La nouvelle a fait l'effet d'une bombe. Mardi soir dans un communiqué, TF1 a annoncé avoir signé un accord avec le groupe français Reworld Media en vue de la cession de plusieurs marques de son pôle numérique baptisé Unify. Parmi elles, les sites "Doctissimo", "Gamekult", "Auféminin" et "Les Numériques", des marques dédiées au "social media" comme "Fraîches", "Hero" et "Vertical Station", le studio "Garage" et "Studio Fy", un actif regroupant près de 150 influenceurs. Elles viendraient rejoindre les 60 marques médias déjà détenues par Reworld Media, parmi lesquelles "Télé Star", "Science & Vie", "Auto Plus", "Top Santé", "Marie-France", "Grazia" ou encore "Biba".
En interne, l'annonce de cette acquisition, qui doit encore être validée par l'autorité de la concurrence, a suscité l'inquiétude chez certains salariés. "C'est une terrible nouvelle. La réputation de Reworld Media nous donne froid dans le dos", confie ainsi un employé d'Unify, joint hier par puremedias.com, et qui souhaite conserver l'anonymat, comme tous ceux que nous avons contactés. Une autre plume d'un grand site d'Unify fait également part de sa "stupéfaction" et de sa "colère" : "Reworld Media a une réputation terrible dans la presse. Il est décrit comme un broyeur de rédactions".
Depuis plusieurs années, Reworld Media est régulièrement mis en cause pour ses méthodes de management des rédactions. En 2019, près de 200 journalistes avaient ainsi quitté Mondadori après sa reprise par le groupe de presse français. En 2021, la quasi-intégralité des journalistes de "Science & Vie", en désaccord avec leur propriétaire, étaient partis pour créer un magazine concurrent baptisé "Epsiloon".
Sans doute conscient de cette réputation, TF1 s'est assuré que Reworld s'engage publiquement à reprendre "l'ensemble des collaborateurs du pôle". "On ne sait pas comment prendre les promesses de conservation", réagit un journaliste. "Certes, ce n'est pas très rassurant, mais nous attendons de voir le projet. Nous voulons des garanties", tempère un autre.
Le timing de l'annonce est aussi pointé du doigt par plusieurs salariés contactés, alors que certaines rédactions venaient d'emménager dans les locaux de TF1 la veille de l'annonce de la vente à Reworld Media. "Le timing de l'annonce est nauséabond. On nous accueille avec une grande soirée TF1 où l'on finit par penser que ce n'est pas si mal ici et qu'on va s'y amuser. Dès le lendemain, la gueule de bois est double", souffle un salarié d'Unify. Sur Twitter, Lâm Hua, streameur chez "Les Numériques", s'est lui aussi attristé de ce retournement de situation inattendu : "Hier, à 16h, je déménage chez TF1. Aujourd'hui, à 18h, j'apprends que je suis revendu à Reworld Media. Parfois, les timings, c'est... voilà", a-t-il écrit mardi 28 juin.
Des salariés s'étonnent également de la décision du groupe TF1 de vendre son pôle numérique. "Pourquoi ont-ils fait ça ? Pourquoi alors avoir dépensé de l'argent pour nous faire venir dans leurs locaux ? Pourquoi maintenant ? Quel était le réel projet de TF1 ? C'est incompréhensible", déplore un rédacteur, qui confie que "des rumeurs de vente" existaient depuis plusieurs semaines mais avaient été "démenties" par la direction de TF1 il y a deux semaines.
Si l'acquisition d'Unify est autorisée par l'autorité de la concurrence, elle devrait être effective en décembre prochain, avec un déménagement chez Reworld des équipes concernées organisé dans la foulée.
Contactés par puremedias.com, les groupes TF1 et Reworld Media n'ont pas souhaité faire de commentaires.