C'est un rapport au vitriol qu'a publié aujourd'hui l'Assemblée nationale sur son site internet. Traduction écrite des travaux de la commission d'enquête sur "l'affaire Numéro 23" créé en juin 2016, ce dernier se proposait de faire la lumière sur les conditions d'octroi d'une fréquence à la chaîne de Pascal Houzelot en 2012, ainsi que sur les conditions décriées de sa revente à NextRadioTV annoncée en avril 2015.
Piloté par le député PS Marcel Rogemont, le rapport de plus de 120 pages fait la chronique d'une faillite des pouvoirs publics avec en ligne de mire, le CSA. Le texte est ainsi particulièrement véhément concernant l'octroie en 2012 d'une fréquence à Numéro 23 à l'issue d'un processus de sélection marqué selon les rédacteurs par "la connivence" et la volonté de "faire plaisir à tout le monde". Avec en toile de fond, la campagne présidentielle de 2012. Dans le cas précis de Numéro 23, le CSA, présidé à l'époque par Michel Boyon, se serait laisser convaincre pas un "projet éditorial douteux" porté par un candidat, Pascal Houzelot, qui avait "d'ores-et-déjà montré son incapacité à respecter les engagements" pris lorsqu'il dirigeait la chaîne gay Pink TV.
Selon le texte, le gendarme de l'audiovisuel n'aurait à l'époque procédé à "aucune analyse approfondie" du plan d'affaires de la chaîne ni de son montage capitalistique. A en croire les députés, il se serait tout simplement laissé hypnotiser par les hommes d'affaires de renom soutenant le projet de Pascal Houzelot : Xavier Niel, Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino, François-Henri Pinault, Jacques Veyrat mais aussi Matthieu Pigasse*. Le CSA de l'époque aurait aussi permis à la chaîne de la TNT de bénéficier d'une convention particulièrement "souple".
Les députés pointent aussi du doigt le "puissant réseau d'influence" politique dont a bénéficié Pascal Houzelot pour mener à bien sa candidature. D'après le texte, le patron de Numéro 23, "plateforme de lobby à lui tout seul", n'a pas hésité à arpenter régulièrement les couloirs du CSA à cette période. A tel point qu'un témoin cité dans le rapport a cru qu'il était un employé du régulateur de l'audiovisuel. "On m'a présenté M. Houzelot dans les couloirs du CSA en me disant qu'il fallait que je le voie. Arrivé de fraîche date, j'étais convaincu qu'il faisait partie des services du CSA ; ce n'est que plus tard que j'ai compris qu'il avait quelques habitudes dans ces lieux, en tout cas quelques connaissances", explique un témoin anonyme, comme tous ceux cités dans le rapport. Une procédure employée afin de dénouer les langues.
Le CSA "époque Olivier Schrameck" n'est pas pour autant totalement épargné par les critiques. Selon le rapport, son institution a failli à contrôler le respect des engagements éditoriaux pris par Numéro 23 et à surveiller suffisamment les opérations financières autour de son actionnariat. "Une fois l'autorisation accordée, nous avons laissé la voiture se lancer sur l'autoroute même s'il n'y avait pas assez de stations-service", résume un conseiller du CSA auditionné.
Evoquant une "coupable complaisance", le texte estime ainsi que le gendarme de l'audiovisuel a trop tardé à réagir et à mettre son nez dans les affaires de Numéro 23. Un manque de réactivité qui aurait selon lui concouru à l'échec de la procédure de sanction ouverte par la suite contre la chaîne. Le gendarme de l'audiovisuel aurait aussi mal motivé sa décision de retirer l'autorisation à émettre, ouvrant ainsi la voie à l'annulation de sa décision par le Conseil d'Etat. Une annulation qui interviendra en mars 2016.
Il convient de souligner que le rapport de Marcel Rogemont n'a pas fait l'unanimité au sein de la commission d'enquête en charge de "l'affaire Numéro 23". Les parlementaires Les Républicains ont ainsi jugé qu'il était "volontairement à charge" et ont refusé de voter sa publication en signe de protestation. Dans un communiqué publié hier, ils évoquent un texte pétri "de dogmatisme avec des approximations et des incertitudes". De son côté, le CSA a estimé aujourd'hui par la voix d'un de ses porte-paroles que ce "dossier méritait un traitement plus rigoureux".
* Ce dernier décidera finalement de ne pas devenir actionnaire de Numéro 23.