Depuis quinze ans à la tête de "On va s'gêner" sur Europe 1, Laurent Ruquier est omniprésent médiatiquement. A la radio, à la télévision, au théâtre, il est l'un des rares animateurs à n'avoir jamais connu de traversée du désert. Invité exceptionnel toute la journée sur puremedias.com, il revient sur ses trois métiers.
Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
puremedias.com : Vous fêtez vos 15 ans sur Europe 1... Après Julie, le doyen c'est vous ?
Laurent Ruquier : Par chance pour moi, ils ont fait revenir Pierre Bellemare ! Donc je prends un coup de jeune. Et puis il y a Jacky Gallois aussi. Mais sur la longévité des émissions, c'est pas mal, oui.
Plus sérieusement, comment expliquez-vous cette longévité alors que la grille d'Europe 1 n'a cessé de changer ces dernières années ?
Grâce à l'évolution de la bande autour de moi, l'émission existe encore. Chaque saison, par petites touches, on essaye de renouveler les équipes, pour que les auditeurs soient curieux d'écouter ce qui va se passer chaque nouvelle saison. Si j'étais resté avec la même depuis le départ, cela marcherait moins ou plus. Nos concurrents ont vieilli, aussi. Ce qui m'épate, c'est de voir qu'il y a de nouveaux auditeurs encore, chaque mois.
Vous vous amusez toujours autant ?
Franchement, oui ! Il y a eu des années où je me suis moins amusé et là, depuis la rentrée, je m'amuse beaucoup. Pierre Bénichou me fait toujours autant rire, Steevy n'a jamais été aussi drôle, les petits nouveaux (Gazan, Beaugrand...) sont vraiment forts. Il y a eu des années où on avait du mal à composer des équipes, là c'est l'inverse, on a du mal à mettre tout le monde dans l'émission. Cela veut dire qu'il y a des gens qui sont devant la porte à attendre...
C'est compliqué de gérer les égos des uns et des autres ?
Oui, c'est difficile. Mais il vaut mieux ça, ça prouve que l'émission est de qualité. J'essaie de faire tourner le maximum de personnes, même s'il y a des promesses faites à certains qu'on essaye de tenir. Il y en a d'autres à qui on n'a rien promis qui sont là en fonction des absences ou des baisses de forme pour pouvoir intégrer l'équipe. Il n'y a pas assez de place, c'est comme ça...
La nouveauté de l'année, c'est l'arrivée de Christophe Dechavanne, un choix étonnant...
J'avoue que je n'y aurais moi-même pas pensé ! C'est Christine Bravo qui m'a dit que ça l'amuserait de faire l'émission et m'a demandé de l'appeler. Ce que j'ai fait, on a déjeuné et il m'a expliqué que ça l'amuserait.
Et le premier bilan ?
Dès la première, il était dans le ton ! Ca m'a épaté, il a une répartie et une omniprésence étonnantes.
Il ne prend pas un peu trop de place justement ?
Pas du tout ! Ceux qui pensent ça sont ceux qui aimeraient être à ma place. Moi j'ai besoin de gens qui prennent la parole ! Si j'ai six personnes autour de la table qui ne parlent pas, je suis bien en peine. Des Christophe Dechavane, j'en redemande !
Certains auditeurs ne sont pas de cet avis...
On m'a dit ça sur Bénichou, Bravo... Dès que quelqu'un est présent ou omniprésent, il est visé par les critiques. Mais ça fait quinze ans que ça dure ! Il y a bien quelque chose à quoi je ne me suis jamais fié, ce sont les courriers des auditeurs qu'on reçoit. Ou ce qu'on dit sur Twitter. Il faut précéder le goût du public, il ne faut pas le suivre ! Il n'y a pas un quart des gens que j'aurais gardé si j'avais suivi les premiers courriers reçus à France Inter !
Qui par exemple ?
J'aurai viré Laurent Gerra quand il a remplacé Pascal Brunner. Et quand on sait où est Laurent Gerra aujourd'hui... On me disait qu'il imitait mal Johnny Hallyday, ce qui était faux ! Les auditeurs n'étaient juste pas habitués à cette nouvelle imitation, très proche de la vraie voix. Le public s'éduque, se force, il ne faut surtout pas écouter les réactions. Ca peut dégager parfois des tendances et encore, je m'en méfie. Il n'y a rien de représentatif sur Twitter ou le web. Les gens qui se manifestent n'ont soit rien à faire, soit veulent montrer leur mécontentement.
Le seul indicateur est donc l'audience...
Parfaitement. Le nombre de gens que j'ai imposés sur l'antenne contre l'avis qu'on pourrait croire majoritaire, c'est dingue.
Lundi, vous avez présenté votre émission dans un avion. C'est la première fois que vous vous envoyiez en l'air avec vos chroniqueurs ?
Oui (rires) ! En tous cas aussi collectivement.
Après plusieurs saisons de turbulences, Europe 1 semble en voie de stabilisation. Avez-vous été déjà tenté de quitter le navire ?
J'ai eu plus de difficultés quand il y avait Jean-Pierre Elkabbach. Ce qu'on m'avait proposé à l'époque sur d'autres radios ne me convenait pas donc je suis resté là. Tant que je n'ai aucune proposition meilleure, je n'ai pas l'intention de quitter le navire. J'aime beaucoup la nouvelle matinale d'Europe 1, plus dynamique, active, concernée, il n'y a que ça que j'écoute.
Avant "On va s'gêner", il y a eu "Rien à cirer" sur France Inter. Une émission qui a marqué ceux qui l'ont écoutée. Vous êtes nostalgique de cette époque ?
C'était les débuts, avec des humoristes, des textes écrits et moins d'improvisation. C'est un petit pincement au coeur car c'était mon premier succès radio. Mais je n'ai pas de nostalgie, cela ne me manque pas. Les égos des humoristes étaient, je m'en souviens, durs à gérer, plus que ceux des chroniqueurs aujourd'hui.
Stéphane Bern a expliqué récemment avoir souvent ressenti à Radio France du mépris de la part de certains de ses confrères et consoeurs. Aviez-vous ressenti la même chose ?
Non, car j'étais inconnu quand je suis arrivé à France Inter. Je venais de nulle part, j'avais juste fait deux ans en tant qu'auteur sur Europe 1. Intérieurement, je ressentais un manque de culture par rapport à la moyenne. Mais c'était dans ma tête, je ne le montrais pas.
Vous avez encore de l'affection pour France Inter ?
Ce serait mentir de vous dire oui. C'est une radio que je respecte. Dire qu'elle me manque, non. J'y retournerai peut-être un jour, je n'en sais rien, mais je ne vais pas jouer du violon sur le mode "je suis marqué à vie par Inter, aujourd'hui Europe 1". On va là où les gens vous réclament et il faut bien travailler !
> Laurent Ruquier, P2 : "Sophia Aram, c'était prématuré. France Inter n'est pas la France"