Entendre que l'un de ses films a eu une influence sur un meurtrier n'est pas forcément la chose la plus agréable pour un réalisateur. C'est pourtant ce qui est arrivé au Danois Lars Von Trier. Son film Dogville , sorti en 2003 et en compétition officielle au Festival de Cannes cette année-là, est en effet l'un des films favoris d'Anders Behring Breivik, le Norvégien qui a tué 77 personnes le mois dernier.
"J'ai du mal à accepter que Dogville, qui est à mes yeux l'une de mes plus grandes réussites, ait pu lui servir de modèle", a déclaré le réalisateur au journal danois Politiken, selon le New York Magazine. "C'est atroce. Mon intention avec Dogville était justement le contraire. Ce que je voulais faire, c'est demander si un protagoniste peut se venger de tout un village. Mais je prends une distance absolue avec la vengence. Il s'agissait d'un moyen de donner de la nuance au protagoniste et nos propres sentiments afin de montrer que tout n'était pas blanc ou noir".
Sorti en 2003, Dogville raconte l'histoire d'une jeune femme, incarnée par Nicole Kidman, qui arrive dans un petit village où elle demande à se cacher car elle est poursuivie par des malfrats. Les habitants acceptent mais lui demandent de prouver qu'elle mérite de rester et petit à petit, leurs exigences se font de plus en plus importantes.
Maltraitée, violée à plusieurs reprises, l'héroïne est finalement livrée aux gangsters mais il s'avère qu'elle était la fille de leur leader et qu'elle avait fui parce qu'elle ne supportait pas ses méthodes. Elle retrouve donc son père et réalise qu'elle a laissé tout le village la traiter comme elle n'aurait jamais pu traiter personne et se rend compte de son hypocrisie. Elle fait alors exécuter tout le village.
A l'époque, le film avait surtout fait parler de lui pour sa mise en scène originale, puisque Lars Von Trier avait opté pour des décors minimalistes. Seuls quelques objets étaient mis en avant sur une sorte de scène géante, noire, où les bâtiments étaient représentés par des traits tracés à la craie. Certains y voyaient cependant une critique de l'Amérique tandis que le réalisateur expliquait seulement avoir voulu montrer que le mal pouvait surgir partout, si les circonstances étaient au rendez-vous.
"La dernière scène du film a des similitudes terribles avec Utoeya", affirme Lars Von Trier, en référence à la petite île où Breivik a ouvert le feu et tué 69 personnes, après l'attentat qui avait touché Oslo un peu plus tôt. "Si vous me demandez si je regrette d'avoir fait ce film, oui, s'il a inspiré (le meurtrier), alors je regrette de l'avoir fait", ajoute le réalisateur.