Édito
Pourquoi vous devez absolument aller voir "Polisse"
Publié le 23 octobre 2011 à 16:50
Par Eddy Chevalier
Samedi 22, 22h22. La séance de "Polisse" se termine à l'UGC des Halles, à Châtelet. Les spectateurs ont pleuri aux éclats et, surprise, la réalisatrice fait son apparition dans la salle, venue s'enquérir des raisons de ce succès. En voici quelques-unes.
L'affiche de "Polisse" L'affiche de "Polisse"
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Samedi 22, 22h22. La séance de "Polisse" se termine à l'UGC des Halles, à Châtelet. Les spectateurs ont pleuri aux éclats et, groggy, s'apprêtent à rentrer regarder Ruquier. Mais, surprise, la réalisatrice fait son apparition dans la salle. 22, vlà Maïwenn ! Une jeune femme aussi libre et poignante que son film, venue s'enquérir des raisons de ce succès. En voici quelques-unes.

Le sanglot long des viols

Plongée dans l'enfer dantesque de la pédophilie et de la maltraitance, "Polisse" pourrait en faire fuir plus d'un. Trop noir, trop voyeuriste, trop misérabiliste. Une Maïwenn trop égocentrique et trop vulgaire. Un JoeyStarr trop violent avec les hôtesses de l'air. Vous faites fausse route : "Polisse" est lumineux. Le sujet laisse un goût de plomb dans la bouche mais la sensation est aussi douce qu'un plaid angora ... Le film de Maïwenn vous lave les yeux avec de l'alcool à 90. Attention, ça risque de piquer un peu...

Bien sûr il ne s'agit que d'une mise en scène qui frise parfois la caricature. Certains critiques s'en sont gargarisés mais... et si c'était fait exprès ? On en connaît plus d'un dans la vraie vie qui sont aussi bidimensionnels qu'un personnage de Louis la Brocante. Et puis c'est un film, pas une mini-série sur HBO, n'exigeons pas l'impossible. Le tour de force de Maïwenn a des accents dostoïevskiens et c'est déjà bien : "Polisse" est un film apocalyptique. La réalisatrice, habitée par les démons de sa propre jeunesse volée, révèle ses acteurs au sens photographique du terme. Et le spectateur ne peut être qu'impressionné.

Joeystarr de cinéma

Vite, un César pour JoeyStarr ! Enfin, s'il n'est pas en prison le jour de la cérémonie, bien sûr... Son visage buriné par l'excès est déjà toute une histoire (Sophie Davant doit être sur le coup...). Et quand il embrasse affectueusement un enfant qui hurle aussi fort que Céline Dion, Maïwenn nous met une gifle d'une tendresse inouïe. Dans un film de Christophe Honoré, où on pousse la chansonnette dès qu'on se cogne le pied contre un meuble, l'enfant aurait entonné "Mon papa à moi est un gangster" (Qu'est devenu le sublime Stomy Bugsy d'ailleurs?). Oui, JoeyStarr fait bien partie du Ministère A.M.E.R. Il semble avoir un coeur aussi rêche que ses cheveux mais l'oeil de Maïwenn fait de son fiel une douce li-coeur.

La Ben Laden du cinéma français

Maïwenn est la Ben Laden du cinéma français : une terroriste qui dynamite tout. C'est pour ça que ses acteurs explosent : Karin Viard est une kalachnikov, Marina Foïs une bombe à clous. Et quand Naidra Ayadi éclate, ça fait très mal. Sandrine Kiberlain, elle, s'écroule comme le World Trade Center.

Dans le milliard d'interviews qu'elle a donné ces deux dernières semaines, Maïwenn n'a pas eu peur de dégainer : Mélanie Laurent aurait dit à Jude Law, devant elle, à Cannes : "Mais pourquoi vous lui avez donné un prix ? Cette fille est folle !" (ton discours d'ouverture à Cannes, Mélanie, nous a montré que tu n'avais peut-être pas, toi non plus, toute ta tête). Chiara Mastroianni - qui croit que tirer sur une cigarette la mine boudeuse fait d'elle une bonne actrice - n'aurait pas apprécié que Maiwenn ne soit pas plus attentionnée à son égard, elle qui lui remettait le Prix du Jury. Cannes, ton univers (im)pitoyable...

Maïwenn est un peu énervante bien sûr et c'est tant mieux : ultra névrosée, elle en fait trop. Éprise de Joeystarr et de vérité, elle a tout donné pour ce film. Ecorchée vive, l'Antigone de la réalisation est passionnée à en mourir. Faut-il rappeler que patio, en latin, signifie "je souffre" ? Venue demander à son public pourquoi il était si nombreux, elle a montré qu'elle était d'une humanité désarmante. "Polisse", adieu aux armes tourmenté d'une rare violence affective, est à son image. "Il est doux de pleurer, il est doux de sourire au souvenir des maux qu'on pourrait oublier" écrit Musset dans "La Nuit d'octobre"... Lui aussi devait être à l'UGC.

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