Deux ans après son arrivée aux Etats-Unis, "Arrow" débarque en France. Proposée avec succès sur la petite chaîne The CW, où la saison 3 démarre d'ailleurs ce soir, elle est portée par Stephen Amell, qui incarne Oliver Quinn. L'acteur canadien campe ce jeune homme riche qui survit au naufrage de son yacht et passe cinq ans sur une île déserte avant de retrouver sa famille et sa ville corrompue, bien décidé à venger la mort de son père. Un rôle sombre et intense, mais aussi très physique, dont il a évoqué les complexités pour puremedias.com, lors de son passage au Festival de Monte-Carlo l'an dernier. L'occasion aussi de l'interroger sur ce premier grand rôle, la pression et le risque de signer pour un pilote.
Propos recueillis par Charles Decant.
Vous avez enchaîné les petits rôles dans des séries, puis des rôles de quelques épisodes mais aujourd'hui, vous êtes la star de votre série. Qu'est-ce que ça implique ?
Quand on fait des petits rôles ou des rôles secondaires, ce qu'on vous demande, c'est d'arriver à l'heure et de réciter votre texte devant la caméra. Mais quand on est en tête de la call sheet, quand c'est "ta série", tes responsabilités sont bien plus importantes. Ca ne s'arrête même pas quand la caméra est éteinte. Que ce soit le comportement du cast et des équipes, la promotion de la série, l'atmosphère sur le plateau... Tout devient un peu ta responsabilité. On se sent un peu propriétaire de la série. C'est une responsabilité positive, mais c'est beaucoup plus de responsabilités que ce à quoi j'étais habitué.
Ca vous a fait peur à un moment ? Ca vous a dépassé ?
En fait, il n'y a eu qu'un seul moment où ça m'a vraiment submergé, un moment assez bref. On allait tourner le pilote, j'avais déjà passé quinze jours à Vancouver pour m'entraîner, notamment. Il nous restait deux jours avant de tourner le pilote, et on devait faire les essais de costumes, de coiffure, de maquillage, et de caméra. Tout le monde a un avis sur tout, c'est assez dingue, ces tests. C'est un peu comme le premier jour à l'école. Et quand je suis arrivé sur le plateau, j'ai vu à peu près 500 voitures qui attendaient. Je me suis dit que tous ces gens étaient là pour le pilote, espérant qu'il deviendrait une série. Et je savais que la décision de commander ou non la série retomberait sur mes épaules. Je tiens le premier rôle, je suis quasiment dans chaque scène... Donc j'ai eu un peu peur, mais c'est vite passé.
Quand on signe pour un pilote, on sait finalement assez peu de choses sur la future série potentielle. "Arrow" aurait pu être catastrophiquement mauvais !
(Rires) Oui !
Dans votre cas, à quel point aviez-vous discuté de la série, du personnage et de la première saison, et à quel point avez-vous tout simplement sauté le pas en espérant que tout se passe bien ?
C'est une position assez unique : on signe un contrat de six ans avant de faire les screen tests ! Donc avant d'arriver à l'audition, de savoir si on plaît ou pas, on signe déjà pour six ans. En réalité, ce sont plutôt six contrats d'un an. C'est vrai qu'il y a un peu un élément de foi là-dedans. Regardez mon cousin, Robbie Amell. Il a tourné des pilotes trois années de suites, mais seul le dernier en date est devenu une série. Mais il n'y a aucun moyen de savoir, quand on s'engage, si on pourra mettre en boîte un bon deuxième épisode après le pilote. On a eu 17 jours pour tourner le pilote d'"Arrow", mais huit jours seulement pour le deuxième. Ce n'est plus la même chose. D'ailleurs, je me souviens qu'après les audiences du pilote, les gens étaient contents mais ils ont surtout été très contents quand on a eu les audiences du deuxième, et qu'elles étaient aussi bonnes.
Mais est-ce que, dans votre position, vous pouvez dire non à une série dont on vous propose le premier rôle, en cas de mauvais feeling lors des tests... ?
Oui, bien sûr ! Pas après avoir tourné le pilote, bien sûr, sinon ils vous assassinent ! Ils vous emmènent dans le désert et vous n'en revenez jamais !
Mais même si votre carrière était sur la bonne voie et que vous décrochiez des rôles de plus en plus importants, "Arrow", c'est votre propre série... C'est une sacrée promotion !
En fait, je me suis dit qu'en tant que personnage principal, je serais capable de mettre assez de moi-même dans le personnage pour que j'en ressorte gagnant, que la série fonctionne ou non. Adrianna Palicki est un exemple parfait : elle a décroché le rôle de Wonder Woman dans le pilote du remake. Ca n'a rien donné, mais ça lui a donné une vraie visibilité, et maintenant elle fait des gros films au cinéma ! Il y a très peu de côtés négatifs dans ce métier quand on décroche un job.
"Arrow" est une série de super-héros, qui arrive alors qu'ils sont déjà très nombreux au cinéma. Comment vous sentez-vous par rapport à ces blockbusters ?
On essaie de faire aussi bien qu'eux ! Je me rappelle quand j'ai rencontré John Behring, qui a réalisé trois épisodes de la première saison. On a discuté du script et il m'a dit "Mon but est de faire un petit film de 42 minutes". Et c'est avec cette intention qu'on fait chaque épisode. On essaie de viser aussi haut qu'au cinéma. C'est une bonne période pour jouer un super-héros ! Les progrès de la technologie nous permettent de mettre en images ce qu'on avait en tête quand on pensait aux super-héros. D'où cet âge d'or pour ce type de personnages.
Il n'y a pas beaucoup d'effets spéciaux, pourtant, dans "Arrow"...
Non, c'est vrai. Et c'est l'une des forces de la série. On a huit jours pour tourner un épisode, et bien sûr j'aimerais qu'on en ait 14... Mais ce délai très court nous force à trouver la manière la plus simple et pratique de faire les choses. Et souvent, le plus simple est de les faire, en vrai. Le seul recours fréquent aux effets spéciaux, c'est en rapport avec le tir à l'arc. C'est incroyablement dangereux de tirer à l'arc. Autant on peut tirer des balles à blanc, avoir l'effet visuel du tir, mais même si je tirais une flèche en caoutchouc, ça ferait des dégâts, et les assureurs deviendraient fous. Donc quand on me voit récupérer une flèche dans mon dos et la tirer, la plupart du temps, ce sont des effets spéciaux.
Le rôle est très physique : quel type d'entraînement avez-vous reçu pour le rôle ?
Avant le début de la saison 1, j'étais en forme, mais je n'avais jamais eu d'entraînement spécifique. Donc j'ai suivi des cours de combat basique, de free running et de parkour, de tir à l'arc bien sûr, des poids, du yoga, j'ai changé mon régime alimentaire. C'était un gros changement. Mais c'était intéressant ! Je me suis lancé là-dedans à corps perdu pour pouvoir faire le plus possible de mes scènes de combat et d'entraînement.
On vous voit beaucoup torse nu dans la série ! C'était mentionné dans votre contrat ?
(Rires) Non, ce n'est pas dans le contrat. C'est drôle, on a un site de fans très bien tenu, et le 1er avril de l'année dernière, ils ont mis en ligne un article indiquant que je refusais d'être torse nu dans la deuxième saison. Et j'ai reçu des milliers de messages pour me demander pourquoi j'avais pris cette décision ! Mais non, il n'y a rien dans les contrats. Tout vient de la décision des scénaristes.
Vous êtes conscient qu'une des raisons qui a poussé les producteurs à vous embaucher est aussi que vous avez un physique agréable et une musculature imposante... ? Quel recul avez-vous sur le fait que votre physique fait partie du package que les producteurs recherchent ?
Ca ne me gêne pas... On peut faire toute la mayonnaise du monde, s'il n'y a pas d'oeufs, ça ne prendra pas. Il y a des scènes mémorables dans la saison 1 et si on me demandait le top 10, je pense qu'il y en aurait deux torse nu, et huit habillé. Et pour moi c'est une proportion qui me convient. Même si c'était cinq torse nu et cinq habillé. Je pense que les gens réalisent et apprécient le fait que je m'implique autant dans mon jeu que dans ma condition physique.
Le personnage d'Oliver Quinn est compliqué : c'est un gentil, mais c'est aussi un assassin... Comment le jouez-vous ?
C'est un équilibre difficile à maintenir. Mais en fait, peu m'importe que le public l'aime ou le déteste. Dans les deux cas, je trouve ça génial. Je veux juste que les gens ne soient pas indifférents face à ce personnage. Je ne peux pas dire que le parcours d'Oliver a été vertueux, même sur l'île, parce que ce n'est pas le cas. Il a fait des choses regrettables, dans sa vie privée et en tant que vengeur. Et je n'ai jamais voulu faire de lui un personnage sans défaut, parce que ce n'est pas très intéressant.
Mais si le public le déteste, ils ne peuvent pas vraiment avoir envie qu'il parvienne à ses fins, si ?
Je ne sais pas, en fait. Il y a des personnages en ce moment à la télé qui sont détestables au sens propre, mais qui ont évolué au fil des épisodes et des saisons. On est derrière le personnage de Bryan Cranston dans "Breaking Bad", et c'est pourtant un être humain déplorable aujourd'hui. Sawyer dans "Lost" était un personnage qui n'avait aucune qualité au début et qui s'est dévoilé. Même le personnage de Michael Emerson dans "Lost"... Il pensait à lui avant tout le monde. Je pense toujours à ce qu'avait dit le réalisateur du pilote, je ne me souviens plus précisément de la citation mais il disait que le contraire de l'amour n'est pas la haine, mais l'apathie. Tant que les gens ne sont pas indifférents, ça me va. J'adore le personnage.