À quoi ressemblera 2013 ? Personne ne le sait vraiment, pas même les économistes, toujours plus hésitants sur les perspectives à court et moyen termes. David Pujadas a pourtant tenté, hier dans le JT de France 2, de répondre à cette question. Il s'est livré à un exercice inédit dans un journal de 20 heures français, la politique fiction. Au travers de deux scénarios prospectifs, l'un castastrophe et l'autre plus clément, les équipes du journal ont imaginé ce à quoi pouvait ressembler 2013.
Immédiatement, les réactions sur Twitter ont été nombreuses. Principalement de la part des journalistes, qui critiquent violemment l'initiative. "Les mayas n'ont pas prévu la fin du monde mais la fin du journalisme le 20 décembre 2012 à 20h30", commente Cyril Graziani, journaliste à France Inter, rappelant la définition du journalisme, "activité qui consiste à investiguer, collecter, vérifier, commenter des FAITS pour les porter à l'attention du public". Il n'est pas à le seul à s'être étranglé devant sa télévision, Bruno Masure y est allé de ses petits tweets assassins et s'est pris le bec avec un journaliste de France 2. Philippe Corbé de RTL s'étonne lui aussi : "Non mais c'est quoi cette fiction catastrophe de France 2 ? Comme si les Français n'étaient pas déjà assez angoissés !". Une journaliste d'Europe 1 estime de son côté que "ça rime à rien et décrédibilise la profession."
Les journalistes de France 2 ayant participé aux deux sujets sont montés au créneau sur Twitter pour défendre ce choix éditorial. "A part ce débat entre journalistes, les téléspectateurs, ceux pour qui nous faisons le journal, ils en pensent quoi ? On a le droit d'innover et de casser les codes", écrit François Beaudonner, Amaury Guibert loue "la pédagogie de l'exercice".
A part ce débat entre journalistes, les téléspectateurs, ceux pour qui nous faisons le journal, ils en pensent quoi ? #20H #fiction
- François Beaudonnet (@beaudonnet) Décembre 20, 2012
Un exercice de politique fiction qui a suscité le débat ! (et lancer le choeur des vierges effarouchées de la profession...) #20heures #france2
- Amaury Guibert (@amauryguibert) Décembre 21, 2012
Cette course à l'innovation est-elle préjudiciable à la crédibilité du JT ? Depuis plusieurs années, TF1 et France 2 tentent d'inventer de nouveaux codes d'écriture pour moderniser leur grand-messe. Mais cette initiative, a, selon nos informations, aussi suscité un débat en interne. Certains journalistes de la rédaction ont même refusé d'y participer.
"Nous avions un objectif, aucune ambiguïté vis-à-vis du téléspectateur, explique à puremedias.com Eric Monier, directeur de la rédaction de France 2. Nous avons écarté l'idée d'une rétro 2012 très vite. Comment 2013 risque d'évoluer, on le fait souvent dans le journal. En économie, il est important d'enseigner les choses, de manière très pédagogique, c'est ce que nous avons fait hier soir". Pour ces deux scénarios, aucune image n'a été détournée, tous les intervenants savaient qu'ils participaient à un sujet prospectif. "On voulait être transgressif. Mais dans un cadre fixé, c'était un exercice ponctuel. François Lenglet, après les deux sujets, a renforcé la pédagogie de l'exercice", se défend Eric Monier qui rappelle que la presse écrite sérieuse, comme Le Monde, se livre à cet exercice tous les étés.
La politique fiction, David Pujadas n'est pas le premier à s'y frotter. La RTBF y avait eu recours sans prévenir ses téléspectateurs, Bruce Toussaint a proposé une série de politique fiction sur Jimmy, "Breaking News" et Yves Montand, dans "Vive la crise" en 1984, ouvrait son antenne avec un faux journal présenté par Christine Ockrent. Citons encore BFM TV qui avait organisé une édition spéciale fictive autour de l'éclatement de la zone euro.
Hier, cet exercice inédit n'aura pas permis à David Pujadas de rassembler un plus large public qu'à l'accoutumée. 4,9 millions de téléspectateurs étaient présents devant leur poste (18,8% de part d'audience), un score légèrement en-dessous de la moyenne du mois malgré un JT plus long. Mais la page spéciale n'a pas fait zapper les téléspectateurs, elle a été la plus suivie du journal.