Il aura fallu se montrer patient. C'est en janvier dernier que M6 avait en effet convié les journalistes pour leur présenter "Patron Incognito", un magazine d'immersion de 70 minutes produit par Endemol. Et ce n'est que ce soir que le premier épisode débarque sur la chaîne. Il s'agit de l'adaptation d'un format qui a notamment cartonné aux Etats-Unis, "Undercover Boss", avec plus de 38 millions de curieux pour le premier épisode diffusé après le Super Bowl en 2010. puremedias.com avait ainsi découvert un montage de 45 minutes des deux premières émissions, projection suivie d'un dialogue avec les producteurs mais aussi les patrons en question ainsi que les salariés qu'ils ont rencontré lors de leur immersion.
Dans "Patron Incognito", des chefs d'entreprise se font passer pour des chômeurs en réinsertion auprès de plusieurs employés de leur société. Sous couverture, ils apprennent pendant cinq jours plusieurs métiers, se confrontant à la réalité du terrain et découvrant parfois à quel point leur travail est déconnecté de l'application qui en est faite en bas de l'échelle. "On ne fait pas ça pour dénoncer, il n'est pas question ensuite de virer les employés qui travailleraient mal. Il s'agit de voir ce qui ne va pas pour améliorer la vie de l'entreprise pour que tout se passe mieux", explique Bibiane Godfroid, directrice des programmes de m6.
Et effectivement, le programme est très positif. Les deux patrons qu'on découvre semblent réellement sincères dans leur démarche. Le premier, Jean-Claude Puerto, patron d'une enseigne de location de véhicules, explique qu'il est persuadé depuis longtemps qu'un chef d'entreprise n'entend jamais la vérité. "Quand il va sur le terrain, on astique les cuivres pour lui montrer une situation agréable et quand on lui parle du terrain, on a tendance à embellier la situation", explique-t-il. "L'idée d'aller voir avec mes propres yeux la vérité me passionnait", dit-il. Il part donc sur le terrain et rencontre notamment un préparateur de voiture ainsi qu'un responsable d'agence.
Et sur le terrain, rien n'est parfait, bien sûr, mais les employés que les patrons rencontrent et qui les coachent pendant leur apprentissage sont attachants et bien choisis. Les situations sont souvent cocasses et les chefs d'entreprise ont parfois du mal à rester dans leur rôle, alors qu'ils vivent "dans la peur constante d'être reconnu". On sourit, on rigole et on est même parfois émus ! Et quand quelque chose ne va pas, les patrons ont plus tendance à remettre en question leurs méthodes qu'à s'en prendre à leurs employés. Il faut dire qu'Endemol a bien choisi ses premiers héros.
"Nous avons rencontré un certain nombre de patrons et nous avons sélectionné ceux avec qui nous avions envie de vivre cette aventure", explique la maison de production. "Et l'un de nos critères était la sincérité de la démarche", explique-t-elle encore, en réponse aux sceptiques qui voient surtout dans l'émission l'occasion pour les patrons de faire une belle pub à leur marque. Si Jean-Claude Puerto ne nie évidemment pas l'attrait de cette exposition, il évoque "une énorme part de risque". "Vous dites, 'je vais montrer mon entreprise', mais que va voir la caméra ? Le deal est 'toute la vérité, rien que la vérité'. Si la vérité n'est pas belle, ça peut être terrible", explique-t-il.
Le résultat est en tout cas loin d'être terrible, lui. Si la mise en scène est parfois un peu grossière - musique dramatique, ralentis, etc - l'aventure se suit avec plaisir et on s'attache rapidement à ces patrons aussi bien castés que les employés qu'ils côtoient. La révélation de leur véritable identité à la fin du programme est un joli moment. Pas sûr que cela suffise à redorer l'image très écornée des patrons - Virginie Calmels, patronne d'Endemol, s'avoue "très triste de voir que jamais un patron ne figure parmi les personnalités préférées des Français" - mais l'émission a au moins le mérite de ne pas tomber dans les clichés.