TF1 danse avec Netflix. Si Delphine Ernotte a récemment qualifié la plateforme de SVOD de "diable" et qu'elle veut réserver l'exclusivité de ses séries à la future plateforme française Salto, il semble que Gilles Pélisson, patron du premier groupe audiovisuel privé européen, soit, pour l'heure, plus pragmatique. TF1 et Netflix viennent en effet de signer un accord de partenariat autour du préfinancement de la série historique "Le Bazar de la charité". Pour rappel, ce 8x52 minutes, dont le tournage vient de s'achever, est la première série française en costumes de TF1 depuis plusieurs années.
Produite par Quad Television, la série, créée par Iris Bucher, qui a récemment signé la fiction historique "Victor Hugo, ennemi d'État" pour France 2, sera réalisée par Alexandre Laurent ("La Mante", "Le Secret d'Elise"). Côté cast, "Le Bazar de la Charité" est principalement portée par Audrey Fleurot ("Engrenages"), Julie de Bona ("Le Tueur du lac") et Camille Lou ("Maman a tort", "Les Bracelets Rouges"). Des guests de prestiges sont également attendus dont Josiane Balasko, Antoine Duléry ou encore Florence Pernel. La diffusion du "Bazar", dont l'intrigue se déroule à la fin du XIXe siècle, est attendue au second semestre sur TF1.
En vertu de l'accord conclu entre TF1 et Netflix, initié par TF1 Studio qui s'occupe de la distribution de la série, la plateforme de Reed Hastings récupèrera les droits SVOD de la série dans le monde pour une durée de quatre ans. Netflix pourra ainsi proposer la série à ses quelque 140 millions d'abonnés dans le monde, y compris en France - une fois passée la période du J+7 - , dès la fin de sa diffusion sur TF1. La Une conservera, elle, les droits d'exploitation de la série sur ses antennes linéaires.
La conclusion de ce type d'accord est une grande première en France. Jamais, dans nos contrées, la firme de Los Gatos ne s'était ainsi associée à un diffuseur traditionnel. Il n'est pas sans rappeler l'association entre la britannique BBC et Netflix, illustrée à la rentrée dernière par "Bodyguard", série qui a fait l'événement en Grande-Bretagne, rassemblant plus de 10 millions de personnes, avant d'être proposée dans le monde entier sur Netflix. Par ailleurs, tout comme TF1 est engagée avec France 2 et M6 dans le projet Salto, souvent affublé du surnom de "Netflix à la française", la BBC travaille avec son concurrent privé ITV sur BritBox, un projet de plateforme commune.
Reste à voir, à terme, comment les diffuseurs traditionnels concilieront ce type de deal avec Netflix, qui a l'avantage de pouvoir donner, outre une source de financement non-négligeable, une visibilité internationale hors-norme à des contenus locaux, et l'impérieuse nécessité de fournir du contenu à la plateforme patrimoniale. La signature de cet accord va néanmoins dans le sens des récents propos de Gilles Pélisson, qui travaille déjà indirectement avec Netflix puisque sa filiale Newen produit pour la plateforme la série événement "Osmosis".
Interrogé par "Le Figaro" en février dernier, le dirigeant avait déclaré avoir des "sentiments partagés" vis-à-vis des plateformes de SVOD. Le patron du groupe TF1 avait déploré que celles-ci n'aient pas (encore) "d'obligation de financement de la filière et ne (soient) pas soumises aux mêmes règles et taxes". Une situation qui "doit impérativement être réglée" avait prévenu le dirigeant alors que la réforme de l'audiovisuel à venir doit précisément statuer sur ce point. Pragmatique et ayant déjà certainement une idée derrière la tête, il avait ajouté : "Des partenariats sont possibles dès lors qu'il y a un partage plus équitable de la valeur soit en préfinancement de projets de fiction, soit en vente internationale".