Hier, Paris Match publiait une longue enquête, expliquant comment un amateur d'art pensait avoir retrouvé le visage de "L'origine du monde", le fameux tableau de Gustave Courbet exposé au Musée d'Orsay à Paris, qui représente un sexe de femme en gros plan.
Dans son édition datée de demain, Le Monde publie une contre-enquête et n'hésite pas à railler l'hebdomadaire du groupe Lagardère. L'article, intitulé "Le poids des mots, le choc du faux", est signé du journaliste Philippe Dagen, qui ne ménage pas sa consoeur Anne-Cécile Beaudouin, auteure du "scoop". Il ironise sur le fait que le visage et le sexe ait pu appartenir, comme l'expose Match, à la même toile dont le peintre aurait découpé des morceaux. "Un coup de couteau... Et pas un coup de hache, pour couper le bois du châssis ?", s'interroge le journaliste, faussement naïf.
Philippe Dagen s'agace surtout que l'expert consulté dans ce dossier ait été par le passé "souvent contesté". Le journaliste affirme que les indices matériels ne sont pas probants : "Les deux peintures auraient été exécutées sur le même genre de toile, avec la même trame, et par la même main. A en juger d'après les photographies de Paris Match, la proximité stylistique est douteuse. Ni la lumière, ni la touche, ni la texture de la peau, ni le chromatisme ne sont homogènes. A supposer que ce visage soit de Courbet, il daterait de ses débuts", écrit-il, rappelant que la similitude des toiles utilisées n'est "pas plus probante". "Tous les peintres parisiens avaient les mêmes fournisseurs, peu nombreux", affirme-t-il en expliquant que "L'origine du monde" est une toile de taille standard pour l'époque.
Il pointe également "quelques erreurs" et rappelle que l'étude préparatoire de la toile "La Femme au perroquet", exposée à New-York, n'est pas inconnue des amateurs d'art. Elle était en effet exposée dans la rétrospective Courbet au Grand Palais en 2007, et appartient à l'artiste Jeff Koons. Mais le journaliste est très sévère car, selon lui, la position des corps des deux toiles ne coïncide pas. "Pas besoin d'être anatomiste pour remarquer que, pour que ces épaules soient attachées à cette poitrine et ce ventre, il faudrait des seins très bas - ou une gorge très haute - et une colonne vertébrale d'une rare souplesse : le modèle de 'L'Origine du monde' est à demi couché vers la droite alors que le cou et le visage du tableau réapparus sont tournés vers la gauche", s'indigne-t-il. Avant de s'amuser en supposant que la jeune femme ayant servi de modèle ait pu avoir "quelques vertèbres supplémentaires".