Adele était samedi soir "l'évènement" des NRJ Music Awards 2015 pour au moins deux raisons. La star faisait tout d'abord sa première apparition à la télévision depuis la cérémonie des Oscars, en 2013 ! Elle livrait aussi en exclusivité mondiale, la première interprétation live de son dernier single, "Hello". Une performance enregistrée à Cannes la veille de la cérémonie, le vendredi, devant quelques centaines de privilégiés.
Les fans de la chanteuse qui n'en faisaient pas partie ne devaient pas rater le passage de leur idole samedi soir sur TF1. Dès le lendemain, il était en effet particulièrement difficile de trouver la vidéo de la prestation de la star sur Internet. Cette dernière était ainsi introuvable sur le site de TF1 et celui des NRJ Music Awards. Sur les plateformes vidéo comme YouTube ou Viméo, aucune trace de la séquence sur les comptes officiels du diffuseur, des organisateurs, ou de la chanteuse.
Quant aux versions postées sur des comptes non-officiels, elles étaient toutes rapidement supprimées. Le seul moyen d'apercevoir la performance de la star était ainsi de visionner le replay intégral de l'émission ou de se rendre sur quelques sites ayant aspiré sauvagement la séquence, avant de devoir rapidement la retirer.
Cette discrétion digitale semble très étonnante pour une séquence exclusive qui aurait logiquement dû être massivement mise en avant. Elle est en fait le résultat d'une bataille que se livrent en coulisses TF1 et les maisons de disques alliées au management des artistes pour le contrôle des droits d'exploitation des vidéos sur Internet. Comme d'autres secteurs, l'industrie musicale adapte son modèle économique aux nouvelles sources de revenus, dont les vidéos constituent une part de plus en plus importante. A titre d'exemple, le clip de "Hello" a déjà été vu près de 300 millions de fois sur le compte YouTube officiel d'Adele en à peine 18 jours.
Dans le cas des NMA 2015, l'absence du live d'Adele sur Internet ne découlerait pas d'une demande de Beggars Group France, l'antenne française de son label. Contactée par puremedias.com, cette dernière met davantage en avant une demande du management de l'artiste. Une version confirmée par Jacques Grimal, le coordinateur des NRJ Music Awards. Conservant les droits sur le replay intégral de la soirée, TF1 a dû en revanche abandonner ceux sur la seule performance d'Adele.
La vidéo du live de l'artiste sera ainsi bientôt exploitée sur les comptes vidéo officiels d'Adele, "mercredi au plus tard" selon Beggars Group France. TF1 a donc accepté de faire une croix sur les revenus publicitaires que générera cette prestation en échange de la très grande visibilité offerte aux NRJ Music Awards par le compte YouTube de l'artiste notamment, crédité à lui tout seul de 7 millions d'abonnés.
Le "cas Adele" n'est pas isolé. "Les droits d'exploitation vidéo post-cérémonie ont fait l'objet d'un bras de fer entre Universal et TF1/NRJ la semaine précédant la cérémonie", révèle ainsi Jacques Grimal. Comme d'autres, la major souhaite avoir la main sur les droits d'exploitation vidéo de ses artistes lors de ce genre de cérémonie. Défendant ses intérêts dans cette affaire, la chaîne TF1, producteur des images, s'oppose logiquement à une telle issue, soutenue dans cette démarche par NRJ. On en est donc resté cette année au "statu quo" avec une exploitation par TF1 du simple replay de l'émission. Comme pour Adele, les prestations isolées des artistes Universal demeurent en revanche quasiment introuvables sur Internet. C'est le cas pour celle de Justin Bieber.
Ces problèmes de droits vidéo restent pour l'instant gérés au cas par cas. Contrairement à Universal, Warner a ainsi accepté que les performances aux NRJ Music Awards de ses artistes comme Jason Derulo ou Ed Sheeran soient disponibles sur les sites de TF1 et des NRJ Music Awards. Pour l'instant... "Tous les ans, on rediscute des droits avec les maisons de disques", confie Jacques Grimal, estimant qu'une discussion avec Warner sur ce sujet n'était pas à exclure dans les mois à venir.
Le débat se poursuivra de toute façon tant que diffuseurs, maisons de disques et artistes n'auront pas trouvé un accord de principe satisfaisant les intérêts de chacun. "Nous sommes pour l'instant dans l'exploration d'une économie des médias en pleine mutation", constate à raison le coordinateur des NRJ Music Awards.