La bataille continue. Dans un éditorial ce mercredi sur le site du journal, Etienne Gernelle, directeur du "Point", dénonce le "pillage" et le "bras d'honneur" de Google envers la presse française concernant les droits voisins. Depuis près de trois ans, le géant du web et les titres de presse s'affrontent sur l'application concrète de la directive européenne sur le droit d'auteur.
Le journaliste résume dans un premier temps les précédents épisodes opposant son journal et Google : "Par sa position de monopole et sa machine à aspirer les donnés, Google réalisait des profits monstrueux grâce aux articles des journaux, sans jamais payer un centime des enquêtes, des reportages, bref, du journalisme (...) Notre travail, c'est leur bénéfice".
Après la transposition en droit français de la directive européenne sur les droits d'auteur en 2019, le géant du web "a d'abord essayé d'imposer une rémunération égale à zéro, menaçant, si (les journaux) n'acceptaient pas de (les) déréférencer". "Ce qui équivaut presque à disparaître du paysage", pointe Etienne Gernelle, qui rappelle que, "sommé par l'Autorité de la concurrence de négocier", le moteur de recherche a "tenté de conditionner le paiement de ce qu'il devait déjà l'entrée dans son système dit 'showcase'", "qui aurait consisté à siphonner les revenus d'abonnement", "en plus de ceux de la publicité". Une proposition que "Le Point" avait refusée et que l'Autorité de la concurrence a condamnée, via une amende de 500 millions d'euros.
Une nouvelle fois, Google a été contraint de reprendre les négociations et de formuler une nouvelle offre aux éditeurs. "Et c'est là que le mépris de la firme américaine franchit encore un palier : elle nous propose désormais - à la presse magazine, donc au 'Point' - environ sept fois moins que ce qu'elle avait mis sur la table lors des premières discussions ! Oui, sept fois moins ! Alors que, dans le même intervalle, ses bénéfices ont plus que doublé... Autant dire un bras d'honneur", dénonce le directeur du "Point".
"Nous avons tous vu cela cent fois dans des westerns ou des films de gangsters : le bandit offre à sa pauvre victime de racheter sa terre ou son commerce pour une bouchée de pain et, à la protestation de celle-ci, baisse encore son prix. Cette méthode de voyou cinématographique est donc celle de Google", accuse le patron de presse. Et de citer une réplique des "Sept mercenaires" : "Si Dieu n'avait pas voulu qu'ils soient tondus, il ne les aurait pas faits moutons".
Etienne Gernelle le martèle dans son édito : "Nous ne lâcherons rien. Quel qu'en soit le prix". "En revanche, bien au-delà du destin de la presse, que signifie cette histoire pour nos institutions ?", se demande-t-il. Et de poursuivre : "Une directive européenne, une loi et deux décisions de l'Autorité de la concurrence ont constaté la prédation, affirmé et réaffirmé que les revenus issus du journalisme devaient être équitablement partagés. Pour rien ? Le géant californien est bien sûr fondé à défendre ses bénéfices, mais il se doit aussi, comme tout le monde, de respecter la loi. Or, visiblement, il s'en fiche". Et d'interpeller les parlementaires : "Sachez-le, Google vous considère comme quantité négligeable. Et s'essuie les pieds sur vos lois".