Plus belle la vie à Sète ? Le 17 juillet 2017, il y a donc un an et un jour, TF1 lançait en grande pompe ce qui était présenté à l'époque comme une saga quotidienne estivale. Un an plus tard, "Demain nous appartient" est toujours à l'antenne et s'est mu en un feuilleton quotidien bien installé dans la case de l'access prime time de la première chaîne. Côté scénario, il s'en est passé des choses en une année dans la petite cité héraultaise ! Deux morts dès le premier épisode, qui en ont précédé d'autres depuis, des viols, des infidélités, une psychopathe, un tueur en série... Et pour fêter comme il se doit les un an d'existence du feuilleton, TF1 a offert à ses fidèles un nouveau meurtre mardi soir.
Force est de constater que la prime a été donnée à l'action, au détriment du réalisme. Il n'y a qu'à se pencher sur la vie politique du Sète de TF1 pour s'en rendre compte : en un an, la ville a connu pas moins de trois maires. Le premier, Léonard Vallorta (Patrick Rocca, qui incarnait le Premier secrétaire du Parti socialiste puis le Premier ministre dans "Baron noir" sur Canal+) a démissionné après avoir reconnu avoir fait voter des morts lors d'un scrutin passé.
Mais la mairie est restée dans la famille puisque c'est sa belle-fille, qui était par ailleurs sa 1ère adjointe, Flore Vallorta (Anne Caillon), qui a été élue par le conseil municipal pour lui succéder. Cependant, cette dernière, visiblement passionnée par son nouveau rôle – la série la montrait plus souvent attablée au Spoon, le café fictif du centre-ville, que derrière son bureau – a finalement démissionné pour devenir patronne de presse en investissant dans le média fondé par la soeur de sa meilleure amie. On ne connait pas l'identité du nouveau maire, dont l'unique tort doit être de n'avoir aucun lien avec les familles de la série.
Car dans "Demain nous appartient", il y a toujours une histoire de famille au coin de la rue... Pour alimenter ces histoires quotidiennes, Telsète, la production, fait appel à un cast très riche. Visiblement trop, au point que des personnages en ont fait les frais. Le cas de la famille Moreno est symptomatique. Au début de la série, Christelle et Sylvain Moreno, heureux parents de trois enfants, vivaient avec le grand-père, Roch, très proche de sa plus jeune petite fille, Betty (Lou Jean, qui interprète le générique). Las, au bout d'une quarantaine d'épisodes, le vieil homme a disparu sans aucune justification et les membres de sa famille font désormais comme s'il n'avait jamais existé. Un autre personnage pose question, celui d'Arthur, le fils de Laurence (Charlotte Valandrey), la juge d'instruction et de Sandrine, la proviseure. Contrairement à son frère Lucas, il n'a jamais eu droit à une intrigue à part entière et n'est semble-t-il même pas scolarisé sans que personne n'y trouve rien à redire.
Dans cet univers tourmenté, Ingrid Chauvin, alias Chloé Delcourt, est relativement épargnée par les scénaristes, qui lui ont construit un personnage de mère de famille solide et accomplie. Trompée par deux fois par son mari Alex (Alexandre Brasseur), elle a toujours fini par le lui pardonner. Celui-ci a des circonstances atténuantes : il a récemment appris qu'il avait été enlevé lors d'une balade en forêt à l'âge de 4 ans par des inconnus qui lui ont toujours affirmé être ses parents. Il a fini par retrouver sa mère biologique (Catherine Allégret) qui lui a appris à cette occasion qu'il se nommait en réalité Paul. Pas contrariante, elle continue pourtant à l'appeler Alex, le prénom qui lui a été donné par ses ravisseurs.
Mais revenons-en à Chloé Delcourt. Proche de Laurence, la juge, elle n'a pas hésité à violer à plusieurs reprises le secret de l'instruction quand il concernait un de ses proches, avec cet argument imparable : "Mais c'est mon fils, Laurence !". Elle n'a même rien vu, ni rien su de la liaison de son fils (Clément Rémiens) avec sa collègue prof (Linda Hardy), qui a près de 30 ans de plus que lui. Car oui, Chloé Delcourt a fait des études et est devenue professeur de SVT dans le lycée où sont scolarisés son fils et sa fille. L'interprète de cette dernière a d'ailleurs changé au bout de 130 épisodes sans que personne n'y trouve rien à redire, pas même ses parents de fiction.
Ces grosses ficelles scénaristiques ne semblent pas décourager les fidèles de la série. Ils étaient encore en moyenne 2,4 millions (17,7% de PDA) devant les deux épisodes diffusés mardi soir sur TF1 après plusieurs jours d'interruption dus à la Coupe du monde de football.
On se souvient d'ailleurs qu'en 2004 sur France 3, le pionnier du genre, "Plus belle la vie", qui était à ses débuts une paisible chronique de la vie du quartier fictif du Mistral, avait enregistré des audiences préoccupantes avant de se résoudre à introduire un tueur en série quelques mois plus tard et intégrer plus d'action, quitte à faire quelques concessions en matière de réalisme. Un pari gagnant.