Le torchon brûle à "L'Express". Après avoir racheté le groupe L'Express-Roularta en février dernier, Patrick Drahi a en effet provoqué l'inquiétude des salariés en annonçant son intention de réduire drastiquement la masse salariale du groupe de presse qui édite notamment le magazine "L'Express" mais aussi "L'Expansion", "L'Etudiant", des magazines culturels ("Lire", "Studio Ciné Live"...), ou encore des titres "Art de vivre" ("Côté Sud", "Maison Française Magazine"...).
Au début de la semaine, le nouvel actionnaire a annoncé un plan social (PSE) prévoyant le départ de 125 salariés et de huit pigistes permanents. Ces départs vont s'ajouter aux 115 départs volontaires déjà prévus dans le cadre d'une clause de cession ouverte cet été. L'Express-Roularta sera ainsi mis au régime sec et verra ses effectifs passer de 700 à 500 salariés, soit une réduction d'environ un tiers des effectifs des rédactions.
Pour justifier une telle saignée, la direction d'Altice met en avant le déficit cumulé du groupe qui s'élève à plus de 86 millions d'euros sur la période 2006-2014. Comme le rapporte Les Echos, les pertes pour 2015 devraient pour leur part se monter à près de 4 millions d'euros, soit le double des prévisions faites en début d'année. En y ajoutant les coûts de la clause de cession, la perte totale s'élèverait à 14 millions d'euros.
Alors que les syndicats poursuivent cette semaine les négociations avec la direction avant un comité d'entreprise prévu pour vendredi, les sociétés des journalistes du groupe ont décidé d'interpeller le médiatique patron de "L'Express" Christophe Barbier, nommé directeur des rédactions par le nouvel actionnaire. Dans une lettre ouverte que puremedias.com vous propose de découvrir, les sociétés des journalistes et des rédacteurs exigent de lui qu'il détaille d'ici jeudi soir "les projets éditoriaux et la nouvelle organisation" qu'il entend mettre en place au sein du groupe.
Lettre ouverte à Christophe Barbier,
Trois mois après avoir pris le contrôle du Groupe Express Roularta, Altice Media Group a annoncé en début de semaine un plan social massif qui frappe tous les titres du groupe. La période d'information-consultation avec les instances représentatives du personnel commence ce vendredi. Or aucune stratégie éditoriale n'a encore été définie et présentée aux rédactions, malgré les demandes répétées de celles-ci depuis... décembre 2014. Ce vide abyssal ne fait qu'attiser l'inquiétude de tous dans des titres déjà décimés par de nombreuses suppressions de postes.
Christophe Barbier, vous venez d'être nommé directeur des rédactions par le nouvel actionnaire. Vous aurez notamment la charge de mener une réflexion sur "l'enrichissement de nos contenus au sein de tous les titres du groupe". Les SDJ et SDR (sociétés des rédacteurs, ndlr) s'étonnent de l'étrange contradiction entre ce projet de PSE et les objectifs affichés par la nouvelle direction dans un message adressé hier à l'ensemble des salariés. Il y est notamment question de fournir une information de qualité.
Comment publier une information de qualité en supprimant les postes de correcteurs et de documentalistes ?
Comment publier une information fiable avec moins de secrétaires de rédaction et moins de rédacteurs ?
Comment continuer à assurer une illustration de qualité et singulière avec moins d'iconographes, voire aucun ?
Sans compter que la dégradation des moyens, avec des coupes à tous les étages de l'entreprise, va rendre encore plus compliqué le travail des rédactions.
Plus d'intelligence, moins d'effectifs, soutenez-vous. Les journalistes professionnels et responsables que nous sommes vous avertissent : il est illusoire de prétendre publier une information de qualité avec un modèle low cost.
Il est temps que le directeur des rédactions se souvienne que sa mission fait de lui le garant de la qualité éditoriale des titres du groupe.
Au nom des sociétés de journalistes et de rédacteurs de l'ex-groupe Express Roularta, nous attendons d'ici à jeudi soir des réponses détaillées sur les projets éditoriaux et la nouvelle organisation que vous entendez mettre en place.