Une démarche peu maligne. Invité ce matin de la matinale de France Inter, l'islamologue Gilles Kepel a fait la promotion de son dernier ouvrage baptisé "Le prophète et la pandémie". Interrogé sur un passage de ce dernier, l'essayiste a développé sa critique de la republication par 'Charlie Hebdo' en septembre dernier des caricatures de Mahomet. Le journal satirique avait pris cette décision à la veille de l'ouverture du procès des attaques de janvier 2015 afin de montrer ce qui lui avait valu de devenir la cible des djihadistes. "Tout ça pour ça", avait titré "Charlie", souhaitant souligner ainsi l'absurdité de cette attaque terroriste.
"Si on souhaite publier les caricatures de 'Charlie', on est libre de le faire. Il ne s'agit pas de le censurer", a commencé par commenter Gilles Kepel. "Mais ce n'est pas parce qu'on fait quelque chose que l'on doit s'empêcher d'en analyser les conséquences politiques", a-t-il immédiatement ajouté. Et d'expliquer que l'objectif du procès des attaques de janvier 2015 était "d'exposer les crimes du djihadisme" et "d'en faire une sorte de Nuremberg". Selon l'islamologue, ce procès devait permettre de panser les "blessures" mais aussi de "faire passer" quelque chose "à l'extérieur du monde".
Pour Gilles Kepel, la republication des caricatures a finalement "donné du grain à moudre aux ennemis de la laïcité française" comme Recep Tayyip Erdogan (le président de la Turquie, ndlr) ou "les Iraniens". "Ca a créé cette campagne délirante anti-française pendant tout l'automne qui a complètement assourdi le procès. Du coup, l'effet du procès a été raté. On peut publier ce qu'on veut mais je pense qu'on n'est pas obligé de ne pas être pas intelligent", a-t-il estimé. Relancé sur le sens de cette double négation, Gilles Kepel a davantage assumé : "Je pense que ça n'a pas été très malin. C'est le moins que l'on puisse dire".
Refusant de faire un lien de conséquence direct entre cette republication des caricatures de Mahomet et les attentats ayant frappé la France à cette même époque, de l'assassinat de Samuel Paty à l'attaque sanglante ayant visé les fidèles de la basilique Notre-Dame à Nice, Gilles Kepel a néanmoins estimé que cela avait "créé une atmosphère qui a contribué à faciliter les choses". "On peut le faire, bien sûr. Il ne s'agit pas de censurer. Mais je crois qu'on peut aussi réfléchir politiquement quand on fait une chose comme cela. Nous avons dû subir une situation très dommageable pour le pays", a-t-il conclu. puremedias.com vous propose de réécouter cette séquence à partir de 23'00.