Saison 14, étape 1. Philippe Gougler, locomotive de la collection "Des trains pas comme les autres" (production Step by Step) depuis le lancement de sa nouvelle formule en 2011, débute, ce jeudi 4 juillet 2024 à 21h10 sur France 5, une nouvelle série de voyages de 14 jours sur la baie de San Francisco.
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Dans cet entretien que le journaliste a accordé à puremedias.com le vendredi 28 juin à Paris, Philippe Gougler raconte quelle est la promesse du programme, quel est son rôle dans sa conception ainsi que sa perception du succès. 2,09 millions de téléspectateurs (11,0% du public) – ils n'avaient jamais été aussi nombreux – l'avaient, pour rappel, suivi en Argentine du Sud pour la dernière de la saison 13, le 31 août 2023.
Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
puremedias.com : Quel état d'esprit vous anime avant le début de cette saison 14 ?
Philippe Gougler : J'éprouve de la joie à l'idée de montrer à l'antenne tout le travail accumulé pendant des mois. Notre rythme de tournage s'étale en effet de septembre à juin avant la diffusion des inédits pendant l'été. Il y a toujours un sprint final en juin, c'est l'étape des ultimes tournages et des derniers montages. Et puis après c'est parti pour le saut dans l'inconnu. On se demande si ça va marcher, si les gens vont être contents...
Ils ont particulièrement été au rendez-vous en 2023. Comment l'expliquez-vous ?
C'est une émission dans laquelle l'équipe et moi avons mis beaucoup de nous-mêmes. À mon niveau, j'ai essayé d'y injecter ma patte. Avec un style qui dénote, petit à petit, l'émission a fait son trou. Ce qui me fait le plus chaud au coeur, c'est que le public est présent quelle que soit la destination, c'est-à-dire qu'ils viennent au rendez-vous parce qu'ils pensent être certains de passer un bon moment. Y compris sur des destinations qui a priori ne sont pas forcément excitantes. Cela me permet de faire découvrir des lieux et des endroits où les gens n'iraient pas, de montrer que le monde peut être beau partout grâce aux rencontres. En fait, la destination importe peu, c'est la rencontre qui compte.
Estimez-vous que votre personnalité peut être un facteur de ce succès ?
Je ne sais pas si je suis une référence, c'est beaucoup d'honneur ! Ce qui est sûr, selon moi, c'est que nous traversons une époque un peu compliquée, un peu troublée. Je pense que cette émission est un moyen pour les téléspectateurs de s'évader et d'avoir une vision du monde qui n'est pas dramatique, dure, dangereuse. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas conscient des difficultés du monde mais que le monde tel que j'ai envie de le montrer est composé de gens passionnés, ouverts aux autres. Ce que j'ai toujours défendu dans ce programme, c'est une découverte du monde plutôt lente, douce. Nous n'avons pas une approche épileptique des choses.
"Une bonne rencontre ? Quelqu'un qui a les yeux qui pétillent"
Qu'est-ce qui fait une bonne rencontre, celle que l'on conserve au montage ?
C'est quelqu'un qui a les yeux qui pétillent. Vous sentez la passion, l'amour pour ce qu'il fait, pour son pays, et la joie de nous le faire partager. Parce qu'en fait ces petits moments, ce ne sont pas des interviews, ce sont des moments de partage. Cette joie-là, cette étincelle quand on l'a, ça c'est merveilleux. Comment des gens réussissent à être heureux, à trouver une forme de bonheur là où ils sont, dans la culture dans laquelle ils sont, et avec les moyens qu'ils ont ? C'est à ces questions que je vais chercher des réponses. Et on en trouve toujours, il y en a partout. C'est ça qui est beau ! Vous pouvez vous rendre au fin fond de la jungle amazonienne. Vous allez trouver des gens avec cette joie de vivre. C'est souvent en rentrant que vous vous dites, mais qu'est ce qu'on a vu?
Et en coulisses, comment ça se passe ? Vous repérez quelqu'un qui pourrait vous intéresser, vous lui parlez en off avant ? Ou alors justement vous misez sur la spontanéité du moment ?
En fait pour moi, l'improvisation, la spontanéité, c'est très important. Parfois les rencontres sont totalement improvisées. Généralement, j'apprends quand même deux, trois mots ou phrases de la langue locale, parce que ça aide beaucoup à créer un contact. À ce moment-là, on filme le début parce qu'un "bonjour", vous ne pouvez pas le refaire. Le vrai bonjour naturel, il n'existe qu'une fois. Donc il ne faut pas que je sois allé les voir avant en leur disant "Alors, attendez, je vais venir vous dire bonjour". Ça, ça ne marche pas. Donc on filme la rencontre. Après, il faut quand même expliquer à la personne qui on est, de quoi on va parler, que je vais poser des questions qui vont être traduites, il faut quand même que l'on explique la logistique des choses. Puis après on y va !
"J'adorerais présenter 'Rendez-vous en terre inconnue' sur France 2"
Une rencontre vous a-t-elle particulièrement marqué ? Avez-vous déjà été submergé par l'émotion ou même pleuré ?
Oui ! En Bolivie, il y a une montagne bourrée de minerais et percée de partout depuis les Conquistadors. Extraire l'argent dans cette zone a contribué à la fortune de l'Espagne. Il ne reste plus grand-chose dans cette montagne mais il y a encore des mineurs qui vont dans leur coin essayer de gratter un peu ce qui reste. Je me retrouve à marcher dans cette mine et aperçois au loin un petit gars de 18-19 ans, tout seul dans le noir qui essayait de trouver de l'argent. Je lui demande s'il réussit à gagner sa vie. Il me répond qu'il n'a pas le choix, que cet argent lui servira à payer ses études – il voulait devenir médecin – et les traitements pour sa mère. Donc il pellette toute la journée et la nuit, il travaille ses études. En attendant, il était tout seul au fond de la mine. Rien que de vous en parler, j'en ai encore des frissons. Ce qui m'a le plus touché, c'est qu'il n'était pas larmoyant. Cette scène m'a marqué à vie !
Raphaël de Casabianca a expliqué ne "pas s'habituer à dire adieu". Ce déchirement a été l'un des facteurs qui l'a conduit à arrêter la présentation de "Rendez-vous en terre inconnue" sur France 2. Vous le comprenez ?
Nous ne lions pas tout à fait les mêmes relations. Eux restent quinze jours avec les mêmes personnes dans la même situation, très isolés. Ils vivent des choses extrêmement intenses sur la durée. Je pense que l'attachement est différent. Mais le petit gars dont je viens de vous parler, ça m'a marqué, et je sais que je ne le reverrai jamais. Et donc oui, il y a des gens que je quitte le coeur gros. Ça fait partie du métier.
J'en profite pour ouvrir une petite parenthèse. Êtes-vous candidat à la présentation de "Rendez-vous en terre inconnue" ? Raphaël de Casabianca venait lui aussi de France 5 avant d'arriver sur France 2 .
J'adorerais ! C'est une émission merveilleuse...
"La transmission du climat d'un pays, ça se travaille autant sur place qu'au montage"
Revenons aux "Trains". Comment choisissez-vous les destinations ?
C'est assez technique, il y a plein de paramètres. D'abord, il faut qu'il y ait des trains. C'est la première condition qui n'est pas la moindre. Hélas, il y a plein de pays où il n'y a pas de train. Il faut au moins qu'il y ait des rails et quelque chose qui roule dessus. En Amérique latine, par exemple, il y a extrêmement peu de trains mais il y avait un réseau ferré énorme. C'est là-bas souvent que l'on trouve les trains les plus originaux. Cela va du gondolier sur rail jusqu'à un gars qui conduit une charrette avec des chevaux et qui va chercher de l'eau dans le pays voisin... On trouve des tas d'engins bizarres ! Deuxième chose : il faut que les destinations soient équilibrées pendant la saison. Le climat est un élément à considérer. Enfin, il faut qu'on ait envie d'y aller, parce que ça compte...
Combien êtes-vous sur le tournage ?
On est une toute petite équipe. On part à trois de France, c'est-à-dire moi, le caméraman, réalisateur et un preneur de son. Sur place, il y a un fixeur. C'est notre correspondant local, un personnage absolument stratégique qui nous aide à traduire, à obtenir des autorisations. Il y a des pays où en la matière, c'est très compliqué parce que le problème des trains, c'est qu'il faut avoir le droit de monter dedans. Vous ne pouvez pas monter en douce dans un train avec une équipe de télé, ça ne marche pas, vous vous faites gauler direct. (rires)
Dans le générique, vous êtes présenté comme auteur de la collection, en plus d'en être l'incarnation. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
Je participe à la fabrication de l'émission du début à la fin. Cette émission, c'est mon bébé ! J'imagine mal ne pas être là à la préparation, ne pas être là au tournage forcément et ne pas être là au montage. Parce qu'en fait, dans cette émission, on raconte une histoire, une aventure, une découverte et on fait partager les choses. Et tous les éléments de la fabrication sont essentiels. Je suis co-auteur avec le réalisateur. Lui va s'occuper de la mise en images. Moi je m'occupe du récit, c'est-à-dire de tout ce que l'on va raconter et la manière avec laquelle on va le raconter. Je concevrais mal de faire une émission comme celle-ci sans être aussi impliqué parce que j'aime autant raconter des histoires que faire des rencontres, c'est les deux en même temps. La transmission du climat d'un pays, ça se travaille autant sur place qu'au montage. J'écris les commentaires aussi. Toutes les informations que je trouve sur place, c'est moi qui les trouve et qui les cherche.
"J'aimerais que l'on marque le coup pour la 100e des 'Trains'"
L'an prochain, France 5 diffusera la saison 15 de la collection. Imaginez-vous un événement particulier pour cette saison anniversaire ?
On n'y a pas réfléchi mais j'aimerais que l'on marque le coup pour la 100e de cette émission qui est pour moi un cadeau du ciel. Elle se rapproche. À la fin de l'été, nous aurons bouclé la 89e émission.
Vous serez sur RTL cet été dans l'émission "Ça va faire des histoires". Avoir une tranche, comme à l'époque de vos débuts où vous officiez sur le réseau France Bleu, c'est quelque chose qui vous donne envie à l'avenir ?
J'aimerais vraiment bien. Je trouve que la radio permet de transmettre un récit, une histoire que l'on raconte avec une voix et une tonalité particulière afin de faire fonctionner l'imaginaire. Il y a une intimité avec celui qui écoute qui est très addictive. Donc, oui, j'aimerais bien.