
À peine entamé, l'examen du projet de réforme de l'audiovisuel public a été émaillé d'un incident "grave", selon des députés de gauche, entre la ministre de la Culture Rachida Dati et une fonctionnaire de l'Assemblée nationale, dans la soirée du mardi 1er avril 2025. À tel point que la séance a été suspendue. À l'heure de la reprise des travaux, ce mercredi 2 avril 2025, la tension n'est pas retombée, la locataire de la rue de Valois refusant de s'excuser publiquement auprès de la fonctionnaire, comme lui avait suggéré dans un propos introductif la présidente socialiste de la commission Fatiha Keloua Hachi. Selon Arthur Bellier, un journaliste politique de RTL présent sur place, la fonctionnaire aurait auparavant quitté la salle "quasi en pleurs".
À la place, Rachida Dati a contesté le récit de l'événement qui a été fait par ses adversaires politiques : "J'ai vu des communiqués" disant "qu'il y avait eu une agression, qu'il y a eu des menaces, qu'il y a eu des insultes. Elles n'ont jamais existé", a-t-elle martelé ce mercredi, avant la nouvelle suspension.
Selon elle, la discussion portait sur le refus d'accepter un amendement que le ministère souhaitait déposer en réponse aux "amendements d'obstruction" des opposants au texte. "Je me suis interrogée et j'ai interrogé l'administratrice pour dire pourquoi cet amendement n'était pas accordé", a affirmé Rachida Dati. "Il y a eu une réponse un peu vive, on s'en est expliquées et l'incident était clos", a-t-elle poursuivi. "Je ne souhaite pas que cette commission soit instrumentalisée pour d'autres raisons d'obstruction ou politiciennes", a-t-elle insisté. Aurélien Saintoul, député La France insoumise, avait livré une autre version de l'incident, assurant avoir dû interrompre la ministre et lui dire de "ne pas parler comme ça à une fonctionnaire de l'Assemblée". "C'était assez humiliant".
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"Vous aviez raison Madame la présidente, de me dire que je n'aurais pas dû avoir d'échange avec l'administratrice en direct, mais avec vous", a cependant reconnu la ministre, avant d'indiquer avoir demandé à sa directrice de cabinet d'appeler l'administratrice "pour confirmer qu'il n'y a eu ni d'insultes, ni d'agression, ni de menace, ce que [l'administratrice] a confirmé". Des propos émaillés de protestations dans la salle de commission, poussant la présidente à décider d'une nouvelle suspension.

Que va-t-il se passer maintenant ? Une réunion d'urgence s'est tenue en fin de journée, ce mercredi entre le Premier ministre François Bayrou, Rachida Dati et le ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola pour décider de la suite, révélait l'AFP de sources ministérielle et parlementaires. Il se dessine une reprise des débats lundi 7 avril en commission des Affaires culturelles, poursuit l'agence de presse. L'examen du texte serait quoi qu'il advienne en commission maintenu à l'ordre du jour de la séance publique de l'Assemblée nationale du 10 avril prochain. Rachida Dati, qui a déjà dit viser les municipales à Paris en 2026, espère une adoption définitive de la réforme à l'été.
Déjà validée en première lecture au Sénat en 2023, la proposition de loi portant la réforme prévoit de créer une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France, l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un ou d'une présidente. Contrairement aux plans initiaux, France Médias Monde, branche internationale de l'audiovisuel public français (RFI, France 24), pourrait en être exclue. Serpent de mer relancé par Rachida Dati à son arrivée au ministère début 2024, le projet d'origine prévoyait carrément une fusion des sociétés, dans une sorte de BBC à la française, mais il a été interrompu par la dissolution de l'Assemblée à l'été.
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"Si cette réforme n’intervient pas, l’affaiblissement de l’audiovisuel public et la baisse de son budget seront inévitables", menace Rachida Dati. "Cette réforme (qui concernerait 15.000 à 16.000 postes, ndlr) n'est pas un projet de fusion (...), elle ne se fera pas contre l'intérêt des salariés", a-t-elle tenté de rassurer. Des grèves contre le projet ont eu lieu lundi et mardi dans les entreprises en question, Radio France et France Télévisions en tête, fédérant 72% des journalistes de Radio France et 9% des salariés de France Télévisions. Mardi après-midi, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés près du Palais Bourbon pour protester contre la réforme.