Belle saison pour France Inter. Sur la période avril/juin 2018, la première radio publique reste puissante mais accuse d'une baisse de 340.000 auditeurs sur une vague et passe sous la barre des 6 millions de fidèles. Toutefois, la station signe sa deuxième meilleure saison historique, devancée uniquement par celle de 2016/2017. puremedias.com a demandé à la patronne de la station, Laurence Bloch, d'analyser ces résultats et d'évoquer les prochains chantiers pour la rentrée.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Sur cette vague, France Inter repasse sous la barre des 6 millions d'auditeurs. Comment l'expliquez-vous ?
Laurence Bloch : La vague avril/juin, comme la vague septembre/octobre, structurellement, ce sont toujours de très mauvaises vagues pour France Inter. Pourquoi ? C'est le syndrome de la salle de cinéma. Quand il fait beau, quand il y a des longs week-ends, quand il y a des vacances, nos auditeurs, qui sont des CSP+, n'écoutent pas la radio, ils partent en week-end et vont sur la plage.
Il y a aussi un effet lié à une actualité moins riche et aux préparatifs de la Coupe du monde de football, non ?
C'est toujours très compliqué pour nous. On monte vraiment en puissance à partir de novembre et jusqu'en avril. Il y a effectivement cette année l'absence de l'enjeu de la présidentielle. L'événement national était aussi le sport. Ce n'est pas complètement ce qui passionne nos auditeurs, même si sur la fin, la demi-finale et la finale, on était, comme tout le monde, acharné sur l'équipe de France.
"Sur la matinale, on est resté fidèle à nous-mêmes"
Vous signez tout de même une très belle saison, puisque c'est la deuxième meilleure historique. Quels ont été les points forts de cette année ?
C'est d'abord la matinale qui reste numéro 1, aussi bien en audience cumulée qu'en quart d'heure moyen et qu'en durée d'écoute. C'est une vraie performance. C'est notre deuxième meilleure saison historique après un chambardement peu ordinaire la saison dernière. Le 7/9 reste donc la première matinale de France. Fabienne Sintès pour le 18/20 reste à un niveau élevé d'audience. Puis, vous avez Sonia Devillers qui fait un score formidable, un record historique sur cette tranche-là. "Par Jupiter" continue de capitaliser des auditeurs. Je salue aussi Laure Adler qui fait une performance formidable. Pour sa tranche, c'est un record historique. L'antenne toute entière fonctionne bien, elle est cohérente. Les gens sont différents, mais il y a un air de famille qui fait que ça fonctionne.
Comment expliquez-vous que la matinale ait autant résisté, malgré le pillage d'Europe 1 la saison dernière ?
On est resté fidèle à nous-mêmes. On donne une information dans laquelle les auditeurs ont absolument confiance. On marie l'information et l'actualité avec le plaisir et les marqueurs de France Inter. On a la science, la musique, la politique, l'économie, l'humour. On y a ajouté les médias. Quelque part, cette constellation de personnalités autour du couple des présentateurs les plus modernes du PAF fait que ça fonctionne. C'est la matinale d'une génération. Ils ont tous moins de 50 ans. Ca s'entend et c'est une force pour eux.
"Chris Esquerre rejoint la matinale du 7/9"
Sur un an, le pari de l'après-midi est plutôt réussi, avec l'émission d'Antoine de Caunes "et"Par Jupiter" qui progressent. Comment France Inter a réussi à se défendre dans ce contexte très concurrentiel ?
On a beaucoup travaillé la spécificité de France Inter. On fait une radio populaire très culturelle, avec un grand niveau d'exigence. Mais c'est sur toute la grille. Il y a de la science, de l'histoire, de la littérature, de l'humour et de la curiosité pour le monde. Je pense que ce cocktail-là fonctionne, c'est pour ça qu'on changera peu de choses à la rentrée.
Il n'y aura pas de mouvements sur la grille en septembre ?
On va changer peu de choses. On a une arrivée qui nous enchante tous, celle d'Edouard Baer, de 22h à minuit tous les dimanches. Tout le reste sera vraiment de l'ajustement. Chris Esquerre rejoint la matinale du 7/9. C'est un humoriste absolument génial. On va installer une chronique économique dans le 5/7. Ce sont des petites touches. On restera ce que nous sommes. Une radio de grande exigence, très populaire, souriante. C'est un collectif qui s'apprécie et qui est content de travailler ensemble.
Toutes les émissions seront maintenues la saison prochaine ?
Elles le seront. Absolument.
"Il n'y a pas que les chiffres dans la vie d'une radio publique"
Concernant Edouard Baer, pourquoi une programmation de son émission le dimanche soir à 22h, une case qui n'est pas très exposée ?
Edouard Baer est un artiste. Il faut toujours écouter les artistes. Il est venu nous voir. Il nous a dit : "Après deux ans de quotidienne à Nova, j'ai besoin de faire autre chose. J'adorerais faire une hebdo sur Inter". Il souhaitait faire le 22h/minuit. Il sentait que c'est là où il pourrait faire quelque chose de marrant et de chaleureux. On a dit banco ! Il faut savoir utiliser les artistes là où ils ont envie d'être et pas seulement pour faire du chiffre. A France Inter, je suis enchantée, parce que tout le monde travaille énormément et c'est récompensé par des chiffres. Mais il n'y a pas que ça dans la vie d'une radio de service public.
Par ailleurs, une page s'est tournée en fin de saison avec le départ de Bernard Guetta de la matinale. Sera-t-il remplacé à la rentrée ?
Il ne nous quitte pas complètement. Il sera remplacé. Pour le moment, nous n'avons pas encore choisi celui ou celle qui le remplacera.
Quels sont les objectifs de France Inter la saison prochaine ?
Il y en a un absolument crucial qui est : Comment faire vivre les contenus de France Inter, qui sont si puissants sur le hertzien, sur le digital ? On va beaucoup travailler sur la réédition des contenus. Par exemple, une chronique formidable comme celle de Mathieu Vidard à 7h15 sera ré-engistrée en vidéo à la sortie du studio, avec de l'enrichissement pour essayer de toucher de nouveaux auditeurs. Les auditeurs viennent par le contenu, mais pas par la marque. En venant par le contenu sur les réseaux sociaux, ils arrivent à la marque. C'est un enjeu majeur. Il faut que la radio reste le coeur du système, mais c'est un coeur qui doit irriguer le digital. Pour irriguer le digital, il faut rééditer les contenus. Il y a un enjeu majeur de redéploiement des moyens. C'est un pari enthousiasmant. C'est comme créer une deuxième chaîne.