Fiasco d'une erreur judiciaire qui a marqué la société française. France 2 proposait, mardi soir en première partie de soirée, les deux premiers des quatre épisodes de la série documentaire "L'affaire d'Outreau". Signée Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal, celle-ci revient dans un format hybride à mi-chemin entre le cinéma, la série et le théâtre sur ce célèbre procès à l'issue duquel quatre adultes ont été reconnus coupables de pédophilie sur douze enfants du quartier de la tour du Renard. Mais qui a aussi conduit treize innocents, à l'issue de l'instruction menée par le juge Fabrice Burgaud, derrière les barreaux. Accusés à tort, certains ont passé plus de trois ans en prison pour rien.
Sur le plateau de "L'invité" de TV5 Monde, Andréa Bescond a rompu, hier, le flot de critiques dithyrambiques que suscite la série documentaire dans la presse. "Je trouve qu'il y a toujours une façon de décrédibiliser la parole de l'enfant en France. Dès qu'il y a une occasion, on la saisit", a chargé hier la réalisatrice du film "Les chatouilles", elle-même victime de violences sexuelles pendant son enfance.
Et la cinéaste de poursuivre : Dans "cette série, 'L'affaire d'Outreau' est présentée comme le grand fiasco. Oui, bien sûr, cela a été un fiasco. On connaît tous cette histoire". "Mais il y a quand même des enfants qui ont été violés. Mais alors par qui ? Il y a quand même une douzaine de victimes et une cinquantaine d'enfants dont les plaintes ont été classées sans suite. Qui a violé ces enfants ?", a-t-elle interrogé. Et de lancer : "Le vrai fiasco, c'est que, pour l'instant, il n'y a pas de justice pour ces enfants-là".
Au sujet de la mini-série, la réalisatrice, récompensée du César de la meilleure adaptation en 2019, a encore critiqué : "Si c'est sur l'angle d'un fiasco judiciaire et des mensonge prodigués par des enfants, je ne pense pas que cela soit quelque chose de salutaire. Je pense qu'au contraire, tout est encore là pour décrédibiliser la parole de l'enfant à qui l'on dit de s'exprimer sur les faits d'inceste ou de viols qu'il ou elle peut subir, et quand c'est le cas, on va dire que l'enfant ment, que l'enfant est manipulé et que l'enfant ne dit pas la vérité".
Notons tout de même qu'en plus des témoignages de quatre des treize personnes acquittées en 2005, Thierry Dausque, Daniel Legrand, Alain Marécaux et Dominique Wiel, les auteurs de cette série documentaire donnent la parole à Jonathan Delay, l'un des quatre enfants du couple Badaoui-Delay. Ce dernier, rappelait hier "Le Monde", évoque son "statut ambivalent de victime de viols qui ont brisé sa vie (et de) coupable – comme beaucoup – de mensonges qui en ont brisé d'autres".
"Au fond, cette série-là ça fait du mal ?", l'a questionnée Patrick Simonin, présentateur de l'émission. "Je pense qu'en tout cas, en France, en 2023, on n'a pas besoin de faire cette immense rétrospective autour de l'affaire d'Outreau puisque depuis 2005, on a 40% de moins de condamnations pour violences sexuelles en France. Je crois que l'angle est mauvais. C'est mon avis", a répondu Andréa Bescond.
"'Il n'y a de pire souffrance que l'injustice', écrit France Télévisions pour présenter ce film", a relancé le journaliste, appelant un commentaire de son invitée. "Ouais, l'injustice qu'ont subie tous ces enfants", a rétorqué Andréa Bescond. Et de terminer : "La parole de ces enfants n'a jamais été entendue. Ils ont été maltraités en plein procès. Ce sont des enfants dont la parole a été totalement bafouée. Je pense très fort à eux aujourd'hui". puremedias.com vous propose de visionner la séquence.
Invité par puremedias.com à réagir aux propos de la cinéaste - qui ne précise à aucun moment de l'interview si elle a vu ou non la série -, France Télévisions a opposé à la comédienne que "pour la première fois, une série sur l'affaire d'Outreau donne la parole à l'ensemble des victimes de ce fiasco judiciaire : enfants et accusés innocentés. France Télévisions rappelle être investi et engagé depuis de nombreuses années, grâce à son unique offre de programmes - documentaires, fictions ou encore magazines -, dans la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants".
Le lancement de la mini-série documentaire a été bien suivi, hier soir. En moyenne, 3,13 millions de téléspectateurs étaient au rendez-vous, ce qui représente 15,5% du public et 10,9% des Femmes responsables des achats de moins de 50 ans (FRDA-50), selon Médiamétrie. France 2 achèvera le mardi 24 janvier la diffusion de "L'affaire d'Outreau". Les deux derniers épisodes seront suivis d'un débat présenté par Julian Bugier qui promet, sur le même modèle des soirées continues de France 2, de "mettre les choses en perspective".