Une interview réalisée dans "un contexte très particulier". C'est ainsi que Jérôme Cazadieu, le directeur de la rédaction de "L'Equipe", a qualifié ce matin sur France Info l'entretien accordé en exclusivité à son journal par Peng Shuai, joueuse de tennis chinoise dont le sort préoccupe la planète depuis plusieurs semaines. La sportive a brutalement disparu le 2 novembre dernier après avoir publié un message sur Weibo, un réseau social chinois. Dans celui-ci, supprimé au bout d'une demi-heure, elle accusait l'ancien vice-Premier ministre Zhang Gaoli de l'avoir violée il y a trois ans.
"Nous avons rencontré Peng Shuai", titre aujourd'hui en Une "L'Equipe", précisant que la joueuse s'exprime "pour la première fois dans un média international et indépendant". Dans une longue introduction, le journal sportif dévoile les conditions dans lesquelles cette interview a été réalisée le 6 février, dans un hôtel de Pékin. Le comité olympique chinois a ainsi exigé que Peng Shuai "s'exprime en chinois, qu'on lui soumette les questions en amont et que l'interview soit publiée sans commentaire", décrivent les reporters Sophie Dorgan et Marc Ventouillac. Ces derniers précisent avoir toutefois pu poser des questions supplémentaires, et que l'interview n'a pas été relue par les autorités chinoises, dont deux représentants étaient cependant présents lors de l'enregistrement.
Dans cette interview à "L'Equipe", Peng Shuai a tenté de balayer les inquiétudes que son sort a pu susciter, évoquant un "énorme malentendu". "Je n'ai jamais disparu", a-t-elle ainsi affirmé à "L'Equipe", ajoutant aussi n'avoir "jamais dit que quiconque (lui) avait fait subir une quelconque agression sexuelle". Sa vie depuis le 2 novembre n'aurait par ailleurs "rien de spécial" et c'est elle qui aurait supprimé son message sur Weibo, tout simplement parce qu'elle en avait "envie". Des propos qui n'ont pas manqué de faire réagir la planète sport. Dans un article publié aujourd'hui, le correspondant de la BBC en Chine, Stephen McDonell, écrit par exemple que "L'Équipe" "s'est livré à un exercice de propagande autant qu'à une interview".
Interrogé par Marc Fauvelle aujourd'hui sur France Info, Jérôme Cazadieu a défendu la démarche de son journal. Reconnaissant que Peng Shuai n'était "pas libre de sa parole et de ses mouvements", il a expliqué que "le but de cet entretien était de la rencontrer, de manifester le fait qu'on ne l'avait pas oubliée. On voulait la voir et voir dans quel état elle était", a-t-il assuré.
Le directeur de la rédaction de "L'Equipe" a expliqué ensuite que la championne avait répondu de "manière robotique" aux questions sur "l'affaire". "On ne s'attendait pas à ce qu'elle nous dise, en Chine, encadrée par des officiels chinois, qu'elle avait été agressée sexuellement. Il faut essayer d'aller au-delà des réponses qu'elle donne sur cette affaire, essayer de voir dans l'interstice", a-t-il préconisé, invitant à lire certains messages subliminaux distillées dans l'interview par la championne. Et de conclure : "Il ne faut pas que dans trois mois, elle passe à l'oubli. C'est le rôle des médias et des institutions sportives mondiales de ne pas l'abandonner". puremedias.com vous propose de découvrir un extrait de l'interview de Jérôme Cazadieu sur France Info.