Justice
Vincent Bolloré attaque en justice Jean-Baptiste Rivoire, ex-journaliste de Canal+
Publié le 15 décembre 2021 à 17:34
Par Benjamin Meffre
Le journaliste d'investigation est assigné aux Prud'hommes après avoir critiqué les pratiques de son ex-employeur dans un documentaire.
Jean-Baptiste Rivoire dans "C à vous". © France 5
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Une nouvelle "procédure bâillon" de Vincent Bolloré ? Hier sur Twitter, l'ex-journaliste de Canal+, Jean-Baptiste Rivoire, a annoncé être assigné devant "le tribunal des Prud'hommes de Boulogne-Billancourt" par la direction de la chaîne cryptée, "nommée par Vincent Bolloré". "Canal me fait un procès pour des propos que j'ai tenus dans le film de Reporters sans frontières, 'Le Système B', diffusé en septembre dernier", a détaillé le reporter, parti du groupe audiovisuel privé en début d'année, après avoir conclu un accord transactionnel. La procédure prud'homale a été confirmée à puremedias.com par Canal+, qui ne souhaite pas faire davantage de commentaires.

Proposé sur Youtube, "Le Système B." évoquait "la brutalité de Vincent Bolloré dans les médias", à travers les témoignages d'une dizaine de journalistes ayant soit enquêté sur l'homme d'affaires, soit travaillé au sein d'entreprises de presse qu'il contrôle. Parmi eux, Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à Canal+ pendant près de 20 ans, ex-figure de "Spécial investigation", émission d'enquête diffusée sur la chaîne cryptée de 2002 à 2016.

Dans le documentaire, le reporter décrivait notamment la gestion "par la terreur" de Vincent Bolloré à Canal+. "Il n'est pas question que qui ce soit résiste aux oukases de l'actionnaire, surtout pas en matière d'information parce que l'information est stratégique pour lui et il veut en faire exactement ce qu'il veut. Les journalistes sont de petits soldats", avait-il affirmé. Des propos compilés dans une vidéo publiée sur Twitter par "Arrêt sur images".

A partir de 2015, Jean-Baptiste Rivoire a assisté aux premières loges à la reprise en main de Canal+ par Vincent Bolloré. Alors rédacteur en chef adjoint de "Spécial investigation", il avait vu la direction de la chaîne cryptée déprogrammer sans justification officielle une enquête de l'émission sur le Crédit Mutuel. Le trio de journalistes ayant signé l'enquête - dont ne faisait pas partie Jean-Baptiste Rivoire - avait en 2016 déposé plainte contre Vincent Bolloré. Ils lui imputaient la censure de leur film, en raison des liens d'amitié et d'affaires qu'il entretiendrait avec Michel Lucas, alors patron du Crédit Mutuel. Après avoir refusé plusieurs autres propositions d'enquête de la rédaction de "Spécial investigation", la direction de Canal+ avait finalement décidé en 2016 de supprimer purement et simplement l'émission.

"Une instrumentalisation du droit" pour "faire taire les journalistes"

Mis au placard, Jean-Baptiste Rivoire, devenu entre-temps représentant syndical SNJ-CGT, avait ensuite négocié pendant près de quatre ans son départ de Canal+, finalement effectif au début de l'année 2021. Selon les termes de l'accord transactionnel conclu avec son ex-employeur, et cités par "Arrêt sur images", il s'engageait alors, en échange d'indemnités de départ, à s'interdire "tout acte ou propos inexact ou diffamatoire (...), nuisible à la réputation" des groupes Canal+ et Vivendi ou à "celle de leurs dirigeants".

NPA Prod, la filiale de production de Canal+ qui salariait Jean-Baptiste Rivoire, estime que les propos tenus par son ex-employé dans "Le système B." constituent une rupture de cet engagement. Se gardant cependant de l'attaquer en diffamation, elle demande au tribunal des Prud'hommes de prononcer "la nullité" de l'accord et donc des indemnités afférentes.

"Les propos de Jean-Baptiste Rivoire relèvent de la liberté d'opinion", défend pour sa part l'avocat du reporter, William Bourdon, interrogé par "Arrêt sur images". Dénonçant "une instrumentalisation du droit" pour "faire taire les journalistes", le conseil de Jean-Baptiste Rivoire compte attaquer l'ex-employeur de son client pour procédure abusive. Alors qu'une première audience est attendue début 2022, la procédure devrait durer plusieurs années.

"Procédures-bâillons"

C'est du moins le temps de l'affaire opposant France Télévisions et Vincent Bolloré. A la suite de la diffusion en 2016 d'un portrait de lui dans "Complément d'enquête", le tycoon d'Ergué-Gabéric avait intenté pas moins de cinq procès en diffamation au groupe public, les perdant tous au fil des années. Une vingtaine de médias avaient alors accusé l'homme d'affaires breton de multiplier les procédures dites "bâillons". Autrement dit, des plaintes en justice n'ayant que peu de chance d'aboutir, mais qui suffisent à mettre une pression telle - notamment financière -, qu'elles seraient en mesure de dissuader toutes futures velléités d'enquête sur ses activités.

"Je sais que ça a coûté extrêmement cher à mon employeur, que France Télévisions en est à plusieurs centaines de milliers d'euros et je ne trouve pas cela normal", avait d'ailleurs commenté Tristan Waleckx, l'un des journaliste ayant signé cette enquête de "Complément d'enquête", dans le même documentaire de Reporters sans frontières où intervenait Jean-Baptiste Rivoire. Devenu depuis présentateur du magazine de France 2, Tristan Waleckx compte rediffuser son portrait de Vincent Bolloré demain soir à l'occasion des 20 ans de "Complément d'enquête".

"Quand Vincent Bolloré lance un procès, cela coûte en général des milliers d'euros"

"Quand Vincent Bolloré lance un procès, cela coûte en général des milliers d'euros de frais d'avocat et ça peut durer des années", prévient lui aussi Jean-Baptiste Rivoire dans sa vidéo publiée hier sur Twitter. De quoi mettre en péril "OFF", le nouveau média d'investigation qu'il vient de lancer à l'automne et dans lequel il a investi une partie de ses économies. Alors que celles-ci devront à l'avenir financer aussi ses frais de justice, Jean-Baptiste Rivoire a décidé de prolonger d'un mois la levée de fonds destinés à son média sur la plateforme KissKissBankBank. Finançant exclusivement la production de la première série documentaire de "OFF" - neuf épisodes sur Emmanuel Macron -, cet appel aux dons a déjà permis au site d'investigation de récolter près de 150.000 euros. "On a besoin de vous plus que jamais pour défendre l'investigation indépendante", a prévenu Jean-Baptiste Rivoire.

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