2024 restera dans les annales. Pour la première fois depuis sa privatisation en 1987, TF1 a été poussée dans ses retranchements et, le temps d'un été olympique et paralympique à Paris, a été contrainte de céder la place de leader à France 2. Mais forte d'une grille davantage exploitée – depuis les arrivées de "Bonjour !" le matin et "Plus belle la vie, encore plus belle" l'après-midi le 8 janvier – la Une a maintenu une cadence suffisamment élevée le reste de l'année pour dépasser sa part d'audience de 2023. Sport, programmes, plateforme... Xavier Gandon, directeur des antennes TV et digitales du groupe, fait pour Puremédias le bilan de 2024 et se projette sur 2025, année qui marquera l'arrivée d'un nouveau feuilleton co-financé avec Netflix et les 50 ans d'existence de TF1.
Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
En analysant les audiences de 2024, le sport et en particulier les Jeux olympiques ont dominé l'année. C’est historique : France 2 a été première chaîne de France devant TF1 en juillet et en août. Cela correspondait-il à vos projections ?
Avec la concurrence féroce de cet événement, nous savions que l'année allait être très concurrentielle et que les JO de Paris allaient être un gros événement. Nous abordions donc cette année avec prudence. Maintenant que 2024 se termine, nous sommes d'autant plus heureux et satisfaits de nos audiences puisque – c'est un joli symbole – TF1 va réussir à progresser d’une année sur l’autre. Malgré les JO et les Jeux paralympiques, nous allons finir l'année avec 18,7% de part de marché contre 18,6% en 2023, année pourtant déjà portée par la Coupe du monde de rugby.
Comment l’expliquez-vous ?
Les audiences de TF1 connaissent une tendance très positive. Les arrivées de "Bonjour !" et "Plus belle la vie, encore plus belle" en janvier 2024 y contribuent. Ce que nous pouvons remarquer aussi, c’est que les performances très fortes des Jeux olympiques sur France 2 n’ont pas provoqué d’effet de halo c’est-à-dire que les téléspectateurs sont revenus sur TF1 à la rentrée. L'ensemble des genres sont sur une bonne tendance, à commencer par nos éditions d'information, dont les écarts à 20 Heures grimpent jusqu’à 1,5 voire 2 millions de téléspectateurs avec notre principal concurrent. Côté fictions, le succès de "HPI" se poursuit et s’accompagne de ceux des nouveautés, "Cat’s Eyes", "Le nounou" et "Brocéliande" en tête. Nous retenons enfin la bonne santé sur les cibles commerciales de nos divertissements : "Star Academy", "Koh-Lanta", le retour de "Qui veut gagner des millions?" ou encore de nos événements. Nous l'avons encore constaté avec Miss France.
"La meilleure audience de sport cette année n’était pas un événement issu des Jeux olympiques mais le match Espagne-France. Cela permet donc de relativiser"
Xavier Gandon
Le sport totalise 37 places du top 100 des audiences 2024. Le succès du rugby cet automne peut-il vous convaincre de diversifier votre offre sportive surtout centrée sur le football et pourquoi pas de vous positionner sur le tournoi des VI Nations ?
Le football reste un élément très important pour TF1. Nous avons notre contrat et notre partenariat avec les Bleus, dont on diffuse les matchs et qui ont encore été des grands succès avec 5 à 6 millions de téléspectateurs. L'Euro de football a réalisé d’excellents scores : la meilleure audience de sport cette année n’était pas un événement issu des Jeux olympiques mais le match Espagne-France (les deux premières places du top 100 sont occupées par les cérémonies d'ouverture et de clôture des JO, ndlr). Cela permet donc de relativiser. Ce que je peux dire, c’est que le line-up sport sera similaire chez les femmes et les hommes. Et d'ailleurs en 2025, les deux événements sport seront féminins avec l’Euro de football et la Coupe du monde de rugby en Angleterre.
Avec un an de recul, quel bilan faites-vous de l’arrivée de "Bonjour !" dans la grille ?
C'était un vrai pari de lancer une matinale surtout que jusqu’au 8 janvier 2024, la case était occupée par des programmes jeunesse. Il a fallu construire des habitudes de consommation. On a démarré aux alentours de 8,5% de part de marché. De voir que semaine après semaine, mois après mois, Bruce et son équipe arrivent à grappiller des points et que cet objectif qu'on s'était fixé de 10%, on est en train de l'atteindre sur des moyennes hebdomadaires et mensuelles nous encourage à continuer de plus belle.
Est-ce qu'il y a d'autres chantiers que vous pourriez ouvrir à TF1 dans votre grille aujourd'hui ? D'autres cases à investir ?
Non, en tout cas, je ne pense pas comme ça à quelque chose d'aussi majeur que "Bonjour !". Aujourd'hui, nous sommes globalement satisfaits de notre grille. Nous allons surtout travailler à pérenniser les rendez-vous et faire en sorte qu'ils soient encore et toujours plus attractifs pour les téléspectateurs.
"'Plus belle la vie, encore plus belle' s'est installé comme notre troisième programme le plus performant sur TF1+, derrière 'Ici tout commence' et 'Demain nous appartient'"
Xavier Gandon
2024 a marqué l’arrivée dans votre grille d’un troisième feuilleton ("Plus belle la vie, encore plus belle), avant un 4e en 2025 ("Tout pour la lumière"). En quoi c'est intéressant stratégiquement de multiplier le genre ?
Le feuilleton quotidien est un genre qui est au cœur de notre stratégie aujourd'hui, c’est-à-dire investir et proposer des programmes qui vont être capables de générer des succès en linéaire et en streaming. C'est vrai pour des feuilletons de fiction comme "Demain nous appartient" et "Ici tout commence", c'est vrai aussi pour des feuilletons de réalité comme la "Star Academy". Proposer plus de programmes de ce type, c'est l'évolution que l’on souhaite donner à notre line-up. "Plus belle la vie, encore plus belle" nous donne raison : c'est un grand succès en linéaire – avec une double diffusion sur TF1 et sur TFX – qui s'est installé comme notre troisième programme le plus performant sur TF1+, derrière "Ici tout commence" et "Demain nous appartient". Ce qui est aussi intéressant de voir c'est qu'aujourd'hui sur les cibles de moins de 50 ans, on peut avoir une consommation de nos feuilletons sur TF1+ qui peut représenter jusqu'à plus de 30% de la consommation totale. Notre nouveau portefeuille de programmes doit donc être adapté à notre nouveau modèle stratégique qui permet à la fois de réaliser des croissances d'audience sur TF1 et de réaliser de très fortes progressions sur TF1+.
Vous avez annoncé un quatrième feuilleton qui va débarquer prochainement en 2025 sur TF1. N’êtes-vous pas perdant dans cette affaire en diffusant les épisodes cinq jours après Netflix ?
C'est un modèle économique différent puisque le feuilleton est cofinancé. Nous sommes très fiers de nous associer au leader mondial du streaming payant. Je pense que Netflix avait très envie aussi d'être lié à TF1 et Newen (société de production des feuilletons de TF1, ndlr) sur ce savoir-faire du feuilleton quotidien. Bien évidemment, ce n'est pas la même chose que quand on finance un projet tout seul mais nous sommes persuadés que la visibilité sur des plateformes payantes peut générer des audiences différentes qui vont pouvoir s'additionner à un moment donné.
"L'exposition d'un programme sur plateforme SVOD n'est pas forcément incompatible avec une exploitation AVOD"
Xavier Gandon
Partez-vous sur du long terme ou c'est plutôt de l’ordre de expérimentation ?
Pour l’instant, une salve de 90 épisodes est prévue.
Avec quelle place dans la grille de TF1 ? À 17h30 ?
On est en train d'y réfléchir.
Ces alliances avec les plateformes de streaming payant que l’on présente tantôt comme vos partenaires, tantôt comme vos adversaires de la télé, pourraient devenir le modèle de financement prioritaire ?
Ces associations vertueuses existent depuis quelques années. Je pense à "L'agence", projet sur lequel on est associés avec Netflix et que l’on diffuse sur TMC. Nous avons lancé la saison 5 devant plus d’1 million de téléspectateurs. La série progresse d’année en année, ce qui ne l’empêche pas d’être un grand succès sur Netflix. Elle prouve ainsi que l'exposition sur une plateforme de SVOD n'est pas forcément incompatible avec une exploitation AVOD (vidéo à la demande avec publicité, ndlr) sur TF1+. Il n’y a pas de cannibalisation.
"Contrairement aux feuilletons, les jeux restent avec un ADN très majoritairement linéaire, ce n'est pas notre stratégie"
Xavier Gandon
Les feuilletons se multiplient sur TF1, au détriment du jeu quotidien qui a longtemps été une composante forte de votre grille en access et dont certains renaissent chez la concurrence...
N'oublions pas que nous proposons sur TF1 le jeu le plus performant avec "Les 12 coups de midi". On voit que les programmes de flux feuilletonants sont surconsommés en streaming. C'est moins le cas des jeux qui sont des programmes qui restent avec un ADN très majoritairement linéaire. En access prime time, on préfère proposer des programmes qui sont au cœur de notre stratégie, des offres de narration à caractère feuilletonant comme la Star Academy.
Et comment percevez-vous ce retour en force du jeu chez la concurrence ?
Je ne vais pas porter de jugement sur ce que font nos concurrents mais en tout cas nous ce n'est pas notre stratégie.
"Il ne faut pas oublier que l'année dernière, l'explosion de la popularité de Pierre et Héléna à la 'Star Academy' a eu lieu sur les toutes dernières semaines"
Xavier Gandon
"Star Academy" est revenue pour une 3ème saison consécutive cette année. Est-ce que, comme nous, vous faites le constat qu’elle crée moins l’événement que la saison passée ?
Je ne suis pas d'accord avec vous. Nous sommes très contents de cette nouvelle saison, de ce groupe de jeunes artistes en devenir qui sont en train de se révéler. Cela ne se reflète pas non plus dans les audiences qui, sur le linéaire et sur TF1+, sont plutôt en légère progression à date équivalente par rapport à l'année dernière. Je pense qu'il ne faut pas oublier que l’année dernière, l'explosion de la popularité du dernier carré, je pense à Pierre et Héléna, a eu lieu sur les toutes dernières semaines.
L'émission reviendra-t-elle en 2025 ?
Nous serions ravis de retrouver une nouvelle saison de la "Star Academy" mais il est un peu tôt pour y répondre. Terminons déjà cette saison qui est un très beau succès.
Un autre événement se profile, c'est "Danse avec les stars". La saison dernière a été associée à un clash entre Natasha St-Pier et Inès Reg. Jugez-vous que cet événement a écorné l'image de ce programme familial ?
Non, je ne pense pas, ce qui est important c'est qu'à l'antenne, il ne se soit rien passé de particulier de ce point de vue là. C’était une très belle saison avec de l'intensité dans la compétition, des superbes performances de danse, un nouveau jury (reconduit en 2025) avec le retour très apprécié de Jean-Marc Généreux et l'arrivée saluée par tous de Mel Charlot.
Si on résume, quel sera l'événement de TF1 en 2025 ?
Nous aurons déjà une très belle année de sport avec deux grands événements de sport féminin dont un complètement nouveau sur nos antennes (Coupe du monde de rugby féminin, ndlr). Nous avons prouvé que l’on était capable de magnifier ces grands événements de sport féminin lors de la Coupe du monde de foot féminin en 2019. Par ailleurs, nous aurons bien évidemment notre quatrième feuilleton : "Tout pour la lumière".
Un mot sur vos 50 ans peut-être : plusieurs primes vont célébrer ce demi-siècle d’existence de la Une. Quel programme de la chaîne vous a le plus marqué à titre personnel ?
Au regard de mon âge, Je suis un enfant de la génération Club Dorothée ! Et d’ailleurs, je suis ravi qu’on propose très prochainement un grand prime évènement présenté par Nikos avec le grand retour de Dorothée.