Le journal "Marianne" ne sera pas racheté par le milliardaire catholique Pierre-Édouard Stérin. "Pierre-Edouard Stérin et nous sommes convenus que la volonté unanime exprimée contre son offre par les salariés rendait impossible de poursuivre notre discussion", a écrit ce jeudi 18 juillet aux représentants du personnel Denis Olivennes, président de CMI France, qui détient l'hebdomadaire.
Une journaliste de "Marianne" a fait part à l'AFP du "soulagement" de la rédaction après cette annonce. Il faut dire que le projet de rachat du titre par Pierre-Édouard Stérin avait été rejeté par la rédaction, dirigée par Natacha Polony, fin juin 2024. Une grève reconductible avait même été entamée après la parution d'un article du "Monde" prêtant à l'homme d'affaires des accointances avec l'extrême-droite.
"Le rachat devenait d'autant intenable", selon la journaliste sollicitée par l'AFP, après une tribune publiée par Pierre-Édouard Stérin dans "Le Figaro" mercredi 17 juillet. L'homme d'affaires y annonçait le lancement de Périclès, un projet devant contribuer à "lever une élite politique" face à une "fabrique des cerveaux de gauche très efficace". Il y observe "les divisions profondes des forces de droite", leur difficulté "à s'unir", et ne s'y résout pas.
"Je respecte profondément les salariés de 'Marianne ', et construire l'avenir du journal sans leur pleine adhésion n'est pas et n'a jamais été dans mon intention. Mon projet était basé sur le maintien de l'équipe et de la ligne. Je souhaite désormais le meilleur à 'Marianne' et à sa rédaction pour la suite", a déclaré Pierre-Édouard Stérin dans un communiqué.
La piste Stérin désormais écartée, celle de l'outsider Jean-Martial Lefranc est maintenant étudiée de très près. Des "négociations exclusives" ont été entamées avec l'entrepreneur, qui a formulé une nouvelle offre de reprise du titre, réhaussée à 8,5 millions d'euros. CMI France est prêt à prendre en charge une partie des coûts de reprise, pour 3 millions, a précisé Denis Olivennes dans son message consulté par l'AFP.
Jean-Martial Lefranc entend "finaliser (son) projet industriel, solide stratégiquement et pérenne financièrement afin de garantir l'indépendance éditoriale et économique" de l'hebdomadaire, selon un message transmis à l'AFP. L'entrepreneur a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009. Pour racheter "Marianne", il s'est entouré des investisseurs Henri de Bodinat et Joan Beaufort, et le tour de table a vocation à s'élargir. L'homme d'affaires est également en lien avec le socialiste Julien Dray, qui n'a toutefois pas de mandat dans ce rachat.
Ces négociations devraient durer plusieurs mois, l'information-consultation des instances du personnel devant démarrer en septembre 2024. Jean-Martial Lefranc s'est engagé à reprendre les garanties "d'indépendance" de la rédaction de "Marianne" qu'avaient proposées Pierre-Edouard Stérin, souligne Denis Olivennes. La Société des rédacteurs du journal a dit jeudi attendre "rapidement une trace écrite" de cet engagement.