Changement de ton à "Charlie Hebdo". Un mois après le numéro des survivants, l'hebdomadaire satirique revient en kiosques demain matin. La Une est l'oeuvre de Luz : un petit chien tient le journal à travers la gueule, poursuivi par une meute de chiens enragés dans laquelle on distingue clairement Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, un djihadiste, le Pape, un financier et une caméra de BFMTV.
Alors que le précédent numéro, sorti une semaine après l'attaque du 7 janvier, était résolument centré autour de l'attaque de Charlie et de la proclamation des valeurs du l'hebdomadaire satirique (la liberté d'expression et la lutte contre les obscurantismes religieux), le nouveau numéro, que puremedias.com a pu lire, est beaucoup plus introspectif.
Il s'agit, tout d'abord, d'un numéro normal, dans lequel l'équipe de "Charlie" revient sur l'actualité des derniers jours : la victoire de Syriza en Grèce (avec une interview de Yanis Varoufakis, le nouveau ministre grec des Finances), les attentats de Copenhague, le salaire de Henri Proglio chez Thalès, et même la sortie d'"American Sniper", le film de Clint Eastwood. Si aucun prophète n'est dessiné, la religion est évidemment très présente, notamment via une réflexion sur l'image et le religieux, sous la forme d'un dialogue entre Gérard Bonnet, psychanalyste et spécialiste des images, et Malek Chebel, philosophe et spécialiste de l'islam.
De nombreux dessins prouvent que l'attentat est encore présent dans toutes les plumes. L'un d'eux, signé par René Pétillon qui a rejoint "Charlie Hebdo", évoque les profanations de cimetière. Quatre personnes sont dans un commissariat et l'un d'eux demande à l'inspecteur : "'Sale juif', c'est antisémite ?".
A noter surtout, les interrogations de Riss dans son édito. "Les assassins du 7 janvier se sont laissé enfermer dans le confort d'une religion qui a déjà toutes les réponses et dispense de réfléchir et de douter, écrit-il. Car le doute est le pire ennemi de toute religion. (...) Les dessinateurs et les rédacteurs de Charlie, eux, passent leur temps à douter. De tout et surtout d'eux-mêmes, de leur talent, de leur inspiration". Riss rappelle qu'après l'incendie des locaux du journal, en 2011, le regretté Wolinski s'était demandé s'ils n'étaient pas allés trop loin. "Seul un honnête homme se pose ce genre de question. Voilà pourquoi un dessinateur ne deviendra jamais un tueur et pourquoi il est malhonnête de mettre sur un même plan les soi-disant 'provocations' des dessinateurs avec la violence des tueurs en proclamant 'Ils l'ont bien cherché'", écrit Riss.
"Franchement, qui a envie de se battre pour le blasphème, qui a envie de défier les religieux, si c'est pour finir protégé par 10 policiers 24 heures sur 24 ? Personne !", poursuit le dessinateur avant de tirer un enseignement des tueries de Paris et de Copenhague. "Il faudra encore du temps et du sang pour que toutes les religions acceptent, définitivement, ce cadre démocratique non négociable".