza”, peut-on lire. “Un document contesté en direct dimanche soir par le porte-parole de l’armée israélienne lors de cet entretien auquel faisait référence Rima Hassan. BFMTV vous propose de regarder cet entretien en intégralité”, ainsi que le reportage “des équipes de l’émission' Ligne Rouge'” sur la destruction de Gaza, conclut la chaîne.