"On espère qu'on sera prêt pour ce soir" lâche fébrile Géraldine Levasseur, la rédactrice en chef de "Zone Interdite". Depuis plusieurs jours, les équipes du magazine de M6 s'activent pour mettre la touche finale à une nouvelle enquête coup de poing sur la gestion de nos aînés. En novembre dernier, leur reportage initialement centré sur l'aide à la personne a pris un tournant inédit. Onze mois après les révélations du livre "Les Fossoyeurs" de Victor Castanet sur les mauvais traitements constatés dans les Ehpad privés de chez Orpéa, Laurent Guillot, le nouveau directeur général de l'entreprise, présentait à la presse son plan stratégique pour faire oublier le scandale.
De quoi intriguer Laure Herpeux et Clémentine Caillon, deux journalistes de la société de production Giraf Prod, au centre de ce "Zone Interdite". "Notre documentaire ne partait pas d'Orpéa mais les engagements annoncés par Laurent Guillot nous ont interpellés, explique Laure Herpeux. On a tout de suite demandé des autorisations de tournages pour vérifier par nous même". Selon lui, la société privée avait engagé 800 salariés par mois et avait revu à la hausse le budget des repas de ses résidents après le scandale. Le résultat de leur enquête fait froid dans le dos.
"Immédiatement, Orpea nous a imposé ses conditions. Ils ont choisi l'Ehpad modèle où on a eu le droit de poser nos caméras et les personnes à qui on avait le droit de poser des questions. Tout était en permanence encadré par le service communication. On ressentait une forme de pression" indique Géraldine Levasseur. "À chaque fois qu'on arrivait dans cet Ehpad, on voyait bien que l'attitude du personnel changeait dès qu'on arrivait. On sentait une forme de représentation qui se mettait en place quand on débarquait ou quand les proches arrivaient" se souvient Laura Herpeux.
Face à "l'omerta" dans le milieu des Ehpad, les journalistes qui disent avoir parlé à "une centaine" de personnes (soignants, familles, pensionnaires, anciens dirigeants, etc) vont rentrer en contact avec Caroline et Catherine Ipert, une mère et sa fille dont le père et grand-père dépérit depuis qu'il a fait son entrée dans un établissement Orpéa. Placé depuis un an, Jean a perdu 30 kilos, perdu ses dents, affiche de multiples contusions et est devenu mutique. M6 et ses témoins vont alors décider de placer une caméra cachée dans la chambre de l'octogénaire. Les images diffusées ce soir risquent de choquer une partie des téléspectateurs... "Ce qui se passe dans ses Ehpad est catastrophique. Aujourd'hui on se pose des tas de questions sur ce que mon père a pu vivre depuis un an" nous confie Catherine face aux images de mauvais traitements infligés à son père.
Après plusieurs semaines d'enquête, le constat du documentaire de M6 est préoccupant : "rien n'a vraiment changé" chez Orpea se désole même anonymement un membre du personnel dans le documentaire. "Lorsqu'on filme, lorsqu'on vérifie, lorsqu'on voit la situation à Orpéa les bras nous en tombent. Ça ne marche pas, tant au niveau du personnel que des repas. Ce qu'on a vu est affligeant" conclut Géraldine Levasseur.
Face à cette situation alarmante, les équipes de "Zone Interdite" ont demandé des comptes à Opéra et son directeur général, Laurent Guillot. Juste après la diffusion de l'enquête de "Zone Interdite" le patron actuel d'Orpea réagira et s'expliquera. "On espère que cette enquête poignante va faire bouger les lignes et éveiller les consciences. C'est une nécessité publique. A force de répéter les choses qu'il y aura une prise de conscience dans la prise en charge de nos aînés" conclut Ophélie Meunier, l'animatrice du magazine.