Homme politique britannique, Michael Dobbs est aussi un auteur à succès. En 1989, il publie "House of Cards", roman qui donnera naissance à une trilogie, adaptée en mini-série par la BBC et désormais aux Etats-Unis. C'est Netflix qui diffuse la série là-bas. Le service de vidéo à la demande s'est lancé dans la création originale pour cette série portée par Kevin Spacey et Robin Wright, réalisée par David Fincher et écrite par Beau Willimon, dont Michael Dobbs est l'un des producteurs exécutifs. En France, c'est Canal+ qui la diffuse.
Présent à Monaco dans le cadre du 54e Festival de Télévision, pour y défendre la série, Michael Dobbs a répondu aux questions de puremedias.com sur la nature de son implication dans le projet, le risque de se lancer avec Netflix et l'évolution de la télévision.
Propos reccueillis par Charles Decant.
Quel est votre rôle précis dans le développement de la série aux Etats-Unis ?
Je suis un producteur exécutif, mais il se trouve que j'ai aussi une vie assez occupée en dehors de ça. Je suis un homme politique à temps complet ! Mon rôle est formidable : je m'implique autant que je le peux et autant que je le souhaite. Je n'écris pas les scripts. Beau Willimon et son équipe formidable le font. Je les lis tous, je passe régulièrement sur le plateau de tournage. Je suis ici, à Monaco, pour en parler. Mais je vais vous dire un secret : si j'étais écrasé par un bus demain ou que je me noyais dans la baie aujourd'hui, la saison 3 de "House of Cards" survivrait !
Les gens impliqués dans ce projet prennent tout ça très au sérieux. Et je suis à l'origine de tout ça. Du coup, je pense que mon rôle le plus important est de donner de la légitimité à ce qu'ils font. Ce sont des gens qui ont beaucoup travaillé pour le théâtre. Shakespeare, les gens le font depuis 400 ans et ils veulent en faire quelque chose de nouveau. C'est un peu pareil. J'ai écrit les romans. Et plutôt que de me dire "Laissez-nous tranquille", ils veulent qu'on travaille ensemble pour construire quelque chose de nouveau.
A quel point "House of Cards" est-il proche de la réalité ?
C'est très proche ! Mais ce n'est pas la vérité, évidemment. C'est un drama, pas un documentaire. Il s'agit de divertissement et non d'éducation. 90% du livre original a été inspiré par la réalité. Mais ça ne concernait pas la même personne au même moment. J'ai pris des éléments ici et là. La politique, en majorité, c'est du travail, des tâches ingrates. On fait de notre mieux. Mais il y a une facette de la politique qui n'est que pouvoir, passion, ambition, vice.
La version américaine de "House of Cards" est un vrai pari, notamment pour la diffusion sur Netflix, avec tous les épisodes mis en ligne d'un coup... Ca vous a effrayé ou au contraire motivé ?
Le côté révolutionnaire de la diffusion sur Netflix était très important pour moi. C'était très enthousiasmant parce que j'adore prendre des risques. Les gens créatifs doivent prendre des risques ! Et bien qu'on soit désormais tous plus ou moins convaincus que le modèle Netflix va fonctionner, ce n'était pas le cas il y a encore peu de temps. Mais ils ont été courageux, et j'avais envie de faire partie de l'aventure ! Avoir l'opportunité de travailler avec David Fincher, Kevin Spacey et Robin Wright et en même temps prendre part à une révolution industrielle, c'est unique ! Si j'ai encore la chance d'être là dans 20 ans, je regarderai en arrière et je me dirais que c'était un moment extraordinaire !
Netflix a été une évidence ?
Quand ils nous ont dit qu'ils nous garantissaient deux saisons de 13 épisodes, sans avoir rien vu, pas de pilote, sans chichis, sans "peut-être" ou "oui, mais", juste "Allez-y et faites-le", c'était très exaltant en termes créatifs.
Ils vous ont dit aussi "Faites ce que vous voulez" ?
Oui, plus ou moins. Evidemment, le concept est déjà acté, le cadre était là, on savait que ça serait "House of Cards". Mais ils avaient suffisamment confiance en l'équipe pour nous laisser cette liberté. C'était inédit ! Et ça nous a permis beaucoup de choses en termes créatifs. On n'a par exemple pas dû concocter un pilote fabuleux pour les convaincre, mais qu'on aurait eu du mal à égaler par la suite. On a pu raconter l'histoire comme on le voulait.
On vous avait déjà contacté auparavant pour adapter "House of Cards" aux Etats-Unis ?
Oui, ce n'était pas la première fois. Quand la société Media Rights Capital, qui produit aujourd'hui la série et qui est formidable, a toqué à ma porte la première fois, je leur ai dit "Oui, oui, OK...". Mais on m'avait déjà contacté auparavant et ça ne s'était jamais fait, pour toutes sortes de raisons. Vous savez comment ça se passe à Hollywood. Mais ils sont revenus, m'ont dit qu'ils tenaient vraiment à le faire, et qu'ils avaient Kevin Spacey et David Fincher. Ils m'ont demandé ce que j'en pensais. Mais je n'avais même pas besoin d'y penser ! Kevin Spacey et David Fincher ne vont pas s'impliquer dans un truc raté. Ils vont forcément faire quelque chose de très spécial, et il était évident que je devais en faire partie.
Il y a beaucoup de mystère autour des performances de la série aux Etats-Unis, puisqu'on ne dispose pas de chiffres d'audience. Tout le monde suppose que c'est un carton, mais en est-ce vraiment un ?
Pourquoi devrait-on se soucier des chiffres ? Ils sont nécessaires pour les chaînes traditionnelles, parce que c'est comme ça qu'elles gagnent de l'argent. Mais une série à succès, c'est une série que les gens aiment regarder, peu importe ce qu'en pensent les autres. C'est le téléspectateur qui compte. C'est ça, Netflix. On clique sur un bouton et le téléspectateur a ce qu'il veut, quand il le veut. On ne regarde pas parce que tout le monde regarde, mais on doit attendre jusqu'au jeudi à 21h. Tout ça, c'est du passé ! Quand on regarde les chiffres de Netflix en termes d'abonnements et de prix de l'action, ça confirme que c'est une série à succès. Les audiences, c'est presque archaïque ! Et, venant du monde de la publicité, je sais que la plupart de ces chiffres n'ont pas de sens, de toute façon...