L'avant der des ders. Ce soir, Patrick Sébastien présentera l'avant-dernier numéro du "Plus grand cabaret du monde" sur France 2, son émission qu'il produit depuis 1998 via sa société Magic TV. Evincé de France 2 en octobre dernier après une interview accordée à "Télé Star", Patrick Sébastien a accepté pour la première fois de se confier à puremedias.com. L'occasion pour lui d'évoquer ses dernières émissions diffusées sur France 2, son départ de la chaîne publique, la crise des Gilets jaunes, mais aussi son avenir professionnel. Celui qui se produit actuellement sur scène avec son spectacle "Avant que j'oublie ! (ce que je n'ai jamais pu dire à la télé)" s'est livré à une discussion à bâtons rompus et sans faux-semblants.
Propos recueillis par Benjamin Meffre et Kevin Boucher.
Trois mois après avoir été viré de France 2, comment allez-vous ?
Très bien ! Je suis tellement heureux d'être sur scène. J'ai le blues de quitter mes potes du "Cabaret" et des "Années bonheur" mais je vais parfaitement bien. Je ne me suis jamais senti aussi libéré. Je n'ai pas de rancune.
Que verra-t-on dans le numéro du "Plus grand cabaret" diffusé ce soir ?
Je suis obligé de faire des émissions intemporelles, ne sachant pas à l'avance quand elles seront diffusées. Pour celui de ce soir j'ai invité des acteurs de séries (Agustín Galiana, Catherine Marchal, Lola Marois-Bigard, Thibault de Montalembert, Marie Fugain..., ndlr). Pour celui d'après, des animateurs. Les émissions seront sympas mais ce seront les dernières. J'ai aussi enregistré cette semaine l'avant-dernière des "Années bonheur" avec Gims, Ofenbach et Paul Young... Les vieux et les jeunes quoi. Et j'enregistre la dernière des "Années bonheur" mardi prochain. Mardi, je sortirai définitivement de la télé...
Après la diffusion de ce soir, il vous restera donc trois émissions sur France 2 ?
Patrick Sébastien : Oui, cette année, ils ne m'avaient laissé que deux numéros du "Plus grand cabaret" et deux des "Années bonheur". Les deux numéros du "Cabaret" devaient initialement passer en mars et en mai mais ils ont décidé de diffuser le premier ce samedi et de me mettre en face de la première de "The Voice", comme ils avaient décidé la dernière fois de me mettre en face de "Miss France" (avec un numéro des "Années bonheur", ndlr). Tout est fait visiblement pour que ça ne marche pas... La seule chose qu'ils n'ont pas pu changer, c'est l'émission du 31 décembre du "Grand cabaret sur son 31". Ca, ils n'ont pas pu la passer le 3 (rires). On a quand même fait ce soir-là lui la plus grosse part de marché de la saison en prime sur la chaîne (27,1% de PDA, 3,78 millions de téléspectateurs en audience veille, ndlr) !
"Dans les gens qui m'aiment bien, 90% sont Gilets jaunes !"
Comment appréhendez-vous ce dernier enregistrement pour France 2 de mardi ?
Ce qui va nous faire drôle mardi, c'est que ce sera la dernière fois qu'on ira en studio. C'est chiant pour toutes mes équipes, mes danseurs, les musiciens. Je suis partagé. Je ressens de la frustration parce que je pense qu'on aurait pu continuer à faire quatre "Cabarets" et quatre "Années bonheurs" par an. Ca n'aurait pas plomber le service public et il y a des gens qui aiment ça, comme nos bonnes audiences le prouvent. Malgré la grosse concurrence qu'ils nous mettent, on est aux alentours de 2 à 2,5 millions de téléspectateurs, soit autant de gens qui ont envie que cela continue. Et il y a trois personnes qui ne veulent pas que cela continue... On ne peut rien y faire et c'est à l'image de ce qui se passe dans le pays. I
N'y a-t-il pas un énorme paradoxe à ce que vous quittiez maintenant la télévision alors qu'avec la crise des Gilets jaunes, on n'a jamais autant entendu dans les médias la France que vous défendez depuis toujours ?
Si. Vous savez, dans les gens qui m'aiment bien, qui me suivent depuis 30 ans, 90% sont Gilets jaunes ! Moi, ça fait dix ans que j'annonce ce qu'il se passe aujourd'hui. Quand j'ai fait le "D.A.R.D (mouvement politique lancé en 2010, ndlr), tout le monde m'est tombé sur la gueule. Toute cette caste de banquiers, de hauts-fonctionnaires, de mecs de médias, qui dirigent tout...
Je savais que ça (la crise des Gilets jaunes, ndlr) allait se passer et ce n'est que le début. Ce que vivent les gens au quotidien, ce mépris, ce manque de considération... En bloquant les voitures à un rond-point, ils ont enfin un pouvoir alors qu'on leur disait depuis des années qu'ils n'existaient pas. On les a pris pour des merdes. A un moment, c'est la révolte. C'est ce qu'il s'est passé en Italie avec Beppe Grillo (un humoriste père fondateur du mouvement Cinq étoiles, actuellement au pouvoir en Italie, ndlr), que je connais depuis longtemps.
Soyons clair tout de suite, vous ne serez pas le Beppe Grillo français ?
Non. Pour faire ce genre de révoltes, comme je l'avais écrit dans mon bouquin ("Une révolte pas une révolution (D.A.R.D)", ndlr), il faut ne pas avoir de famille. C'est trop dangereux. Moi, j'ai des enfants. Le D.A.R.D, j'ai arrêté parce que ça devenait dangereux pour les autres, pas pour moi. Tu as affaire à des fous. Tu as surtout affaire à des gens qui ont des privilèges et qui n'ont pas envie qu'on les leur enlève. Je ne serai donc pas le prochain Beppe Grillo mais je sais ce qu'il va se passer...
"J'ai parlé avec le président Macron pendant la crise des Gilets jaunes"
Qu'est-ce qu'il va donc se passer ?
Je pense que ce que nous vivons aujourd'hui est de la rigolade. Je pense que ça peut glisser dans beaucoup plus de violence. Ou pire : voir arriver un type extrême, un peu plus intelligent que les autres, et qui va prendre le pouvoir comme au Brésil. Au Brésil, c'est parti du prix des autobus qui étaient trop chers pour la Coupe du monde. C'est parti de là. Aujourd'hui, c'est un mec d'extrême-droite qui commande...
Est-ce que vous alertez sur ces sujets le président Macron avec lequel vous affirmez échanger régulièrement ?
Je ne l'ai pas alerté, j'ai parlé avec lui.
Est-ce qu'il vous a demandé des conseils pendant la crise des Gilets jaunes ?
J'ai toujours eu des rapports avec les présidents. Je ne me suis jamais mis devant mais j'ai toujours aimé depuis Chirac - qui en l'occurrence est mon ami - donner mon avis tout à fait discrètement. Si je peux faire quelque chose pour les gens de la condition d'où je viens. C'est vrai que les présidents ont aussi tendance à faire appel à moi parce qu'ils savent que je suis proche d'une certaine catégorie de gens. Après, je ne prétends pas influer sur leurs décisions, attention.
"Des grosses sociétés de production voulaient mes cases sur France 2"
Revenons à la télévision, que va devenir votre société de production après la fin de votre contrat avec France 2 ?
Je ne sais pas. Moi, j'avais ma petite société et mes quelques primes. Ce n'était pas excessif mais des grosses sociétés qui ont déjà plein de primes voulaient visiblement aussi mes cases. Ils sont allés jusqu'à me flinguer moi. Il y a des producteurs qui ont tout fait pour me faire virer pour refaire bientôt, j'en suis sûr, "Le plus grand cabaret", mais d'une autre manière.
On est obligé de vous demander à qui vous faites référence...
Je ne sais pas. Il va falloir attendre de voir l'émission qui ressemble au "Cabaret" et on aura le nom des enculés (rires). Moi j'avais au départ 17 primes. C'est passé à 11, puis ça a baissé jusqu'à 4 et puis plus rien. Et pour mettre quoi à la place ? Pour mettre Nagui, Ruquier, et même des documentaires de la BBC... Et si toutes ces émissions avaient mieux marché, pourquoi pas à la limite. Mais même pas ! Regardez "Destination Eurovision" ! Ils ont fait une promo d'enfer et ils ont fait 1,5 à 2 millions de téléspectateurs... Si tu devais enlever toutes les émissions qui ne font pas 2,5 millions de téléspectateurs en prime sur France 2, tu en ferais tomber un paquet !
Quelles raisons vous a données France 2 pour justifier sa décision de vous évincer ?
Il n'y a pas eu de justifications. On ne m'a pas dit : "On te vire pour telle ou telle raison". D'ailleurs, on ne m'a pas dit : "On te vire" (rires).
"Je n'en veux pas à Delphine Ernotte"
Vous n'avez toujours pas eu le moindre échange avec la direction de France Télévisions ?
Je n'ai eu personne. Pas un message. C'est quand même extraordinaire après 23 ans de boulot sur une chaîne à laquelle j'ai quand même apporté plein de choses ! Delphine Ernotte, je l'ai vu 10 minutes en quatre ans, quand elle est arrivée en poste (en 2015, ndlr). Les anciens présidents, Patrick de Carolis ou Rémy Pflimlin, je les voyais plus régulièrement. J'ai dû les voir ou les avoir au téléphone 10 à 15 fois en quatre ans.
Que vous a dit Delphine Ernotte quand elle vous a vu lors de cette unique entrevue ?
Rien. Elle ne savait pas que j'avais fait "Le grand bluff"... C'est quand même le record d'audience de l'histoire de la télé... Mais je ne lui en veux pas à elle. Elle est là pour assainir le service public, comme je le disais chez Thierry Ardisson (en octobre dernier dans "Les terriens du samedi" sur C8, ndlr)
Votre départ est sa décision selon vous ?
Je ne sais pas. On ne m'a rien dit. Moi, j'ai toujours été le caillou dans la chaussure de beaucoup de gens... Mais il faudrait quand même qu'il m'explique ce qu'il me reproche. Parce qu'à part le fait d'être vieux...
Est-ce que vous n'avez pas quand même une part de responsabilité dans votre départ brutal de France 2. Bruno Patino, votre précédent patron à France Télé, disait il y a plusieurs années déjà que vous meniez la vie impossible à vos dirigeants...
Oui, mais avec Bruno Patino, j'avais un client en face de moi. J'avais un vrai mec. Il m'a d'ailleurs envoyé un message quand j'ai été viré. C'est vrai que je suis dur à gérer. Je suis un artiste. Je ne suis pas un commerçant. Je vais dépenser à un moment plein d'argent pour faire venir un mec du bout du monde pour faire plaisir aux gens. Je suis difficile à gérer car j'ai des états d'âme d'artiste. Quand on me dit : "Ton émission, ça serait mieux si tu avais quatre musiciens en moins et quatre danseuses en moins". Non ! Humainement, ça me casse les couilles ! J'ai envie de garder mes gars. J'ai fait bosser un paquet de gens avec ces émissions. J'ai découvert un paquet d'artistes aussi si tu prends Albert Dupontel, Jean Dujardin, Dany Boon, Nicolas Canteloup, Jeff Panacloc... Il y a donc une injustice dans le fait de se faire virer. Maintenant, ils ne sont là que pour un an...
La suite de l'interview est à découvrir dans une deuxième partie publiée sur puremedias.com demain...