Presse
Nicolas Beytout : "'L'Opinion' va bien dans un univers difficile"
Publié le 5 juin 2015 à 14:55
Par Benjamin Meffre
Deux ans après son lancement, puremedias.com a pris des nouvelles du quotidien dirigé par Nicolas Beytout.
Nicolas Beytout, le patron de "L'Opinion" Nicolas Beytout, le patron de "L'Opinion"© Abaca
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"L'Opinion" souffle sa deuxième bougie. Lancé en mai 2013 par Nicolas Beytout, le quotidien "libéral, pro-business et pro-européen" voulait faire mentir les cassandres prédisant la fin de la presse quotidienne. Deux ans après, le journal est toujours là. Une première victoire que puremedias.com a demandé à Nicolas Beytout, directeur de la publication, et à Christophe Chenut, directeur général, de commenter.

"On a encore une marge de progression"

puremedias.com : Comment va "L'Opinion" ?
Nicolas Beytout (NB) :
Bien... dans un univers difficile. Bien dans l'absolu parce qu'on a passé deux ans à progresser, avec un vrai succès par rapport à notre business plan. Bien sûr, des choses ont mieux marché que prévu et d'autres moins bien. Mais globalement, le journal se porte bien. Ce nouveau média existe et a pris une petite part de voix dans ce marché de l'influence que nous visions. Et bien, enfin, parce qu'on a encore une marge de progression et qu'on sait à peu près comment on va y arriver.

Quel est le niveau de diffusion du journal aujourd'hui ?
Christophe Chenut (CC) :
Nous, notre sujet ne se mesure pas exactement comme ça. Le journal papier est diffusé à 35.000 exemplaires. D'une certaine manière, ce chiffre est à la fois pour nous un maximum et un minimum. Il nous sert à régler la diffusion qualifiée (les numéros distribués aux hôtels ou aux compagnies aériennes à des tarifs préférentiels, ndlr). Ce chiffre ne va pas rester immobile mais va a priori peu bouger. C'est d'ailleurs à peu près le même depuis le lancement du journal. Quant à notre audience web, elle est de l'ordre de 720.000 visiteurs uniques par mois. Nous sommes sur un modèle payant, avec un site à 75% fermé. Ces chiffres web sont donc une bonne performance pour nous.

NB : Au départ, on avait quelques obsessions dont une qui était de dire que l'Internet c'est l'audience, le papier c'est l'influence. On s'était donc dit qu'il fallait absolument coupler papier et numérique dans nos abonnements pour établir au plus vite la place du papier. Au bout de 18 mois, on s'est rendu compte que le papier nous freinait. On avait atteint très vite une notoriété forte de la marque et au fond, cette fonction du papier "installateur de la notoriété" était moins essentielle. On a donc compris qu'on pouvait partir vers cette accélération du numérique et relâcher ce dogme du couplage.

"On sait qu'on doit être un site internet avec une extension papier"

Vous avez l'habitude de dire que vous êtes un site internet avec une extension papier. Jusqu'à présent, on a davantage l'impression que vous êtes un journal papier avec une extension web...
NB :
C'est vrai. Le papier a été le fait marquant de cette création de "L'Opinion" et l'instrument d'installation de notre influence. Quand on regarde le nombre de citations dans les revues presse des autres médias, on voit bien qu'avoir un quotidien de presse papier fait qu'on est repris. Le papier a permis d'installer notre influence et nous a aussi permis de réunir une rédaction exceptionnelle par rapport à ce qu'aurait permis un pure player. Il y a plein de gens qui sont venus ici parce qu'il y avait du papier. Le papier a aussi fini par imposer son biorythme. Notre journée, notre raisonnement, notre travail, notre quotidien se sont organisés autour du papier.

Ca va changer ?
NB :
Ca va changer. On sait qu'on doit être un site internet avec une extension papier. On a lancé un chantier qui doit aboutir à l'automne. Il s'agit d'une nouvelle organisation qui va vraiment changer les choses. On va désormais produire de l'information numérique qui sera extraite vers un journal papier. Donc on aura bien un univers digital avec une extraction pour le papier.

CC : Pour ce faire, on a investi dans un système nouveau. Très bientôt, les journalistes feront leurs papiers pour le web avec des photos de la vidéo, des liens etc... Et le système va automatiquement, si on le décide, retraiter l'article pour le mettre au format papier. Les journalistes n'auront ainsi plus à se soucier du support pour lequel ils écrivent.

Sur le web payant, on dit souvent que les scoops font le succès, sur le modèle de "Médiapart". L'Opinion en sort-il suffisamment ?
NB :
Le modèle de "Médiapart" est très différent car ils ne suivent pas l'actualité. Ils créent leur actualité. C'est du moins leur ambition. Nous, on sort des scoops, pas aussi fracassants, mais on en sort. Le scoop, c'est le produit d'appel. La promesse faite à nos lecteurs sur le long terme, c'est qu'avec nous, ils auront un angle, une analyse, une vision orientée de l'actualité. Une vision que soit vous aimez, soit vous n'aimez pas mais que vous devez connaître parce que votre métier est en lien avec ça.

Ne pensez-vous pas qu'il manque malgré tout à "L'Opinion" une grosse affaire qui pourrait l'installer définitivement ?
CC :
Ca ne ferait pas de mal. Tant mieux si on en a mais ce n'est pas là-dessus que le développement de "L'Opinion" se fera. Ca sera sur le fond, la crédibilité, l'analyse, le comportement libéral, pro-business. C'est là-dessus que l'on bâtit.

"Nous, on veut faire différent"

Vous dites souvent qu'Internet est un levier d'audience. En même temps, vous refusez de faire de la reprise de vidéos extérieures qui pourraient justement créer de l'audience. N'y a-t-il pas une petite contradiction ?
Nous, on veut faire différent. On ne pense pas faire venir les gens en leur offrant la même chose que d'autres. Notre seule chance d'émerger, c'est de produire des contenus différents. Selon moi, le seul moyen de faire payer de l'information et donc de rémunérer une rédaction importante, expérimentée, chère, c'est soit de faire un média spécialisé, soit de faire un journal engagé qui s'adresse à une communauté précise.

Pourquoi alors ne pas proposer des formats vidéo véritablement différents ?
NB :
C'est en effet un sujet où l'on est en retard de différentiation.

Pourquoi avoir refusé de révéler les noms de vos actionnaires qui ont depuis été en partie dévoilés dans la presse ?
NB : Cela ne venait pas de nous. Certains investisseurs travaillant notamment avec des collectivités locales n'avaient pas envie d'assumer le côté engagé du journal et préféraient rester anonymes.

La fin de la version papier de "Métro" vous renforce-t-elle dans votre conviction que l'avenir de la presse passe par le payant ?
NB :
Clairement oui. Pour nous, c'est aveuglant.

Il n'y a pas d'avenir pour la presse gratuite selon vous ?
CC :
La publicité ne peut pas tout financer surtout dans des périodes plus difficiles économiquement. Il y a de plus en plus de médias financés par la publicité, qu'il s'agisse de la radio, de la télé, d'Internet, des journaux papiers. Les annonceurs n'ont pas des budgets infinis. Donc, il y a des morts. Il y a peut-être de la place pour des journaux gratuits en France mais certainement pas trois.

NB : Il y a peut-être de l'avenir pour la presse gratuite. Il ne faut pas être péremptoire ni donneur de leçons. Mais la presse qui dit la même chose que les autres et qui prétend faire payer n'a aucune chance d'y arriver. Une pressse qui dit ce qu'on ne trouve pas ailleurs car elle est technique ou très spécialisée a une chance de faire payer. Une presse qui dit des choses qui sont contrariantes par rapport à une espèce de bien-pensance dominante a une chance de faire payer. Si c'est pour dire la même chose que les autres avec juste une forme, des couleurs différentes, des photos qui sont plus belles, bonne chance.

À propos de
Nicolas Beytout
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