Il n'a pas sa langue dans sa poche. Dans la dernière partie de notre série d'interviews, Thierry Ardisson revient auprès de puremedias.com sur des moments forts de sa carrière télévisuelle, dont notamment la fin électrique de son passage dans le groupe Canal+.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Sébastien Thoen, que vous connaissez bien car il participe à "Hôtel du Temps", est annoncé de retour sur Canal+. Pensez-vous que c'est une bonne idée ?
Thierry Ardisson : Franchement, je ne comprends pas. Déjà, je ne comprends pas pourquoi, moi, j'ai été viré. Quand sur une chaîne, tu as Thierry Ardisson et que la chaîne a des ambitions de grossir, tu as besoin de ma créativité. Vincent Bolloré m'a viré. Je lui ai dit : "A quoi ça sert d'être milliardaire si tu ne peux pas te payer Thierry Ardisson ?".
Où en êtes-vous judiciairement avec Vincent Bolloré ?
J'ai gagné en cassation. Le juge a dit : "Oui, monsieur Ardisson est bien la victime". Ca, c'est très important. Ce qui a été jugé en cassation ne peut pas être rejugé. En revanche, le juge de cassation a dit : "Vous donnez trop d'argent à Ardisson". Le juge en appel m'avait donné 5 millions d'euros. Le volet indemnités a été rejeté, parce que le juge en appel avait pris l'indemnité mensuelle et l'avait multipliée par douze mois. Sauf qu'une année télé, c'est neuf mois. En cassation, le juge a dit que c'était neuf mois et pas douze. Quand tu as fait cassation, tu retournes en appel. Je ne pense pas qu'on va retourner en appel. On est en train de discuter pour se mettre d'accord sur une somme. Si on ne tombe pas d'accord, on retournera au tribunal. Moi, j'ai tout mon temps, comme j'ai le même âge que Vincent. (rires) Il aurait 35 ans, c'est autre chose. Mais comme il a 71 ans !
"Ce que je ne comprends encore moins, c'est la croisade politique dans laquelle Vincent Bolloré s'est engagé"
Comprenez-vous le projet de Vincent Bollore pour le groupe Canal+ ?
Ce que j'ai compris, c'est qu'il avait une démarche financière. Il a dit : "Tout ça coûte beaucoup trop d'argent. On n'a pas besoin de faire du clair. 'Le grand journal' coûte trop cher". Il peut dire ça car c'est à lui. Il peut très bien décider de dire qu'il n'a pas besoin de Michel Denisot en quotidienne et que Canal doit devenir une plateforme. C'est d'ailleurs ce qu'ils font. Ils ont des accords avec Disney, Apple, etc. Ca, je peux le comprendre. Mais je pense aussi que les riches doivent financer les artistes. Je préférais quand les Médicis finançaient Leonard de Vinci pour faire le plafond de la chapelle sixtine. Ce que font François Pinauld ou Bernard Arnaud, d'ailleurs.
Vincent Bolloré ne semble pas sur cette ligne...
Non. Mais ce que je n'ai pas compris, c'est d'identifier autant C8 à Cyril Hanouna. C'est très risqué... Hanouna a beaucoup de talents. C'est une bête de télévision ! Mais tout mettre sur Hanouna, c'est risqué. Peut-être que demain, Nicolas de Tavernost va engager Hanouna car il ne trouve toujours pas d'access ! Et après, qu'est-ce qu'il va rester à C8 ? Et ce que je ne comprends encore moins, c'est la croisade politique dans laquelle il s'est engagé. Ca commence à poser un problème. Il y a un côté Trump. Ce que raconte CNews, c'est compliqué quand même... Ca ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de talents ! Un jour, j'ai dit à "C médiatique" que Pascal Praud était "une bête de télévision". La fille me dit : "Vous vous rendez compte de ce que vous avez dit ?". J'ai dit : "Non, qu'est-ce que j'ai dit encore ?". "Vous avez dit que Pascal Praud est une bête de télévision". J'ai répondu : "Oui". "Non, on ne peut pas dire ça". "Je ne vous dis pas que je partage les idées de Pascal Praud, mais c'est un phénomène". Pascal Praud quand il n'est pas à CNews, il est à RTL. Quand il n'est pas à RTL, il est à CNews. C'est un malade mental ! (rires)
"Je n'ai pas la méchanceté de me réjouir de ce qui arrive à Charline Vanhoenacker, mais ça me fait sourire"
Vous avez lancé Alex Vizorek à la télévision sur C8. Son émission avec Charline Vanhoenacker ne sera pas reconduite la saison prochaine en quotidienne sur France Inter. Qu'en pensez-vous ?
Charline Vanhoenacker s'est réjouie de l'arrêt de "Salut les Terriens" sur C8. Elle a fait des gorges chaudes sur le thème : "Ouais, Ardisson, il est viré ! Bolloré l'a viré !". Avec l'accent belge, c'est encore pire ! Je n'ai pas la méchanceté de me réjouir de ce qui lui arrive, mais ça me fait sourire.
Allez-vous continuer votre collaboration avec l'INA ?
Avec l'INA, il y a eu l'Arditube. Arditube, c'est génial ! Quand tu fais mon métier, tout ce que tu fais se volatilise instantanément. Tu fais des émissions. Tu te donnes du mal, rien ne reste. Aujourd'hui, tu veux voir "Ciel mon mardi" ou "Champs-Elysées", c'est compliqué. Donc, tout ça me plaît, parce que mon travail est exposé. Et là, toujours avec l'INA, on fait une chaîne Fast. C'est des chaînes avec un programme unique. Une chaîne "Alerte à Malibu", une chaîne "Magnum", etc. Il y a de la pub et ça marche. D'habitude, ce sont des séries, mais je vais être le premier animateur à avoir sa chaîne Fast. Elle va s'appeler Ardivision. Au lieu de rediffuser les émissions en vrac. On va diffuser les émissions en fonction de l'heure de la journée. Quand tu regarderas cette chaîne, à 19h, tu auras l'access, "Salut les Terriens". Après, tu auras le prime, "Tout le monde en parle". Puis, le dîner "93 Faubourg Saint-Honoré". Enfin, "Paris Dernière". On commence avec Samsung.
"Commencer avec un Goncourt dans un bar de palace et terminer dans une partouze à 2h du matin, ça a été une expérience formidable"
Sur toute votre carrière télévisuelle, quelle est la période que vous avez préférée ?
J'ai beaucoup aimé "Bains de minuit". C'est l'émission la plus personnelle que j'ai faite. Je faisais une émission sur TF1 qui s'appelait "Scoop à la Une". Un jeu média, très sérieux. A chaque fois que je sortais de ce tournage, j'allais boire des coups aux Bains douches. Un jour, je me suis dit : "Pourquoi tu ne fais pas directement l'émission aux Bains douches ?". J'aime aussi beaucoup "Paris Dernière". Ce ne sont pas des émissions qui ont fait des tonnes d'audience. Mais "Paris Dernière"... Commencer avec un Goncourt dans un bar de palace et terminer dans une partouze à 2h du matin en interviewant des libertins, ça a été une expérience formidable. Après, la mieux, c'était "Tout le monde en parle". C'était une synthèse de tout ce que j'ai fait avant. Après ça, "Salut les Terriens", c'était bien, mais ce n'était pas mieux que "Tout le monde en parle".
Si vous aviez une machine à remonter le temps, que diriez-vous au jeune Thierry Ardisson qui débute à la télévision ?
Je lui dirai de ne rien lâcher. Par exemple, "Hôtel du Temps". J'ai galéré... Quand le CNC a vu arriver "Hôtel du Temps", ils se sont demandés si c'était du documentaire ou de la fiction. Ils m'ont dit : "On ne peut pas vous aider. C'est nouveau". Et je leur ai répondu : "Voilà ! Vous l'avez dit ! C'est nouveau ! Et vous me dites que vous ne m'aidez pas parce que c'est nouveau ?". "Oui, c'est ça". Heureusement, Dominique Boutonnat a dit : "Donnez-lui de l'argent soit au titre de la fiction, soit au titre du documentaire, mais il faut financer ce programme tellement innovant". Ca a recommencé après avec l'Arcom qui ne savait pas ce que c'était non plus. Et les héritiers, qu'il faut convaincre de ressusciter leur parent. Il y a des matins, j'avais envie d'arrêter. Mais je n'ai pas lâché. C'est plus dur pour moi de lâcher que de continuer.
"Je crois que je ne m'arrêterai pas"
Vous n'avez jamais imaginé un jour arrêter ?
J'ai une femme que j'adore. Elle a 45 ans. Elle réussit très bien. Elle fait le journal télévisé une douzaine de fois par an. Le reste du temps, elle fait le portrait de "Sept à Huit", qu'elle a revampé. Tu veux que je lui dise qu'on va habiter aux Seychelles ? Elle va me dire oui parce qu'elle m'aime. Mais, moi, je vais dire non. Et puis, je ne peux pas être inactif. En arrivant, je vais me mettre sur internet et lire Puremédias pour avoir les audiences. Je crois que je ne m'arrêterai pas. Tant que j'ai des idées d'émissions, de séries, de livres et que j'ai envie de les voir se réaliser, je continue. Si un jour, Anne Holmes ou Ara Aprikiran me disent : "Ca fait cinq fois de suite que tu me proposes des idées pourries", j'arrêterai. (rires)