Interview
Marc-Olivier Fogiel (BFMTV) : "Je ne pense pas que nous ayons sur-médiatisé Eric Zemmour"
Publié le 22 décembre 2021 à 17:44
Par Benjamin Meffre
Le directeur de BFMTV fait le bilan du début de saison de sa chaîne et de sa couverture de la campagne présidentielle.
Bande-annonce de la saison 2021/2022 de BFMTV © François Roelants
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Bilan d'étape. Alors que la campagne présidentielle s'apprête à entrer dans sa phase décisive, puremedias.com fait le point avec Marc-Olivier Fogiel, le directeur de BFMTV. L'occasion de revenir avec lui sur les performances décevantes du nouvel access de la chaîne info du groupe Altice, composé désormais d'Yves Calvi et de Natacha Polony. Marc-Olivier Fogiel est aussi interrogé sur la montée en puissance de CNews, les nombreuses violences visant les journalistes depuis le début de la campagne, ainsi que sur le traitement réservé par sa chaîne entre septembre et décembre à Eric Zemmour.

Propos recueillis par Benjamin Meffre.

puremedias.com : Vous deviez diffuser le feu d'artifices du 31 décembre à Paris. Celui-ci vient d'être annulé pour cause de crise sanitaire par la mairie de Paris. Qu'allez-vous diffuser à la place ?
Marc-Olivier Fogiel : La force de BFMTV, c'est l'adaptation permanente. Nous allons redéployer nos moyens du 31 décembre pour faire vivre cette journée de fêtes au travers d'un multiplex partout en France. Il y aura des endroits festifs et d'autres entrant en forte résonance avec l'actualité de l'année. Perrine Storme sera en plateau avec de nombreux intervenants.

La mairie de Paris va-t-elle vous rembourser les droits de diffusion ?
Ce montant est vraiment très minime et est reporté à l'année prochaine.

L'un de vos chantiers prioritaires cette saison, c'était de renforcer votre access, une tranche sur laquelle CNews domine. Vous avez pour cela recruté Yves Calvi à 19h et Natacha Polony à 20h. Pour l'instant, cela n'a pas permis d'inverser la tendance. Etes-vous déçu ?
Non ! Nous sommes très satisfaits de notre access, qualitativement comme quantitativement. Contrairement à l'interprétation qui a pu être faite, ces changements n'étaient pas du tout une réponse à la programmation particulière de CNews aux mêmes heures. Mon chantier était et est toujours de renforcer toutes les tranches, les unes après les autres, indépendamment de ce que peuvent faire les autres chaînes. Je voulais une offre claire, différenciée et complémentaire. Concernant Yves Calvi, son décryptage de l'actualité est très richement perçu par notre public. C'est ce qui ressort d'une récente étude que nous avons réalisée. Quantitativement, il fait des pointes à plus de 500.000 téléspectateurs, au-delà de ce qu'on pouvait imaginer.

Natacha Polony bénéficie aussi d'études qualitatives dithyrambiques. En termes d'audience, il y a en revanche eu une légère déception au début, c'est vrai, par rapport à nos attentes. Je pense que Natacha était un peu trop noyée au milieu des autres intervenants. Nous l'avons remise au centre du programme, aux côtés d'Aurélie Casse. Cela commence déjà à mieux marcher. Je suis confiant. Je précise d'ailleurs que l'émission s'appellera à partir de la rentrée "Polonews en campagne" (contre "Polonews" jusque-là, ndlr), pour bien marquer l'entrée dans le vif de la course à la présidentielle.

"Le format de CNews n'est pas concurrent du nôtre" Marc-Olivier Fogiel

La puissance de CNews sur cette tranche ne vous inquiète donc pas ?
Non, mon sujet n'est pas ce qu'il se passe ailleurs mais ce qu'il se passe chez nous. Nous cherchons à bâtir une offre cohérente avec l'ADN de BFMTV. L'année dernière, nous avons fait une année historique. Cette année, nous devrions finir au même résultat. Sur 365 jours, BFMTV est leader sur l'ensemble du public 95% du temps. C'est 100% du temps sur les moins de 70 ans. C'est du jamais vu !

Considérez-vous que CNews n'est plus dans le même univers concurrentiel que BFMTV ?
Non, c'est autre chose et je ne le juge pas. On nous réunit sous le même vocable de "chaîne d'information", bien que je ne considère pas que nous fassions la même chose au quotidien.

C'est une chaîne d'opinion plus que d'information selon vous ?
C'est autre chose. C'est un autre format. Il n'est pas concurrent du nôtre, il ne s'adresse pas au même public et ne nous fragilise en aucune manière.

Est-ce que BFMTV ne devient pas le TF1 des chaînes info, à savoir une chaîne prête à abandonner occasionnellement la puissance pour se concentrer sur des cibles plus jeunes, nécessaires à sa bonne marche économique ?
Nous sommes leaders 95% du temps sur les individus de quatre ans et plus. Je ne considère donc pas que nous ayons un problème de puissance ! Si vous visez ces 5%, je vous confirme que ça ne me pose aucun problème. Cela ne fragilise absolument pas le modèle de la chaîne. J'ajoute que nous terminerons l'année avec une part d'audience moyenne située entre 2,8 et 2,9%, 2,9% étant notre record historique. La chaîne est donc en croissance, même s'il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers, bien entendu. Bref, c'est amusant de voir la différence entre la réalité - c'est à dire notre solidité - et certains commentaires totalement hors-sujet.

"Il y avait cinq agents de sécurité avec nos journalistes au meeting d'Eric Zemmour à Villepinte" Marc-Olivier Fogiel

Beaucoup d'observateurs, tous les cinq ans, nous promettent une campagne plus violente que la précédente. Celle de 2022 s'annonce-t-elle selon vous comme la plus violente de l'histoire politique française récente ?
Non, je ne le crois pas. Elle est intense mais cela n'a rien d'inédit. Comme toutes les autres, elle a et aura son lot de nouveautés, de surprises, de moments d'affrontement et de conflit avec les médias. Quand on feint de s'étonner des prises à partie de journalistes dans certains meetings, j'ai le souvenir - et je n'y étais pas - que Marine Le Pen faisait en 2017 huer les journalistes de BFMTV dans ses meetings. Je m'étonne de notre capacité collective à oublier ce qu'il s'est passé...

Comme l'AFP, mettrez-vous en place un dispositif de sécurité particulier pour les meetings d'Eric Zemmour après les violences de Villepinte ?
Nous n'avons pas attendu ce meeting pour protéger nos reporters. Il y avait par exemple cinq agents de sécurité avec nos journalistes à Villepinte. Cela n'a malheureusement pas empêché que certains soient pris dans la bousculade générée par les violences contre les militants de SOS Racisme. Mais oui, cette protection va, hélas, dans le sens de l'Histoire. Il y a de plus en plus de moments tendus où des journalistes sont visés. Nous nous équipons en conséquence. Ces violences ne concernent d'ailleurs pas que les meetings, mais aussi les manifestations. Avoir à protéger ses journalistes est une question qui interpelle...

De plus en plus de candidats, de Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour, fournissent clé en mains les images de leurs meetings aux chaînes. Est-ce que cela ne pose pas un problème pour le libre travail des journalistes ?
Je vous dirais oui si nous ne pouvions pas accéder à ces meetings et y travailler librement, ce qui n'est pas le cas. Cela étant dit, je préférerais en effet que nous puissions filmer ces discours nous-mêmes.

Ne pourrait-on pas imaginer un système de pool, c'est à dire qu'un média est chargé à tour de rôle de filmer le meeting pour les autres ?
En 2017, Hervé Béroud, mon prédécesseur, avait tenté d'initier un mouvement en ce sens mais n'avait pas été suivi. Je préférerais personnellement qu'il y ait un pool. Je rappelle cependant que les images fournies par les candidats sont siglées sur notre antenne et que nous ne nous en contentons pas. Nous montrons aussi ce qu'il se passe sur place. Pour le meeting d'Eric Zemmour par exemple, nous avons pu montrer les échauffourées et les quelques chaises vides, objectivement peu nombreuses. Nous avons aussi créé spécialement pour cette campagne un double-écran permettant de montrer d'un côté le flux du meeting fourni par le candidat, et à côté d'avoir une deuxième source vidéo, éditée par nos soins, avec du texte pour donner de l'info.

Lors du meeting d'Eric Zemmour, les violences contre les militants de SOS Racisme n'ont cependant été montrées sur BFMTV qu'après la fin de son discours. Pourquoi ?
Nous avons estimé que l'information du discours était à date plus importante. C'est notre choix éditorial. Ce qu'il s'est passé autour des militants de SOS Racisme était certes important, mais pas au point d'interrompre le discours.

Diffuser le débat voulu par Marine Le Pen avec Eric Zemmour ? "Nous y travaillons" Marc-Olivier Fogiel

De la même manière, vous assumez d'avoir diffusé en intégralité et en direct son clip de candidature, ce que n'a pas fait LCI par exemple ?
Totalement, à 200% ! C'était un moment politique important. Il faut ensuite veiller à bien le décrypter après sa diffusion, ce que nous avons fait je pense. LCI avait été rappelée à l'ordre par le CSA après la diffusion du discours d'Eric Zemmour au congrès organisé par Marion Maréchal (en septembre 2020, ndlr). Forcément, ce précédent a dû jouer, même inconsciemment, dans leur prise de décision.

Confirmez-vous que vous ne saviez pas, au moment de sa diffusion, ce que contenait cette séquence ?
Non, tout comme nous ne savons pas à l'avance, lorsque nous retransmettons un meeting, ce que vont dire les candidats. C'est notre liberté d'antenne de couper ou non. Nous ne l'avons pas fait pour ce clip car je maintiens qu'il ne le fallait pas. En revanche, il faut encadrer ensuite sa diffusion par de l'analyse et du décryptage.

Vous n'avez pas reçu de plaintes des ayants-droit concernant les images utilisées dans ce clip ?
Non.

Vous demandez-vous parfois si vous n'avez pas sur-médiatisé Eric Zemmour lorsqu'il n'était pas encore candidat ?
Nous nous posons cette question tous les jours. Notre réponse est assez simple : quand demain on racontera la campagne de 2022, on racontera ces mois de septembre à décembre complètement fous où tout a été chamboulé à travers ce "jeu" d'Eric Zemmour avec sa candidature. A BFMTV, nous montrons la réalité à l'instant T. Nous ne créons pas l'actualité. Je ne pense pas que nous ayons sur-médiatisé Eric Zemmour. Nous avons simplement montré à quoi il correspondait à l'instant T, sondages à l'appui. A l'inverse, ceux qui ont fait le choix de commencer la campagne à partir de sa déclaration officielle de candidature, amputent leur récit d'un long moment où il se sera passé plein de choses. Beaucoup d'ailleurs courent aujourd'hui après le train...

Diffuserez-vous l'intégralité des meetings des candidats à la présidentielle, quitte à faire des multiplex ?
Il y aura des multiplex de meetings quand ils se justifieront, notamment grâce à une diffusion de certains sur le numérique. Nous n'allons en revanche pas diffuser tous les meetings. Ce seront des choix éditoriaux au quotidien, en fonction de l'importance de chacun de ces meetings par rapport à l'actualité. Par exemple, nous avons diffusé le récent meeting d'Anne Hidalgo à Perpignan car nous avons estimé que sa demande de primaire à gauche créait un contexte politique le justifiant.

Si Anne Hidalgo parvient à organiser une primaire à gauche, même partielle, seriez-vous candidat à la diffusion d'un éventuel débat entre ses candidats ?
Absolument.

Cherchez-vous à diffuser le débat voulu par Marine Le Pen avec Eric Zemmour ?
Nous y travaillons, oui. Ils disent cependant l'un et l'autre qu'ils ne veulent pas le faire à la télévision mais sous la forme d'une conférence dans une salle publique.

"'Bourdin Direct' sera dotée à partir de janvier d'un format plus long, de 8h30 à 9h30" Marc-Olivier Fogiel

Quels seront les grands formats politiques entre janvier et avril sur BFMTV ?
Nous nous sommes organisés pour couvrir au mieux la campagne avec des émissions dédiées. Il y aura des numéros de "Face à BFM" et de nouvelles émissions présentées par Jean Jacques Bourdin à partir de janvier. Son interview matinale, "Bourdin Direct", sera aussi dotée à partir de janvier d'un format plus long, de 8h30 à 9h30 (contre 9h d'habitude, ndlr), quand il recevra les principaux candidats. N'oublions pas les émissions de Jean-Baptiste Boursier le week-end, mais aussi tout le travail quotidien des éditorialistes à l'antenne, et nos déclinaisons numériques, notamment sur Twitch. Nous proposerons aussi à partir de janvier, des formats plus longs, de 26 ou 52 minutes, créés par une cellule dédiée, sur les coulisses de la campagne. A charge pour nous, en plus de tout cela, de créer l'évènement. Nous avons diffusé le débat qui a lancé la campagne avec Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon en septembre. Nous avons aussi programmé le débat décisif de la primaire écologiste, et un autre avec les candidats Les Républicains. A nous de créer d'autres évènements et de continuer à toucher tous les publics, notamment les plus jeunes, comme nous le faisons. C'est presque une mission de service public d'intéresser les jeunes au débat démocratique.

Peut-on avoir un exemple de format long politique que vous diffuserez sur l'antenne à partir de janvier ?
Le premier, diffusé justement en janvier, posera le cadre de la campagne. C'est un 52 minutes sur "l'enfer des campagnes présidentielles", à travers les témoignages de plusieurs conseillers et stratèges qui ont participé à certaines d'entre-elles. Parmi eux, Sylvain Fort pour Emmanuel Macron, Franck Louvrier pour Nicolas Sarkozy ou encore Patrick Stefanini pour François Fillon.

Est-ce la dernière saison de Jean-Jacques Bourdin à la tête de l'interview matinale de BFMTV ?
La question ne se pose pas aujourd'hui.

Quel sera selon vous LE visage de la politique sur BFMTV ?
Il y en a beaucoup, j'en ai déjà cité certains. Philippe Corbé, notre patron du service politique, s'est imposé au coeur du dispositif éditorial. Preuve en est, plusieurs chaînes concurrentes demandent à pouvoir le suivre dans le cadre de documentaires sur la campagne présidentielle. Je pense que son expérience journalistique riche, en tant que reporter, animateur de tranches d'info, intervieweur ou correspondant aux Etats-Unis pour RTL, lui offre une palette très large. Il n'est pas l'unique figure mais sera indéniablement une des figures majeures de la politique sur BFMTV.

En quoi le travail de vos antennes locales nourrit la couverture de la présidentielle de BFMTV ?
Elles permettent à BFMTV d'être encore plus puissante. Nos antennes locales représentent une force de 200 journalistes partout en France. Ils se déploient naturellement plus rapidement que les équipes nationales de BFMTV. Les remontées d'images sont très efficaces, tout comme les synergies d'antenne, qui se font désormais de manière mécanique. C'est une vraie richesse qui rend BFMTV encore plus robuste.

"Le rapprochement entre Europe 1 et CNews est compréhensible" Marc-Olivier Fogiel

Vous avez débarqué en 2019 à la tête de BFMTV. Diriez-vous que c'est le job le plus dur de votre carrière ?
Ce n'est pas forcément le plus dur mais c'est celui où la déconnexion est la plus rare. J'ai parfois travaillé plus, été plus longtemps derrière mon bureau, mais j'ai rarement pu aussi peu déconnecter. Depuis deux ans et demi, cela m'est impossible !

Vous êtes prêt à rempiler après la présidentielle au vu de cette charge mentale ?
Dans ma vie professionnelle, je ne me suis jamais projeté à plusieurs mois. J'ai toujours décidé à l'instant T. C'est par exemple après une rencontre avec Alexandre Bompard que je me suis décidé à aller à Europe 1. Aujourd'hui, je suis pleinement à BFMTV et je suis content dans ce que je fais. J'écoute évidemment ce que l'on me propose... Pour la suite, on verra.

Comment jugez-vous le rapprochement entre Europe 1 et CNews, selon un modèle qui se rapproche de la stratégie historique de RMC et BFMTV ?
Je le trouve compréhensible. Je ne veux pas parler du fond. Europe 1 est dans l'état d'audience, et donc l'état économique, que l'on connaît. Il y a quelque chose de compréhensible à vouloir mutualiser pour réduire des coûts.

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