2006-2022. Après avoir occupé la case nocturne du samedi de France 2 pendant seize ans, Laurent Ruquier a trouvé refuge sur Paris Première pour continuer à animer un talk-show dédié à l'actualité culturelle. Ce mercredi 16 novembre 2022, aux alentours de 23h, il présentera le cinquième numéro de "Club première" dans un café-restaurant du XIVe arrondissement de Paris. L'animateur raconte à puremedias.com l'envers du décor de l'émission diffusée sur la chaîne payante du groupe M6, qu'il connaît bien pour y avoir animé par le passé "Ca balance à Paris".
L'entretien a été réalisé avant la diffusion du prime "Hier, aujourd'hui, demain", présenté par Laurent Ruquier et diffusé le mardi 15 novembre 2022 sur France 2.
Propos recueillis par Ludovic Galtier
puremedias.com : Avec "Club première", vous êtes de nouveau seul à la tête d'une émission culturelle. Heureux ?
Laurent Ruquier : Oui, de toute façon, moi, je suis très heureux. J'ai été gâté toute ma vie professionnelle. Je continue à l'être. J'aurai 60 ans l'année prochaine. Cela fait trente ans que je suis à la télévision. J'ai eu la chance de connaître beaucoup de succès avec au moins trois émissions - "On a tout essayé", "On n'est pas couché" et "On n'demande qu'à en rire". C'est déjà pas mal comme palmarès. J'espère réussir à mettre à mon actif un quatrième succès. Je ne compte pas "Les enfants de la télé" parce que c'est une émission qui existait avant moi (avec Arthur sur France 2 puis TF1, ndlr), et qui est l'une des raisons pour lesquelles je suis resté sur France Télévisions.
Est-ce plus facile de poser toutes les questions sur une chaîne plus confidentielle comme Paris Première que sur France 2 ?
Non, c'est pareil ! Mais "On est en direct" était davantage une émission d'accueil et culturelle qu'une émission faite de polémiques et de clashs. J'avais de toute façon déjà abandonné cette idée-là. Après 15 ans dans "On n'est pas couché", j'avais eu mon compte comme dirait l'autre.
Est-ce que "Club première", dont l'ambiance de club de nuit rappelle "On est en direct", est son prolongement ?
Avec moins de moyens, parce que Paris Première est une chaîne très confidentielle. Mais en termes d'images et de contenu, on peut le dire. J'ai toujours essayé de faire des émissions qui me ressemblent mais je n'ai jamais été dans la course à l'audience. Il se trouve que parfois, cela a fait de l'audience, tant mieux, mais ce n'était pas au prix de tout et n'importe quoi.
"J'en suis revenu de la politique"
Vous avez cessé les interviews politiques dans "Club première". Est-ce à dire que l'actualité politique vous lasse ?
Oui, je les ai tous faits (les politiques, ndlr). Je les ai tous vus passer. Qu'est-ce que je vais poser à nouveau comme question à Jordan Bardella (président du Rassemblement national, ndlr), à François Hollande ou à Jean-Luc Mélenchon ? On sait ce que je pense, j'ai souvent donné mes avis. Ce n'est pas quelque chose qui me manque du tout, du tout, du tout. J'en suis revenu de la politique comme on dit.
Considérez-vous, comme Pascal Praud, que François Hollande va chez des "amis" à France Télévisions ?
Je ne suis pas d'accord du tout. Moi, je ne l'ai pas ménagé quand il est venu. Je ne considère pas que ça a été un très bon président de la République. Il a mis du temps à venir d'ailleurs, je l'ai eu très rarement. C'est dire que je n'étais pas spécialement quelqu'un qui lui facilitait la tâche.
"Il n'y a jamais eu de proposition concrète du groupe M6"
Avec Paris Première et trois heures chaque jour sur RTL, vous comptez plus de temps d'antenne sur le groupe M6 que sur France Télévisions. Pourquoi ne pas avoir rejoint le groupe M6 ?
Oui mais "Les grosses têtes", c'est de la radio, ce n'est pas de la télévision (rires). Non, cela ne s'est pas fait tout simplement. Contrairement à ce qui s'est raconté pendant plusieurs années, il n'y a jamais eu de proposition concrète du groupe M6. La première proposition concrète en télé qui m'a été faite est arrivée en fin de saison dernière pour l'émission culturelle sur Paris Première. Je l'ai acceptée.
"Club première", par exemple, n'aurait pas pu être diffusé sur M6 ?
Pas sous cette forme-là.
Mais avec les moyens budgétaires de M6 ?
Ah oui pourquoi pas, bien sûr ! Sur M6 comme sur n'importe quelle chaîne, parce que je pense qu'il y a une place pour des émissions d'accueil et culturelles sur toutes les chaînes.
"Je ne suis pas dans la recherche d'audience avec 'Club première'"
Un mot sur les audiences qui ne sont pas bonnes... Un journaliste du "Parisien" avait annoncé que l'émission du 2 novembre avait réuni 1.300 téléspectateurs.
Ça, c'est n'importe quoi. J'ai vu passer ce chiffre moi aussi mais ce n'est pas quelque chose de concret. C'est un chiffre qui est sorti et qui ne correspond à rien. Je sais que la chaîne est très contente des scores que l'on fait. Ce sont des scores qu'ils n'ont jamais fait auparavant dans cette case-là le mercredi soir. Il faut comparer ce qui est comparable. "Club première" est diffusée sur une chaîne payante accessible via différents numéros à 23h. Ce n'est pas Paris Première d'il y a dix ans dont on parle. Je ne suis pas dans la recherche d'audience avec cette émission. Si j'ai accepté, ce n'est pas pour faire de l'audience.
Ce chiffre est donc faux ?
C'est totalement idiot de publier ce chiffre, personne ne l'a jamais fait. Je ne vois pas pourquoi d'un seul coup, on sort des audiences de Paris Première à 23h qui, en plus, ne correspondent à rien. Sur les box Bouygues, le fameux soir, où le chiffre, que je n'oserai même pas répéter, a été annoncé par le journaliste qui est un fouille-merde, pardon de vous le dire, il y avait 10.000 téléspectateurs qui regardaient "Club première" sur Paris Première. Donc, je ne vois pas comment on pourrait arriver à ce chiffre totalement imbécile et qui ne correspond à rien. Ce chiffre là est faux et erroné. D'ailleurs s'il avait été juste, d'autres se seraient régalés de le reprendre depuis et d'en faire des gorges chaudes.
(Contacté par puremedias.com, Médiamétrie nous a confiés que la marge d'erreur est plus importante sur les audiences des chaînes confidentielles. "Sur des niveaux d'audience aussi faibles, c'est la limite des panels", reconnaît le spécialiste de la mesure d'audience.)
"J'ai oeuvré pour que Gaspard Proust vienne sur RTL"
Quels sont les noms de vos prochains invités ?
Je suis très fier des programmations que l'on a. Le 7 novembre, on a enregistré deux émissions. On avait André Dussolier, Ariane Ascaride et Gaspard Proust. Et faire déplacer Gaspard jusqu'à la porte d'Orléans pour une émission de télévision, croyez-moi, ce n'est pas si simple. Et puis on a des humoristes pas toujours connus. C'est chouette de continuer à les mettre en avant.
C'est un peu votre marque de fabrique...
Oui, mon but n'est pas d'inviter des gens qui sont forcément des aspirateurs à téléspectatrices et téléspectateurs. Il faut des vedettes, c'est clair, mais j'ai toujours essayé, dans "On est en direct" et même dans "On n'est pas couché", d'imposer à Catherine Barma des gens qui n'étaient pas les plus connus. C'est ce que je pourrais reprocher d'ailleurs à certaines émissions. Je crois qu'elles ne se rendent pas compte du nombre de spectacles qui existent dans Paris. Théo Askolovitch fait un spectacle sur la lutte contre le cancer en 66 jours au théâtre des Béliers parisiens, Patrick Haudecoeur fait un tabac, José Paul, sur scène avec Sébastien Castro, fait un carton dans une pièce qui s'appelle "Une idée géniale"... Qui les invite ? Je ne les vois pas dans d'autres émissions, même dans "C à vous". Quand j'ai dit cela en direct à Anne-Élisabeth (Lemoine) une fois, elle m'a fait rire. Elle a pris ça contre elle et à la fin de l'émission, elle me dit à l'antenne : "Demain, nous recevrons Vincent Dedienne comme quoi nous aussi, on reçoit des nouveaux talents" (rires). Mais Vincent Dedienne, on se l'arrache. Ce n'est pas de ces gens-là dont je parle. Je parle vraiment de ceux que l'on voit sur aucun plateau et je crois, c'est ma fierté, qu'il y a que chez moi qu'on les voit. C'est en cela que je vous dis que je n'ai jamais été à la recherche de l'audience, je l'ai toujours prouvé.
Vous évoquiez Gaspard Proust, dont vous êtes le producteur. Il est arrivé cette saison sur Europe 1. Pas de regrets qu'il soit à la concurrence ?
J'ai oeuvré évidemment pour que Gaspard vienne à RTL dans la même radio que moi. Mais il n'avait pas envie d'être en concurrence avec d'autres humoristes chaque matin. C'est cela qui a fait basculer son choix vers Europe 1. Il a la liberté de dire ce qu'il veut sur Europe 1. Je trouve ses chroniques brillantes et drôles même si je ne partage pas toujours ses avis. Mais je ne produis pas que des gens dont je partage l'avis. C'est là aussi ma marque de fabrique.
"Les Late Shows aux Etats-Unis ? Je trouve ça d'une platitude !"
Alain Chabat présentera un late show tous les soirs pendant dix jours pendant la Coupe du monde sur TF1. Est-ce un exercice qui vous aurait tenté ?
Oui, absolument. C'est vrai que si une chaîne me l'avait proposé à une époque, je crois que j'aurais été capable de le faire parce que je pense être l'un des rares animateurs à pouvoir à la fois faire du stand-up et de l'animation. Oui, bien sûr j'aurais aimé le faire. Mais je n'ai pas le culte du Late Show comme l'ont certains aux États-Unis. Je pense que l'on n'a pas à rougir de ce que l'on fait en France. Je ne suis pas du tout un fan des Late Shows de Jimmy Fallon, par exemple. Je suis désolé mais il s'est passé beaucoup plus de choses dans "On n'est pas couché" pendant quinze ans qu'il ne s'en passe dans les Late Shows aux États-Unis. Ce qui plaît dans ce format aux États-Unis, c'est le fait que les invités soient des stars internationales mais franchement, on voit bien qu'elles ne sont pas secouées. Il n'y a aucune irrévérence vis-à-vis des invités sur le plateau. Je trouve cela d'une platitude ! Les Américains rient d'un rien, on le sait, en plus. Non, franchement, je trouve que l'on voue un culte bien trop immérité à ce genre d'émission. On a rien à leur envier à part le casting. C'est sûr que l'on ne peut pas avoir Brad Pitt et Angelina Jolie chaque semaine dans nos émissions.