Mouloud Achour de retour sur le web. Bien accueillie sur les réseaux sociaux, son émission "Clique", qui n'avait pas rencontré le succès escompté à la télévision, a désormais son site dédié accessible depuis l'adresse Clique.tv. "Un véritable média" pour le journaliste de Canal+. Entretien.
Propos recueillis par Julien Bellver.
"Clique" était une émission de télévision, elle se retrouve sur le web. Ca change quoi ?
Tout ! Pour l'instant, on a un documentaire réalisé par Kim Chapiron, c'est notre première vidéo tournée à Istanbul. L'idée est de provoquer une rencontre entre un réalisateur de cinéma et moi pour raconter une ville avec ses acteurs culturels. Sur Clique.tv, il y aussi des articles au long format, des portraits, des enquêtes, des témoignages, de l'actu.
Pourquoi "Clique" s'est arrêtée sur Canal+ ?
Pour un problème de budget, on n'avait pas ce qu'on voulait pour en faire une saison supplémentaire. Avec notre petit budget, on a quand même réussi à faire pas mal de choses, ce qui nous a permis d'avoir une très grosse audience en replay. Il fallait aller chercher le public là où il se trouvait, il n'est pas le samedi devant la télé, même devant la télévision en général. On touche des gens qui ne font plus la différence entre les écrans. On vise un public qui en a marre qu'on lui impose une info, un public qui veut la choisir lui-même. Ca s'appelle "Clique", parce que c'est le geste qu'on fait le plus dans la vie.
Internet permet de produire mieux pour moins cher ?
Maxime Saada (Directeur général adjoint de Canal+, ndlr) a fait un pari, celui de lancer une vraie chaîne, un vrai média. Pour lui, c'est le projet le plus ambitieux de la rentrée digitale de Canal+. On veut ramener l'esprit Canal sur le web. Un petit budget de télé devient un budget sympa sur le web.
Quelles différences avec un portail d'actu traditionnel ?
Nos contenus sont toujours très longs. Les vidéos, ce sont des documentaires. Dans les portraits avec les personnalités, je vais passer 24 heures avec elles. On essaye de casser les codes de narration de la télévision et du web. Sur le web, on est habitués à des vidéos LOL de trois ou quatre minutes, nous on propose du vrai contenu éditorial enrichi, avec une vocation internationale, tout est en anglais.
Vous avez un objectif d'audience ?
On a dépassé les 100.000 vues sur un contenu de plus de 30 minutes en seulement une semaine, je crois que Canal+ est déjà contente du lancement. On a des retours assez inattendus, comme les gars du Tribeca Film Festival qui veulent reprendre notre sujet sur leur site. C'est un objet qui a été conçu comme ça, la télévision et le cinéma se rencontrent sur le web pour du contenu premium. Internet est le média convergent absolu.
Les sujets de Clique.tv pourraient être diffusés sur Canal+?
L'écriture est tellement barrée et spéciale que nos sujets ont plus vocation à voyager qu'à se retrouver sur Canal+. On a beaucoup parlé des 30 ans de Canal+, il y a un "ce sera mieux après" qui se prépare avec Clique.tv.
L'antenne te manque ?
Sincèrement, je n'ai jamais autant tourné que depuis cette rentrée. Istanbul, ça a été un travail fou. Je n'avais pas pris autant de plaisir depuis très longtemps. Ca me rappelle mes débuts quand j'étais à "La matinale" de Canal.
On ne te verra plus à l'antenne sur Canal+?
A part les docs, il y a des choses que j'aimerais faire avec "Le Petit Journal" ou "Le Supplément" mais pas pour maintenant car Clique.tv me prend du temps. Mais j'ai toujours de l'affinité avec l'antenne de Canal+. On discute pas mal avec Maxime Saada sur ce qu'on fera plus tard, en septembre. Avec notre société de production, "Première fois", on va produire des docs de seconde partie de soirée. On a des projets avec Aïda Touihri, on produit des choses avec Jean Imbert.
Le net, c'est le nouveau placard de la télé ?
Non. C'est une petite renaissance, je n'ai jamais autant kiffé tourner, et je crois que ça se sent. Si on arrive à injecter de l'esprit Canal+ dans différents pays, notamment sur notre façon française de faire de l'info, c'est gagné. On est toujours obsédés par les codes américains, on copie les talk shows américains alors qu'en France on a une vraie façon de faire du journalisme, de traiter l'info.
La philosophie de Clique.tv s'inspire-t-elle de celle de Vice ?
Non. On est dans une démarche positive, pour fédérer les gens, on n'a pas de fascination pour le ghetto, la guerre ou les histoires sordides. Si on va faire un reportage au Mali, on aura un regard différent.
"Clique" n'est pas la seule marque à ressusciter sur le web. "Taratata", "Arrêt sur images", "Des mots de minuit", ont eu des secondes vies sur le web.
"Taratata", c'est une institution. Nous, on a voulu faire sur le web l'inverse de ce qu'on a fait à la télévision. On a souffert de devoir fournir "Clique" pour la télévision avec le budget qu'on avait. Je pense qu'on n'aurait jamais dû mettre "Clique" à la télévision mais la démarrer directement sur le web pour en faire après une émission. C'est tellement dur d'imposer de nouveaux formats à la télé qu'Internet devrait servir à ça. Fédérer des communautés qui peuvent après se transformer en audience à la télé.