Et si la France interdisait à TikTok d'envahir les smartphones dans ses frontières ? C'est en quelque sorte ce que propose les conclusions d'une commission d'enquête du Sénat consacrée au réseau social chinois dont les résultats ont été dévoilés le jeudi 6 juillet. Insatisfaits par les réponses de l'application sur ses liens avec Pékin mais aussi sur la gestion des données personnelles de ses utilisateurs, les sénateurs proposent de bannir le réseau social de France s'il n'apporte pas plus de garanties à l'horizon 2024.
Avec près de 22 millions d'utilisateurs en France, TikTok occupe une place importante sur les téléphones des Français et Françaises. Cela n'exempte pas pour autant l'application, propriété de la société ByteDance, d'échapper aux contrôles des autorités hexagonales. Dans un rapport consacré au réseau de partage de vidéo, le Sénat estime que la plateforme est bien au-delà d'un simple acteur de l'économie numérique. Il évoque un "acteur essentiel des stratégies d'influence menées par la Chine". "Comme Huawei hier, TikTok incarne aujourd'hui logiquement les inquiétudes qu'une entreprise numérique d'origine chinoise peut susciter", précise la commission d'enquête.
Le rapport de 181 pages détaille comment le réseau social use de "son algorithme très addictif" et reste flou sur "ses liens persistants avec la Chine et ses autorités, qui font peser certains risques sur les utilisateurs et, plus largement, sur les démocraties". Il pointe la direction opaque de la maison-mère du réseau social, notamment en France. D'autant que les liens entre l'entreprise et le régime Chinois sont imprécis selon les sénateurs.
La commission d'enquête s'interroge encore sur les données collectées via l'interface, "mauvaise élève en matière de RGPD", le Règlement général sur la protection des données. Le rapport trace les contours d'une application capable de dresser "un profil psychologique de ses utilisateurs et peut l'utiliser à des fins commerciales ou pour d'autres finalités indéterminées".
Au-delà du traitement des données collectées par TikTok, les sénateurs estiment aussi que l'application pourrait avoir des effets psychologiques néfastes, par son côté addictif mais aussi par les contenus proposés dans des "bulles de filtres" qui peuvent parfois être dangereux ou hyper sexualisés. La commission d'enquête estime que le contrôle de l'âge des utilisateurs est insuffisant. Pour rappel, le réseau social est réservé aux personnes âgées de 13 ans et plus.
Afin de permettre à TikTok de clarifier ses méthodes, les sénateurs détaillent 21 pistes pour assurer la sécurité des données et des utilisateurs du réseau social. Ils estiment que le gouvernement pourrait envisager de suspendre TikTok en France "pour des raisons de sécurité nationale". D'abord, "si TikTok n'a pas répondu avant le 1er janvier 2024 aux principales questions soulevées par la Commission d'enquête" au sujet de sa maison-mère ByteDance, de l'élaboration de son algorithme ou encore des données transférées à la Chine.
Mais aussi si l'entreprise n'a pas clarifié ses statuts et l'actionnariat de sa maison-mère, si elle ne montre pas de signe d'une séparation claire avec Pékin ou encore si elle ne met pas en place une modération efficace pour filtrer les contenus et s'assurer de l'âge de ses utilisateurs.