"Avant même le rachat, on commence à s'autocensurer". Dans le numéro paru ce jeudi 4 juillet de l'hebdomadaire "Marianne", deux pages sont consacrées au potentiel rachat du titre par le milliardaire catholique Pierre-Édouard Stérin. À la page 32 du magazine, titrée "'Marianne' en danger : recherche milliardaire républicain", les journalistes de la rédaction dirigée par Natacha Polony exposent les raisons qui les poussent à s'opposer au rachat du magazine par l'homme d'affaires de 50 ans, dont les accointances politiques avec le Rassemblement national ont été mises en lumière dans un article du "Monde" daté du 26 juin.
Ce texte signé par "les salariés de Marianne" est accompagné d'une caricature réalisée par le dessinateur de presse Pascal Gros, où Pierre-Édouard Stérin, représenté en habits religieux, s'avance bras ouverts vers une Marianne qui lui rétorque : "Le consentement, ça vous dit quelque chose ?". Mais cette version, publiée dans le magazine, n'est pas la version initiale du dessin envoyé par Pascal Gros.
En effet, à la demande de la direction du magazine, affirme le journal du soir, le dessinateur a du retirer de sa caricature une flamme représentant le logo du Rassemblement national, qu'il avait initialement placée dans le dos de Pierre-Édouard Stérin. Si la direction certifie auprès du "Monde" que ces allers-retours avec les dessinateurs sont habituels, une partie des salariés interprète cet épisode comme les prémisses du possible interventionnisme éditorial redouté en cas de rachat du titre par le milliardaire.
"On nous explique qu'il n'y aura pas de pressions éditoriales si on est racheté par Stérin, et avant même son rachat on commence à s'autocensurer", s'est ainsi notamment emporté un journaliste souhaitant conserver l'anonymat. Un autre affirme que "la direction est frileuse à l'idée de se couper totalement de la piste Stérin" et "tente de maintenir le lien avec Pierre-Edouard Stérin" en attendant le 21 juillet, date à laquelle les actuels propriétaires statueront sur les suites à donner aux négociations entamées avec l'homme d'affaires, exilé fiscal en Belgique.
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Vendredi 28 juin, les salariés de "Marianne" étaient entrés en grève pour protester contre les négociations ayant lieu entre le groupe CMI, propriétaire du magazine, et Pierre-Édouard Stérin. Si l'annonce, dans la foulée, de la suspension des négociations a mis fin à la grève des journalistes, ceux-ci restent attentifs à la situation. Dans un communiqué publié en fin de semaine dernière, ils affirmaient être d'ores et déjà "prêts à reprendre la grève, dans l'hypothèse où Daniel Kretinsky (l'actionnaire actuel) et son mandataire Denis Olivennes ne prendraient pas une position publique dans les prochains jours" pour s'engager à ne pas vendre "Marianne" à Pierre-Edouard Stérin.