"Le coup dur". C'est ainsi que "Le Parisien" a évoqué à la Une de son édition de mardi la condamnation la veille de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption, dans le procès dit des écoutes. A l'intérieur, les lecteurs ont pu découvrir un éditorial du directeur des rédactions du "Parisien/Aujourd'hui en France", Jean-Michel Salvator, intitulé "Dégagisme judiciaire" et dans lequel on pouvait lire : "Depuis plusieurs années, les décisions de justice qui concernent les politiques deviennent d'une sévérité accrue ou d'une intransigeance implacable". Et plus loin : "Les juges plaident la séparation des pouvoirs. Peut-on encore croire en leur sincérité ?".
Une prise de position qui a provoqué l'agacement d'une partie de la rédaction du quotidien basé en Île-de-France, laquelle s'est fendue mardi soir d'un communiqué cosigné par la Société des journalistes, les organisations syndicales et le "collectif des femmes du 'Parisien'". Avec ce titre : "Coup dur pour la rédaction". "L'édito du jour (...) suscite de nombreuses réactions au sein de la rédaction", peut-on lire en introduction. "Il n'appartient pas à notre journal de donner une opinion sur une décision de justice. Eclairer sur ses conséquences, oui. Le reste relève du commentaire". Les journalistes signataires déplorent également que Jean-Michel Salvator minimise "les faits reprochés à l'ancien président de la République".
Et de poursuivre : "Les signataires de ce communiqué tiennent à réaffirmer les principes de notre métier : exposer des faits, permettre l'expression de points de vue contradictoires, analyser... et ne pas orienter de manière partisane des éléments factuels au service d'on ne sait quels intérêts".
Les journalistes s'inquiètent ensuite : "En arrivant au 'Parisien', Jean-Michel Salvator a assuré aux organisations syndicales qu'il n'était pas question de faire de notre quotidien un journal d'opinion. Cet engagement doit être respecté. A la lecture de ce texte, cette promesse n'est pas tenue".
Fin 2020, un autre éditorial du "Parisien", consacré cette fois aux restaurateurs, avait été qualifié de "culinairement xénophobe" par Claude Askolovitch sur France Inter à la lumière de cet extrait : "Il ne faudrait pas que le virus venu de Chine préfigure le règne des échoppes de cuisine chinoise à emporter. Demain, nous voulons encore manger avec des fourchettes, pas seulement avec des baguettes", pouvait-on lire cette fois sous la plume de Rémy Dessarts, directeur délégué des rédactions, soutenu par Jean-Michel Salvator qui avait plaidé le "malentendu" à l'époque.
Un précédent auquel fait référence le communiqué publié mardi soir. "Il est essentiel, pour les signataires de ce communiqué, que Jean-Michel Salvator prenne enfin conscience que ses opinions personnelles n'ont rien à faire dans les colonnes du journal". Evoquant un "sentiment de défiance croissant" d'une "partie de la rédaction", la Société des journalistes et les organisations syndicales demandent à être reçues par leur patron.