
C’est le documentaire du moment qui secoue l'opinion publique. Sortie sur Netflix, le 27 mars dernier, la mini-série documentaire "De rockstar à tueur : le cas Cantat" revient sur le traitement médiatique du féminicide de l’actrice Marie Trintignant, en 2003, perpétré par les coups du chanteur du groupe Noir Désir. À travers plusieurs témoignages inédits, dont celui bouleversant de Lio, les trois épisodes exposent la mansuétude dont a bénéficié l'artiste, de la part de ses proches, de l’industrie musicale mais aussi des médias. La co-réalisatrice Anne-Sophie Jahn assume totalement ce travail à charge, mais "contre la société" et "sa prise de conscience tardive sur les violences conjugales". Elle et ses collègues auraient bien voulu recueillir les avis des ex-membres du groupe de rockeurs sur ce qui était qualifié à l'époque de "crime passionnel" et les a d'ailleurs contactés. Mais aucun d'entre eux n'a souhaité répondre à ses sollicitations, selon un pacte scellé par tous, bien avant la mise en ligne du film.
Le batteur du quatuor, Denis Barthe, s’en était expliqué dans les colonnes du "Parisien" en février 2024, parlant de "sujet un peu empoisonné". "On n’était pas demandeurs mais pas réfractaires non plus à cette idée. Nous avons rencontré Capa et avons dit que nous étions prêts à participer, avec le staff de l’époque, sans rien omettre de notre histoire, comment on a vécu Vilnius (où Marie Trintignant est morte, ndlr), la séparation, où nous nous en sommes aujourd’hui, mais avec un droit de regard…" expliquait le musicien, avant de révéler que la bande, en désaccord avec l’angle choisi par les équipes, avait choisi de décliner l’invitation. "Seulement, ils voulaient faire un doc sociétal avec deux tiers de fait divers et un tiers de musique. À charge. Alors on leur a dit non. Et personne autour de nous ne leur parlera. C’est une famille, Noir Désir", s'est-il défendu.
Aucun des membres de Noir Désir n'a souhaité briser l'omerta autour de Bertrand Cantat, décrite par la journaliste dans un entretien accordé au magazine "Elle". "À Bordeaux, le chanteur a toujours un statut d'icône intouchable. Son entourage artistique, sa famille forment un clan qui fait front", confie-t-elle, prenant l'exemple du témoignage de Pascal Nègre, directeur d'Universal Music France entre 1998 et 2016, qui "parle encore d'un 'accident' et "refuse de commenter 'la vie privée'" de son ex-protégé.
En tout début de semaine, le guitariste et compositeur Serge Teyssot-Gay avait néanmoins brisé le silence lors d'une rare prise de parole sur son compte Facebook. "Puisqu'on me re-re-somme de m'exprimer, voilà un de mes posts de 2017 qui reprend un communiqué de 2010. Et donc ça fait 15 ans", s'était agacé le musicien, repartageant sa publication de l'époque. Il avait ainsi écrit en 2010 sur cette affaire de féminicide qui avait entraîné son départ de la bande de rockeurs bordelais : "Je fais part de ma décision de ne pas reprendre avec Noir Désir, pour désaccords émotionnels, humains, et musicaux avec Bertrand Cantat, rajoutés au sentiment d’indécence qui caractérise la situation du groupe depuis plusieurs années. Bonne journée je repars composer de la musique. PS : Les trolls et leurs commentaires seront supprimés par l’administrateur qui prend les commandes dès maintenant, je ne les verrai pas", avait-il écrit en 2010. Sept ans plus tard, il ne regrette rien, son avis n'ayant pas changé d'un iota. "Je ne rajoute ni n’en retranche rien. Et ne prendrai plus la parole à ce sujet, inutile de me solliciter", précisait l'un des membres fondateurs de Noir Désir.