Retour en prime pour Laurent Ruquier. L'animateur des "Grosses têtes" sur RTL assurera la présentation de "Hier, aujourd'hui, demain", une émission co-produite par Thierry Ardisson et Philippe Thuillier, ce mardi 15 novembre 2022 à 21h05 sur France 2. Avec de nombreux invités, le visage phare du service public déclinera quatre sujets de société et analysera, images d'archives à l'appui, la façon dont leur traitement médiatique et leur perception dans l'opinion ont évolué avec les années. puremedias.com s'est longuement entretenu, mercredi 9 novembre, avec le célèbre animateur, qui espère que cette toute nouvelle émission s'installe dans la durée.
Dans une deuxième partie que nous publierons demain, Laurent Ruquier sera interrogé sur "Club première", sa nouvelle émission culturelle hebdomadaire de deuxième partie de soirée diffusée chaque mercredi sur Paris Première.
Propos recueillis par Ludovic Galtier
Vous présentez ce soir en prime sur France 2 "Hier, aujourd'hui, demain". Quel est le concept de cette soirée ?
Laurent Ruquier : L'idée, c'est de reprendre différents thèmes d'actualité, de société ou de divertissement et de voir comment on en parle à travers le temps, des années 50 aux années 2020. On a quatre premiers thèmes pour cette première émission : la Coupe du monde de football, les télé-crochets, la prostitution et à quoi s'identifient les jeunes aujourd'hui, hier et donc demain. On fera réagir en plateau nos invités sur ce qui se disait à une époque avec des images d'archives et voir comment les discours ont évolué depuis. Les invités resteront tout au long de l'émission. Certains pourront témoigner de leurs expériences sur plusieurs thématiques, à l'image de Francesca Antoniotti, journaliste football mais aussi candidate de la saison 4 de la "Star Academy".
"'Hier, aujourd'hui, demain' est née d'une frustration dans 'Les enfants de la télé'"
Comment est né ce projet ?
C'est moi qui ai eu cette idée née d'une légère frustration dans "Les enfants de la télé". J'avais parfois ce petit regret où je me disais : "C'est dommage, si on avait du temps, on pourrait s'intéresser à de vrais sujets de société vus à travers les images de l'Ina (Institut national de l'audiovisuel, ndlr)". Mais ce n'est pas le concept des "Enfants de la télé". "Les enfants de la télé" c'est un pur divertissement où l'on cherche surtout les images d'hier qui sont liées aux invités, les casseroles. J'ai donc proposé mon idée à Thierry Ardisson et Philippe Thuillier qui ont accepté de produire cette émission originale, jamais faite en télévision.
L'émission a été enregistrée hier. Pourquoi ne pas l'avoir présentée en direct ?
J'aurais aimé la faire en direct mais je crois que c'est un souhait de la chaîne que l'on enregistre. France 2 nous accorde deux heures. Avec le léger montage, il sera possible de réduire ou résumer ce que l'on dit et nettoyer l'émission.
Pourquoi avoir repris le titre de l'émission présentée en 2016/2017 par Frédéric Taddeï sur France 2 ?
Le titre est commun mais l'émission n'a rien à voir avec celle de (Frédéric) Taddeï. On a simplement trouvé ce titre et on nous a dit que c'était un titre qui avait déjà été utilisé. D'ailleurs, je ne sais même pas à quoi ressemblait l'émission de Frédéric Taddeï. Mais pour tout vous dire, quand j'ai lancé "On n'est pas couché", on s'est aperçu quelque temps après qu'une émission avait déjà porté ce nom par le passé. Elle était produite par Stéphane Collaro et animée par Yvan Le Bolloc'h et Bruno Solo. Il y avait eu un ou deux numéros seulement sur TF1 (dans les années 1990, ndlr) mais cela ne nous avait pas empêché de garder le titre.
"Si France 2 me demandait de relancer 'On n'demande qu'à en rire', je le ferai volontiers"
Comment se présentera le plateau sur les télé-crochets ?
On pourrait croire que le débat sur les télé-crochets est anodin mais non. On aura aussi bien Jenifer, celle dont le passage par un télé-crochet a été une réussite, Daniel Guichard, qui était apparu dans "Le jeu de la chance" dans les années 60 et 70 (sur la première chaîne de l'ORTF, ndlr) mais aussi Soan, gagnant de la "Nouvelle Star" pas vraiment adapté à ce genre d'émissions. Nous aurons aussi des invités contre les télé-crochets, comme Christophe Conte, et d'autres pour comme Bruno Berberes, connu dans notre milieu parce que c'est lui qui caste beaucoup les candidats.
Qu'apprendra-t-on sur les télé-crochets que l'on ne sait pas déjà ?
On reviendra par exemple sur l'origine du nom du télé ou radio-crochet. Au départ, il y avait vraiment des candidats que l'on attrapait par le cou avec un crochet pour qu'ils arrêtent de chanter et dégagent de la scène. Et on a l'image ! On a retrouvé des images noir et blanc où l'on voit les candidats se faire éjecter, attrapés par ce crochet. Bien sûr, les choses ont évolué. Aujourd'hui, il y a la "Star Academy", "The Voice"... Mais est-ce qu'au fond, les nouvelles formes de télé-crochet ne sont pas Tik Tok, Instagram et autres ? Beaucoup d'artistes se font découvrir ainsi et les télé-crochets du moment se servent beaucoup des réseaux sociaux pour trouver leurs candidats.
Un avis sur le retour de la "Star Academy" ?
J'aime bien "The Voice" ou la "Star Ac'". Je mentirais si je disais le contraire. J'aimais encore mieux la "Nouvelle Star". Plein d'artistes de talent, comme Julien Doré, Christophe Willem, sont sortis de là.
L'émission que vous avez présentée qui se rapproche sans doute le plus du télé-crochet serait "On n'demande qu'à en rire ". Cela vous plairait de la relancer à l'heure où l'humour est à la mode à la télé comme à la radio ?
Si la chaîne me le demandait, je le ferai volontiers. Encore faut-il trouver la bonne formule ! Est-ce qu'aujourd'hui, on aurait la même liberté, est-ce qu'aujourd'hui, on pourrait laisser un Jérémy Ferrari faire ses sketchs comme on a pu le faire à cette époque-là ? On sait bien que les réseaux sociaux ont parfois leurs avantages, ils ont aussi leurs inconvénients. L'humour, en fait, c'est ce qu'il y a de moins fédérateur. On croit que c'est fédérateur mais pas du tout. Tout le monde ne rit pas de la même chose et aujourd'hui, on fait vite un mini-scandale d'un sketch qui ne reste que de l'humour.
Il ne manque donc "que" le "go" de la chaîne ?
Ce n'est pas en discussions. Je suis arrivé à un âge où je ne frappe pas trop aux portes avec des projets. Je ne suis pas producteur télé. J'ai cette chance, cela m'évite d'avoir à parler trop avec les différents directeurs (rires).
"Je suis capable d'aller au Qatar voir quelques matchs de la Coupe du monde"
Est ce qu'il y a d'ailleurs une émission que vous avez présenté "hier" que vous souhaiteriez voir revenir "aujourd'hui" à la télé?
Non, parce que je n'ai aucun regret en ce sens. J'ai fait différentes choses et je dois dire que l'une des plus belles réussites a été "On a tout essayé" en quotidienne. On l'oublie souvent mais on arrivait à faire dans les meilleures années 20% de part de marché chaque soir sur France 2. C'est d'ailleurs fou, on s'aperçoit qu'il y a des émissions qui ont la carte et d'autres pas. "On a tout essayé" est une émission qui a beaucoup marqué le public pendant des années et on continue à parler du "Grand journal" de "Nulle part ailleurs", qui faisaient 4% ou 5% de part de marché quand on en faisait 20. La nôtre était trop populaire pour qu'elle puisse avoir la faveur des journalistes.
Vous allez aussi vous intéresser à la Coupe du monde au cours de cette soirée. Allez-vous boycotter l'édition 2022 au Qatar ?
Non, je suis même peut-être capable d'aller au Qatar voir quelques matchs. D'abord, parce que j'aime bien voir comment ça se passe réellement et être sur place. Et ensuite, c'est trop tard. La décision est prise et maintenant place au sport. C'est avant qu'il fallait se poser des questions, où il aurait fallu manifester et reprocher l'attribution de la Coupe du monde. Ce n'est pas maintenant à quelques semaines d'une compétition que tout le monde a envie de voir. Tous ceux qui aiment le foot vont très vite oublier que cela se passe au Qatar. À ce moment-là, il ne fallait pas aller en Russie il y a quatre ans.
Dans l'émission, vous allez montrer que les appels au boycott ne sont pas nouveaux...
Les magnétos que l'on diffusera vont prouver que le choix de faire de l'Italie, le pays hôte de la Coupe du monde de football en 1934, au moment où le fascisme grimpait, était déjà problématique. C'était vrai en Argentine aussi au moment de la dictature (1978, ndlr). Il y avait déjà des appels au boycott. Ce n'est pas parce que ce n'est pas nouveau qu'il faut continuer mais en tout cas, je pense que c'est au moment où l'attribution a lieu qu'il faut manifester, ce n'est pas au moment où la compétition va commencer, c'est trop tard. Les responsables, ce sont les politiques et les fédérations internationales, qui prennent des décisions parfois inexplicables.
"Ce serait formidable que "Hier, aujourd'hui, demain" devienne une mensuelle"
En cas de succès, quel rythme de diffusion de "Hier, aujourd'hui, demain" pourrait être envisagé ?
Si cette émission marchait, ce serait formidable que cela devienne une mensuelle mais ce n'est pas gagné. Pour cela, il va falloir faire nos preuves, faire de l'audience, ce qui n'est pas simple en ce moment toutes chaînes confondues. On voit bien que ce sont surtout les fictions, en particulier celles de France 3 qui cartonnent. Il n'y a pas de case facile, pas plus le mardi soir qu'un autre soir hélas. Aujourd'hui, en télévision, il faut faire des grands shows comme "Star Academy" ou "The Voice" ou des téléfilms mais je ne suis pas comédien et n'ai pas envie de le devenir.
Avez-vous d'autres idées de thèmes à exploiter dans l'émission ?
On aurait pu en aborder plus si on avait eu plus de temps. J'aurais voulu ajouter un cinquième plateau sur la corrida. Il va y avoir un débat à l'Assemblée nationale autour de la corrida, cela aurait pu être intéressant de prendre des images pour voir comment l'opinion avait évolué là dessus depuis les années 1950-1960. Il y avait même une époque où la corrida était diffusée sur Canal+. On voit bien que les choses évoluent.
"Je n'ai pas encore vu 'Quelle époque !', il y a de l'opéra sur France 3 et j'adore ça !"
Avez-vous regardé "Quelle époque !" ?
Alors à cette question là, je réponds toujours non, maintenant je regarde l'opéra sur France 3 (rires).
Vous n'avez pas vu une seule émission ?
Non, il y a de l'opéra sur France 3 et j'adore ça !
Auriez-vous invité des anti-trans sur votre plateau comme ce fut le cas sur M6 dans un débat avec Karine Le Marchand et sur France 2 chez Léa Salamé ?
De ma propre volonté non, je ne crois pas. Je ne l'ai pas vu, puisque je regarde l'opéra sur France 3.
L'un était sur M6...
Ah oui mais la dernière vraie opposition, c'était dans "Quelle époque !". Je ne suis pas fou, je ne regarde pas l'émission (rires) mais aujourd'hui même sans regarder les émissions avec les réseaux sociaux, on est au courant de ce qui s'y passe. Non non, c'était un débat dans l'émission de (Christophe) Dechavanne et Léa Salamé qu'il y a eu une personne anti-trans face à une dame qui est maire dans le nord de la France...
Sans juger la concurrence, comment auriez-vous traité ce sujet ?
Ce n'est pas à moi qu'il faut poser ce genre de question étant donné que je considère qu'il ne faut pas donner la parole à tout le monde. Pendant des années, j'ai été l'un des rares à ne pas inviter le Rassemblement national. J'ai fini par m'y plier parce que je n'étais plus seul aux commandes (après l'arrivée de Léa Salamé dans "On est en direct", ndlr). J'avais toujours pour principe d'inviter le Rassemblement national que quand j'y étais obligé parce qu'on était en période électorale et qu'il fallait respecter un équilibre. J'ai prouvé aussi à travers mes émissions que je prenais des chroniqueurs dont je ne partageais pas toujours les avis avec une limite : je n'ai pas envie non plus que l'on dise n'importe quoi. Quand j'avais Éric Zemmour, jamais il n'a été condamné pour quel que propos que ce soit dans "On n'est pas couché" en tout cas.
"Je ne crois pas qu'un retour des 'Enfants de la télé' en prime soit prévu pour l'instant"
Delphine Ernotte a annoncé plusieurs dizaines de millions d'euros d'économies sur les programmes pour l'année 2023. Redoutez-vous que des émissions que vous présentez soient impactées ?
Je ne redoute rien. Je suis à un point dans ma vie professionnelle où je suis suffisamment heureux pour ne pas être en attente de quoi que ce soit. Je fais les choses si on me les demande. Quand je propose, je n'insiste pas si je vois que l'on n'a pas envie de moi. J'ai envie de travailler pour les gens qui aiment ce que je fais. J'ai suffisamment d'activités avec mes pièces de théâtre. Je produis aussi Gaspard Proust, Vincent Dedienne, Michaël Gregorio et Thomas VDB et j'ai une émission qui reste leader tous les après-midis à la radio avec "Les grosses têtes". Je ne vais pas commencer à me plaindre ou à redouter quoi que ce soit.
De nouveaux numéros des "Enfants de la télé" vous ont-ils été commandés en prime-time ?
Je ne crois pas que cela soit prévu pour l'instant. Je ne m'occupe pas de ça pour dire vrai. J'essaie d'être présent sur France 2 pour continuer à faire des programmes intéressants. J'ai toujours envie de faire des choses nouvelles. Je n'ai pas envie de m'arrêter là, j'estime que j'ai encore quelques années devant moi. Peut-être pas dix ans mais en tout cas quelques années devant moi donc si on veut bien de moi, je serai là.
Toujours sur le financement de l'audiovisuel, qu'est-ce que vous inspire la suppression de la redevance décidée par l'exécutif et votée par le Parlement ?
Si l'État compense cette suppression pour que l'audiovisuel public puisse avoir les mêmes moyens, pourquoi pas ! Mais je ne crois pas que cela aurait dû être une priorité. Ça reste "peanuts" quand on voit ce que les téléspectateurs sont capables de mettre pour regarder les matchs de foot. Moi-même qui adore le foot, combien d'abonnements je suis obligé de prendre pour suivre toutes les compétitions, entre Amazon, Canal+, beIN SPORTS et RMC Sport. Je ne crois pas que cela soit le montant de la redevance qui impacte à ce point le budget des foyers français. Et quand même, je vais défendre le service public et je ne le fais pas sur commande : il y a un choix important d'émissions culturelles sans recherche d'audience, des documentaires excellents, des débats, des séries ambitieuses que l'on ne retrouve pas sur les autres chaînes.